Cet ouvrage provient d’une excellente initiative venue de jeunes chercheurs dynamiques désireux de comparer les visions historiographiques, souvent divergentes, des écoles francophone et germanophone sur un sujet central du Moyen Âge: la »réforme grégorienne« et son impact dans la société médiévale. Le point de départ est également de débattre du bien-fondé de l’opinion de Florian Mazel qui qualifia successivement le phénomène de: »crise grégorienne« (concept emprunté à Élisabeth Magnou-Nortier; voir la thèse d’histoire sociale: Florian Mazel, »La noblesse et l’Église en Provence«, Paris 2002); puis de »rupture grégorienne, une révolution culturelle« (»Féodalités, 888–1180«, Paris 2010); enfin de »phénomène social total« (»La réforme ›grégorienne‹ dans le Midi, milieu XIe–début XIIIe siècle«, Toulouse 2013), qui engendrerait »une révolution totale« (introduction du présent volume, p. 15–25).
Deux points paraissent représentatifs de la pensée de l’auteur. En premier lieu, il s’agit d’envisager la »révolution grégorienne« en tant que »changement majeur, rupture novatrice par rapport à un état antérieur« (p. 17). Ce qui implique de minimiser tout ce qui pourrait relever d’une continuité ou d’ajustements successifs, d’inflexions. Cette tendance naturelle à privilégier la rupture est celle d’une vision de l’histoire issue du protestantisme. Selon le théologien Rudolph Sohm, il y aurait plusieurs âges du christianisme1. À l’Église charismatique du premier siècle succèderait un catholicisme ancien fondé sur un droit sacramentel, avant qu’un catholicisme romain n’impose vers 1160–70 une juridisation de l’Ecclesia. L’Église réduite à une »société« terrestre est alors dominée par des instances cléricales dont le pape occupe le sommet.
La temporalité du phénomène est avancée et pensée autrement sur un temps long (1049–1215), incluant un temps court, celui de la crise grégorienne (1075–1110) et un temps moyen (1049–1123) qui fait entrer dans un »second Moyen Âge« (p. 22–23). Mais il existe une proximité d’approche, une forme d’aggiornamento de ces conceptions d’âges du christianisme entre »premier et second Moyen Âge«. En second lieu, il s’agit de dégager le tournant grégorien »du champ clos de l’histoire religieuse« ou de »la notion d’institution« pour penser cette »révolution totale« dans le champ de »la sociologie et de l’anthropologie, à travers une approche inclusive et multi-dimensionnelle«. Il n’y a donc d’histoire que sociale et il importe de replacer »l’Ecclesia au cœur de la société« (p. 25). On retrouve la pente idéologique d’une certaine école française qui, après les déboires du marxisme à la fin du siècle dernier (on se souvient de la fameuse »révolution féodale« chère à Georges Duby et à Pierre Bonnassie), a dû se reconvertir: le primat du socio-économique a cédé le pas à l’hégémonie du socio-culturel grâce à l’apport providentiel de la sociologie. Cette approche particulière est enrichissante dès lors qu’elle est une interprétation parmi d’autres, sans être érigée en norme de réflexion. Il serait en effet regrettable que la »révolution totale« ne se transformât en pensée totalitaire (la réticence quant au plan adopté par les jeunes chercheurs paraît surprenante, p. 23, § 5). Comme le soulignait Pierre Toubert, seule la dialectique des témoignages et le recoupement de visions différentes, voire opposées, permettent à l’historien de faire son métier avec fruit.
De ce point de vue, l’ouvrage est tout à fait enrichissant puisqu’il développe une démarche comparatiste et interdisciplinaire en proposant quatre parties: »Des pratiques juridiques et ecclésiastiques en évolution« (p. 29–78); »L’art du siècle grégorien« (p. 81–108); »Mouvement grégorien et enjeux théologiques« (p. 111–155); »Diplomatique et pratiques scripturaires« (p. 159–189). On regrettera toutefois que les éditeurs n’aient pas trouvé bon de proposer des titres dans les deux langues de l’ouvrage et des résumés en français un peu plus développés pour les communications en allemand. Les intéressantes mises au point historiographiques auraient été ainsi rendues plus accessibles à un public d’étudiants francophones souvent peu familiarisés avec cette langue. Le présent compte-rendu cherche à y remédier en partie.
Première partie. Thomas Kohl (»Frankreich, das Reich und die Investitur – ein Problem im Rückblick«) reprend la question des investitures, centrale dans l’historiographie allemande, à travers trois exemples ligériens: l’évêque Hoël du Mans (1081–1096), l’abbé Barthélemy de Marmoutier (1063–1084) et l’évêque Renaud de Martigné (1101–1139). Il souligne que les sources narratives écrites postérieurement aux événements de 1111 et à la capitulation de Pascal II devant Henri V (»Actus du Mans« ou »Gesta Consulum« d’Angers) ont pu contribuer à faire des investitures un problème par rétrospective en tant que thème central du conflit entre regnum et sacerdotium; ce qu’il n’était en fait nullement au XIe siècle. Stephan Bruhn (»Nur Kaiser, Päpste, Reichsbischöfe? Die ›gregorianischen Reformen‹ in der deutschsprachigen Mediävistik – Forschungsstand und -perspektiven«) propose une intéressante étude historiographique sur les raisons pour lesquelles Canossa et la querelle des Investitures ont longtemps constitué un »lieu de mémoire allemand«: formation d’un État-nation avec Bismarck; élaboration du concept de Reichskirchensystem; focalisation sur la littérature polémique entre »Grégoriens« et »Henriciens«; périodisation du Moyen Âge (début, haut, bas) où Canossa formerait un tournant.
Toutefois, la remise en cause des années 1980–1990 permet de privilégier une vision plus européenne: relativisation de la question des investitures et de l’Église impériale; caractère spirituel des réformes du XIe siècle venues d’en bas que la papauté unifie sans les initier; interactions entre »Rome et les régions« avec des influences réciproques; élargissement de la recherche à des questions transculturelles et d’histoire globale, ainsi qu’à la périphérie des espaces régionaux par rapport à une réforme trop centrée sur la papauté ou l’empereur. Il faut donc envisager »des réformes grégoriennes« au pluriel (même si ces deux termes ont leurs limites) pour traduire l’importance de cet échelon régional. Laura Viaut (»L’influence de la réforme grégorienne sur le développement de la science du droit«) note que la réforme grégorienne participe à la renaissance juridique du XIIe siècle et opère un bouleversement, notamment à travers le contrôle de l’activité juridictionnelle et le développement de la pensée juridique. Ainsi, l’intervention de la papauté dans le long conflit qui opposa les abbayes de Montierneuf et Bourgueil à propos de la possession de l’église de Migné entre 1102 et 1160 témoigne d’un recours juridictionnel de plus en plus important. Les prétentions pontificales nécessitèrent également la rédaction de nouvelles collections canoniques visant à harmoniser le droit canon et à affirmer l’autorité normative de l’Église dont le pape était la tête.
Deuxième partie. Claire Boisseau (»Art et réforme grégorienne: art centralisé ou pratiques locales? L’exemple de la primauté pontificale et de sa mise en image«) reprend la question posée par Hélène Toubert en 1990 d’un »art dirigé« pouvant servir de propagande grégorienne. Il s’agit de discerner dans cette iconographie ce qui relève d’une influence romaine extérieure de ce qui dépend de facteurs locaux particuliers. L’auteur reprend le cas emblématique des fresques de La Trinité de Vendôme, qui expriment l’adhésion personnelle de l’abbé Geoffroy aux idéaux grégoriens. Toutefois, depuis l’édition de Geneviève Giordanengo2, il est impossible de conserver la date de 1096, beaucoup trop précoce3.
D’autres thématiques grégoriennes, telle que la traditio legis exaltant la primauté pontificale, sont également révélatrices de ce poids partagé entre Rome et le substrat local (maintien d’une iconographie carolingienne dans l’Empire ou exaltation de l’abbaye de Cluny, de ses abbés et du réseau monastique à La Chapelle-aux-moines de Berzé-La-Ville). Plutôt qu’un art dirigé, il s’agit d’un »art centralisé autour de pôles secondaires« formant comme des relais qui permettent de mesurer la réception locale de la réforme. Elodie Leschot (»Un échange de bons procédés. La royauté capétienne et l’Église au regard des sculptures du prieuré de Saint-Fortunat à Charlieu (c. 1170)«) présente le cas particulier de Charlieu, abbaye bourguignonne limitrophe de l’Empire (c. 876) devenue prieuré clunisien (931), puis institution royale (1210). Après avoir retracé son histoire au regard des sources, l’auteur analyse le programme sculpté qui éclaire sa position politique et religieuse vers 1170. Le grand portail se trouve dans la continuité de celui de Cluny III (1115–1130), mais il s’en affranchit à travers un rapprochement avec la royauté. Le linteau offre une composition de douze figures qui seraient des rois, à rapprocher du motif de l’Arbre de Jessé apparu dans le vitrail de l’abbaye royale de Saint-Denis et propre à mettre en valeur la royauté capétienne grâce au thème de la descendance. Des liens étroits se tissèrent au bénéfice de l’abbaye qui y trouva un soutien et des Capétiens qui y gagnèrent une nouvelle visibilité au sein de la société.
Troisième partie. Jérémy Winandy (»Monastische Reform als Vorläufer der ›gregorianischen Reform‹? Der Beitrag der Klostergeschichte zum Verständnis der ›gregorianischen Reform‹«) analyse quant à lui la relation existante entre la réforme monastique et la réforme grégorienne, dont elle serait le précurseur. Plusieurs ouvrages allemands récents permettent de souligner deux points: la réforme monastique, la réforme de l’Église et la controverse sur l’investiture sont considérées comme une suite logique et connexe; mais, globalement, l’histoire monastique est souvent éclipsée par la querelle des Investitures vue comme l’événement le plus important. Les études anciennes se sont focalisées sur Gorze (côté allemand) et Cluny (côté français) pour voir si une continuité pouvait être établie entre ces réformes monastiques du Xe siècle et l’époque de Grégoire VII. Toutefois, depuis les années 1990–2000, l’intérêt s’est déplacé vers les communautés monastiques elles-mêmes et l’étude des ordres religieux (groupe de Gerd Melville). Plusieurs champs d’études ont été ouverts: l’institutionnalisation des communautés religieuses (XIIe–XVe siècles); les conflits et leurs règlements au sein des abbayes; les relations de l’établissement avec la société locale; l’importance de l’initiative locale dans l’obtention de l’exemption romaine (trait que l’on retrouverait d’ailleurs dans l’espace ligérien); enfin, un investissement nouveau dans le domaine des sources hagiographiques (vitae abbatiales et épiscopales). L’étude des réformes monastiques des Xe–XIe siècles a donc gagné en autonomie et n’est plus envisagée sous l’angle d’un préalable à la controverse sur l’investiture.
François Wallerich (»La querelle Bérengarienne dans la réforme grégorienne. Controverse théologique et rupture ecclésiologique«) propose une synthèse historiographique sur les relations entre la querelle bérengarienne et les changements ecclésiologiques portés par la réforme grégorienne. L’auteur retrace les étapes d’interprétation de la controverse: dans le cadre d’une histoire intellectuelle (1970–1980), Bérenger apparaît d’abord comme »la figure de proue d’une nouvelle ratio« annonçant »l’aube de la théologie dialectique«; sa doctrine eucharistique fut ensuite mise en regard avec l’évolution ecclésiologique où l’adhésion à la conception réaliste de la présence réelle formerait une frontière séparant »ceux qui sont dans l’Église et ceux qui n’y sont pas«. L’image du sacerdoce, recentré autour de l’Eucharistie et non plus du pouvoir des clefs, suscite un »resserrement de sacralité« au XIIe siècle dans les mains de ceux qui peuvent »faire Dieu« (Alain Rauwel). Enfin, dans la lignée des études sur la Publizistik, la recherche actuelle s’oriente vers la manière dont l’opinion publique a pu être touchée par ces débats qui, normalement, ne concernent qu’une étroite élite intellectuelle: répercussion sur le culte des reliques; textes exégétiques; fresques murales au Mont-Cassin et à Vendôme; traités vulgarisant le débat (Jean de Mantoue, Durand de Troarn); enfin hagiographie. Certains miracles des années 1050–1150 sont obtenus désormais au moyen de l’ablution eucharistique, induisant un nouveau rapport entre sainteté et eucharistie.
Alexis Fontbonne (»La réforme grégorienne. Une révolution symbolique«) propose une approche originale, de type pneumatologique, en analysant l’importance de la référence à l’Esprit saint associée à l’autorité pontificale dans le discours grégorien. La simonie, »crime contre l’Esprit«, forme un point de départ de la réflexion en faisant émerger une opposition structurante entre spiritualia et temporalia. Humbert rattache ainsi l’origine des grades ecclésiastiques à l’inspiration du Saint-Esprit, tandis que Grégoire VII associe la position du pape à celle du prophète à travers l’action de ce même Esprit. Sous ses successeurs, l’excommunication est associée au »glaive de l’Esprit saint«, qui contribue à valider l’ensemble de la hiérarchie ecclésiale et à authentifier la volonté pontificale qu’inspire l’Esprit. On retrouverait à l’époque d’Urbain II un usage répété de cette référence pneumatologique dans les bulles destinées aux communautés canoniales et dans le »Duae sunt leges« prêché à Saint-Ruf d’Avignon, puis développé par Gratien. La loi publique y est opposée à la loi privée inscrite au cœur de l’homme par l’Esprit. D’autres exemples sont puisés chez les chroniqueurs du XIIe siècle ou dans les libertés apostoliques accordées aux monastères. Dès lors, la réforme est porteuse d’une vision de l’histoire »définie comme un progrès en Dieu inspiré par l’Esprit«, ce qui permet »une appropriation et une structuration grégorienne des initiatives réformatrices«, donc »de faire passer la réforme du pluriel au singulier«. Cette intuition est tout à fait stimulante, mais il serait utile de mesurer ce qu’il peut y avoir de neuf dans cette vision de l’Esprit, maître de l’histoire de l’Église. Les nombreuses réminiscences du Nouveau Testament auraient ainsi mérité d’être relevées et commentées par l’auteur.
Quatrième partie. Eugenio Riversi (»Der Kontext im Text. Die Untersuchungen über die Textproduktion des Investiturstreits und die Definition eines ›gregorianischen‹ Zeitalters«) propose un état des lieux de la recherche sur la littérature polémique élaborée durant la querelle des Investitures (»MGH. Libelli de lite«, 3 vol.). L’angle le plus novateur est celui de la communication et de la diffusion des idées et des textes destinés à être ensuite »canonisés«, en leur donnant une dimension officielle (par exemple en les inscrivant dans une collection canonique). Quatre périodes sont envisagées: initiation d’une culture de la dispute dès l’époque pré-grégorienne (Pierre Damien ou Humbert de Silva Candida); dimension prophétique ou charismatique de la communication sous Grégoire VII; réactions à cette »propagande« – le mot est discuté – de Grégoire VII en cherchant à élargir le public concerné; enfin, mise en place d’une mémoire officielle ou traumatique par l’élaboration de textes hagiographiques ou de collections canoniques (»codex Udalrici«). Néanmoins, cette production textuelle n’est pas un phénomène uniforme et ne saurait être vue comme un mouvement de réforme »totale«.
Hannes Engl (»Rupture radicale ou mise en œuvre d’une conception ancienne? Le concept de ›réforme grégorienne‹ à travers les recherches récentes sur la diplomatique pontificale en Allemagne«) s’attache à suivre les changements intervenus dans la forme des actes pontificaux, qui peuvent exprimer visiblement la primauté pontificale. La rupture radicale est initiée sous Léon IX et se poursuit jusqu’à Innocent II (†1143), manifestant un remaniement des privilèges qui coïncide exactement avec la »réforme grégorienne«. Divers signes témoignent de ce tournant diplomatique: passage du papyrus au parchemin; adoption de la minuscule caroline; mise en exergue de la première lettre du nom du pape à la première ligne; transformation du Bene Valete en monogramme; introduction de la rota symbolisant l’Église (avec le pape au centre en signe d’harmonie), elle-même garante de la stabilité de la terre. À partir de Victor II (†1057), le sceau évolue sous l’influence des luttes entre papes et anti-papes pour aboutir à une stabilisation sous Pascal II après 1099: Pierre et Paul sur l’avers, nom du pape et son nombre ordinal sur le revers. Cette »phase d’expérimentation« permet de mettre au point des symboles clairs quant au rôle et à la place du pape dans l’Église. Toutefois, cet essor n’aurait pu s’imposer sans une demande de la part des bénéficiaires de plus en plus nombreux à requérir ces privilèges, comme le montre l’exemple lorrain. Sans cette attente, la papauté aurait été incapable d’exercer son autorité à l’échelon local.
Gerhard Lubich (»Frankreich und Deutschland, ›Reform‹ und ›Revolution‹ im 11. Jahrhundert – Beobachtungen zum Versuch eines Dialogs«) conclut l’ouvrage de façon diplomate et nuancée en analysant l’hypothèse de »révolution totale« à la lumière des concepts de »réforme« et de »révolution«. Ceux-ci se sont développés de façon différente dans les traditions historiographiques française et allemande (positivisme allemand par rapport à l’évolution de l’école des Annales; attention aux groupes plutôt qu’aux individus; réserves méthodologiques par rapport à la tradition sociologique française parlant de »faits sociaux totaux«; impact différent du »moment grégorien« sur les histoires nationales, etc.). Il souligne avec raison la différence importante qui existe entre réforme, terme généralement écarté par Florian Mazel, et révolution qui implique la volonté de construire un système radicalement nouveau. Dans notre cas, ce serait une révolution indirecte qui se serait produite de manière non intentionnelle, l’ensemble étant appréhendé au regard du »tout social«. Cette »révolution involontaire« serait alors le sous-produit d’un processus visant en fait à d’autres objectifs, à savoir la »réforme grégorienne«. Dans un tel cadre, utiliser l’étiquette de »révolution« revient à diluer le terme et à risquer de le rendre inutile, d’autant qu’on pourrait soulever de nombreuses objections quant au postulat d’une »révolution au XIe siècle«. Enfin, la césure du Moyen Âge en deux temps distincts, un »pré-grégorien« et un »(post)grégorien«, mériterait d’être débattue dans une perspective européenne plus large, en voyant par exemple comment le Moyen Âge a participé à l’invention d’une condition ou d’une identité européenne en tant que modèle à part entière.
On pourrait ajouter que rupture et changements doivent se mesurer à l’aune de la continuité. Il suffit de lire la première épître du pape Clément de Rome aux Corinthiens (§ 40), vers 95 de notre ère, pour se persuader que la distinction »grégorienne« entre clercs et laïcs ne représente pas une division nouvelle de la société chrétienne. On trouverait également des éléments de continuité dans le haut degré d’exigence de l’époque carolingienne concernant le sacerdoce, qui n’a rien à envier aux temps grégoriens4, ou dans la sacerdotalisation du monachisme qui se poursuit du IXe au XIIe siècle. Ce phénomène majeur induit une nouvelle vision du sacerdoce, sans qu’il soit besoin d’y voir une volonté révolutionnaire des Grégoriens d’imposer une »monachisation« du clergé. À divers points de vue, l’Église grégorienne poursuit l’œuvre réformatrice initiée par les Carolingiens, mais avec le pape à sa tête. Il en va de la réforme grégorienne comme de la Renaissance: doit-on y voir une re-naissance de l’Antiquité après mille ans de Dark Ages ou un accomplissement, un épanouissement du Moyen Âge? Les interprétations du »moment grégorien« semblent donc résolument différentes des deux côtés du Rhin. Ajoutons toutefois qu’une école de pensée particulière, aussi intéressante soit-elle, ne saurait représenter à elle seule l’historiographie française actuelle.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Jean-Hervé Foulon, Rezension von/compte rendu de: Tristan Martine, Jérémy Winandy (dir.), La Réforme grégorienne, une »révolution totale«? Actes du colloque international de jeunes chercheurs organisé les 28 et 29 mars 2019 à l'université Jean-Moulin-Lyon III, Paris (Classiques Garnier) 2021, 231 p., 4 fig. (Rencontres, 494. Civilisation médiévale, 42), ISBN 978-2-406-11103-0, EUR 28,00., in: Francia-Recensio 2021/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.4.85054