Ces merveilleux mélanges ont été remis en main propre au professeur Jean Richard le 10 octobre 2020, moins de quatre mois avant son décès le 25 janvier 2021, 13 jours avant son 100e anniversaire. Un apport crucial de ce volume d’hommage réside dans les quatre contributions sur quatre aspects essentiels de la vie et de la carrière de Jean Richard.

Jean-François Bazin y raconte ses performances remarquables, et sa disponibilité constante et fatigante comme doyen dans les évènements de mai 1968 à l’université de Dijon. Pierre Bodineau présente la »belle aventure« de la participation de Jean Richard dans le monde si familier pour lui des sociétés savantes, illumine son approche pluridisciplinaire du passé de Dijon, ce qui a favorisé le renouveau du vieux Dijon. Béatrice Power Demetriades évoque son grand amour pour le royaume de Chypre au Moyen Âge. Bernard Sonnet souligne que, malgré ses innombrables obligations à l’université, Richard adorait de donner un cours sur l’histoire de l’architecture à l’école des beaux-arts de Dijon.

J’ai également apprécié les six témoignages des anciens présidents et présidentes de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, notamment celui de Pierre Feuillée, qui dessine une personnalité attachante, mais respectant sans faille les prérogatives et les obligations de la fonction. Il ajoute finement que Richard »cachait sous un masque léger et ironique l’immense chercheur qu’il était«. Il montre aussi qu’il a été un acteur clé dans le chantier de la genèse de la loi Edgar Faure sur la réorganisation du système universitaire. Philippe Salvadori signale que les Dijonnais ont toujours appelé Jean Richard Monsieur le Doyen, longtemps après qu’il avait quitté la fonction, par affection respectueuse. Michel Pauty raconte comment les multiples rencontres avec le maître ont eu un impact fondamental pour ses recherches. Martine Chauney-Bouillot rappelle le rôle que Richard a joué dans la carrière de ses anciens étudiants. Pierre Bodineau se le rappelle comme un parrain bienveillant. Daniel-Henri Vincent insiste sur son tempérament de chercheur et d’érudit. Christine Lamarre explique l’impact de Richard pour l’histoire régionale de la Bourgogne, notamment en animant la revue »Annales de Bourgogne«.

La vie et la carrière du doyen sont racontées par les enfants du professeur, présentées par son fils Hugues Richard dans une belle biographie sobre et en même temps très sensible. Jean Richard a suivi les cours de l’École nationale des chartes de 1939 à 1943, terminés par une thèse sur les premiers ducs capétiens de Bourgogne aux XIe et XIIe siècles. Il les a combinés courageusement avec une licence à la Sorbonne, où sa thèse traitait sur le comté de Tripolis en Syrie. Le diplôme d’archiviste-paléographe le menait logiquement à sa nomination aux archives départementales de la Côte d’Or à Dijon. L’autre diplôme l’a permis de devenir, en 1955, professeur à l’université de Dijon, une tâche qu’il n’a plus jamais quittée.

Incroyablement utile restera la bibliographie in extenso, rédigée par Jacques Meissonnier, comprenant pas moins de 938 titres.

Ce volume jubilaire contient surtout un éventail magnifique de pas moins de 43 contributions dans trois domaines. La plupart est l’œuvre d’anciens étudiants du doyen. Mais plusieurs sont des études de collègues et amis en Belgique, Israël, Chypre, Allemagne, le Liban, Suisse et le Royaume-Uni, et peuvent être considérés comme des hommages au maître vénéré et admiré.

Le domaine bourguignon propose un riche éventail de quatorze thèmes: la toponymie de la ville de Decize (Gérard Taverdet), les premières fondations de cloîtres (Christine Sapin), les toponymes de Terre Sainte (Jacques Meissonnier), une approche archéologique des produits de la laine (Patrice Beck, et autres), les délits dans les forêts (Pierre Gresser), la défense des privilèges de Dijon (Rudi Beaulant), la religion dans les testaments de Dijon (Vincent Tabbagh), les chantiers dans la ville de Poligny (Jacky Theubot), le journal d’un bourgeois de Mons d’origine bourguignonne (Jean-Marie Cauchies), les limites de coutume et de droit écrit à Cluny (Christian Dugas de la Boissonny), les archives du château de Drée en Brionnais (Hannelore Pepke), les précurseurs de l’Académie des sciences de Dijon (Christian Lamarre), les collectionneurs de Dijon et le musée des beaux-arts de Dijon (Catherine Gras), l’historien bourguignon Léonce Raffin (Hervé Mouillebouche).

L’Orient a droit à 17 articles, d’une grande variété de sujets: les sceaux seigneuriaux en Terre sainte (Marie-Adélaïde Nielen); le chapître du Saint-Sépulcre de Jérusalem (Geneviève Bresc-Bautier); le soutien de l’art croisé par Mélisende, reine de Jérusalem (Émilie Maraszak); la chronique de Michel le Syrien sur les Francs (Karan Rizk); un manuscrit inconnu de Baudri de Bourgueil, 1170–1180 (Benoît Chauvin); la »Description de la Terre sainte« par Belardo d’Ascoli, 1165–1187 (Denys Pringle); les relations entre Saladin et Renaud de Châtillon (Jean-Michel Mouton et Jacques Paviot); les origines des ordres militaires en Syrie (Anthony Luttrell); l’État épirote et la résistance contre la quatrième croisade (Brendan Oswald); le chambellan de Jérusalem au XIIIe siècle (Hans Eberhard Mayer); le miracle du Feu sacré pascal de Jérusalem, IXe–XIIe siècles (Benjamin Z. Kedar); les ordres militaires dans la Roumanie et la Morée franque du XIIe siècle (Marie-Anna Chevalier); un codex génois sur l’histoire chypriote, v. 1250–1320 (Peter W. Edbury); les Levantins de Gênes, XIVe–XVe siècles (Michel Balard); les Carmes et Chypre, XIIe–XVe siècles (Brunehilde Imhaus); l’Église arménienne et l’Église romaine, XIIe–XVe siècles (Gérard Dédeyan); les peurs de Nisyros devant les avancées ottomanes, XIVe–XVe siècles (Jean-Bernard de Vaivre).

Sur le clergé, douze auteurs, sur des sujets extrêmement variés: le christianisme de Constantin selon Zosime (Matteo Campagnola); le chasuble de saint Ebbon, VIIIe–Xe siècles (Marielle Martiniani-Reber); les influences casadéennes sur le monachisme bourguignon, XIe–XIIe siècles (Alain Rauwel); les roues et les devises des papes, XIe–XXIe siècles (Édouard Bouyé); l’autorité abbatiale à Cluny (Denyse Riche); l’épiscopat poitevin d’Adémar de Peyrat, 1197–1198 (Robert Favreau); la papauté et l’importance des miracles dans l’appréciation de la sainteté, XIIIe siècle (André Vauchez); le pape et les cardinaux comme facilitateurs de crédit, 1239 (Jean-Daniel Morerod); la Sainte-Chapelle de Paris (Françoise Perrot); Jean, abbé de Cuissy et évêque titulaire à Jérusalem (Pierre Jugie); le sculpteur dijonnais Étienne Masson, 1681 (Yves Beauvalot); les archives de l’ordre de Cîteaux à l’époque moderne (Bertrand Marceau).

Une Festschrift présente souvent un manque déplorable de cohérence substantielle. En ce cas les initiateurs y ont largement échappé en priant les autrices et les auteurs de traiter de thèmes qui ont dominé l’intérêt scientifique du doyen Richard tout au long de sa vie. Quatorze contributions concernent l’histoire des pays bourguignons, dix-sept l’Orient et les croisades, douze le clergé. Je considère donc ce livre comme un vrai succès et un hommage émouvant.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Walter Prevenier, Rezension von/compte rendu de: Jacques Meissonnier (dir.), De la Bourgogne à l’Orient. Mélanges offerts à Monsieur le Doyen Jean Richard, Dijon (Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon) 2020, 798 p., ISBN 978-2-9573638-0-3, EUR 35,00., in: Francia-Recensio 2021/4, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2021.4.85056