Le prieuré de Montazais, dépendant de l’abbaye de Fontevraud, fut fondé entre 1124 et 1127. Il abritait une communauté de moniales dirigée par une prieure, mais comptait aussi, à l’origine, des moines – un prieur est épisodiquement évoqué. Chose rare, il est connu par deux »cartulaires«, deux manuscrits en tout cas. Le premier, encore conservé vers 1850 aux archives départementales du Maine-et-Loire, a disparu depuis lors, mais est connu par une copie et une édition réalisées par Léon Faye. Il s’agissait d’un petit codex de deux feuillets seulement, réalisé sans doute vers 1150 et comprenant 26 notices de tradition datant au plus tard de 1140, généralement très brèves, et qui ne sont jamais datées.
Le second manuscrit, conservé aux archives du Maine-et-Loire sous la cote 186 H 3 [18], date sans doute des années 1527–1530, dans un contexte de réforme du prieuré à la suite, plus généralement, de la réforme de l’abbaye. Constitué aujourd’hui de 28 folios, il contient dans son état actuel 164 documents, essentiellement des notices de tradition, mais en contenait au départ 26 de plus, que nous connaissons grâce à la copie de ce cartulaire faite par dom Fonteneau au XVIIIe siècle. Était-il plus long à l’origine, et en ce cas aurait-il perdu des folios ou des cahiers avant même la copie de dom Fonteneau? Les éditeurs relèvent que la copie commence par le mot primo, suggérant qu’il y eut d’autres cahiers, mais le mot peut tout aussi bien renvoyer à la première notice.
Quoi qu’il en soit, les actes copiés sont presque tous des notices, et souvent de petites notices de tradition; ils sont antérieurs aux années 1210, et constituaient donc un ensemble ancien – mais pas obsolète – quand ils ont été copiés peu avant 1530. Une main a copié les 21 premiers feuillets, puis a été remplacée successivement par trois autres mains.
Les éditeurs nous livrent donc ici une édition et une traduction – le fait est assez rare pour être souligné et apprécié – de l’ensemble des actes, qu’ils soient connus par le premier ou le second cartulaire ou par la copie de dom Fonteneau. L’ensemble est très bien fait.
Les deux tâches plus complexes qui attendaient les éditeurs sont la datation des actes, et l’identification des sources. Rares sont en effet les actes datés (une liste des actes datés eût été utile). On procède donc par recoupements, à partir des actes qui soit contiennent une date, soit mentionnent un personnage connu, pour proposer des dates approximatives. Il faudrait peut-être un peu plus de prudence, les risques d’homonymie, notamment entre père et fils, n’étant pas minces; d’autre part un même personnage peut être cité pendant vingt, trente voire quarante ans. À cet égard il aurait pu être intéressant de voir si les personnages cités étaient également mentionnés dans d’autres archives monastiques de la région.
Mais quelle était la source de ces deux cartulaires, et le second copie-t-il le premier? Thomas Deswarte et Georges Pon sont d’avis que le second comme le premier, étaient tirés d’une »pancarte«. C’est tout à fait possible, et on sait que la vallée de la Loire (Montazais en est éloigné, mais Fontevraud est très proche du fleuve) est une des terres d’élection de la pancarte. Mais le format codex (comme le premier cartulaire, en réalité), sous la forme en fait d’un liber traditionum, est tout à fait possible aussi.
Quoi qu’il en soit, on remerciera Thomas Deswarte et Georges Pon d’avoir eu l’excellente idée d’éditer et de traduire ces cartulaires peu connus, qui permettent de jeter un regard très local et très concret sur une société rurale au XIIe siècle.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Thomas Deswarte, Georges Pon, Les cartulaires du prieuré fontevriste de Montazais (XIIe et XVIe siècles). Édition et traduction. Avec la collaboration de Luc Bourgeois et Stéphane Perrault, Poitiers (Société des antiquaires de l'Ouest) 2020, 292 p. (Archives historiques du Poitou, 70), ISBN 978-2-916093-26-0, EUR 20,00., in: Francia-Recensio 2021/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.4.85042