Cet ouvrage donne l’occasion de faire le point sur les activités de la »Stiftung Jugendburg Ludwigstein und Archiv der deutschen Jugendbewegung« consacrées aux mouvements de jeunesse. La »Jugendburg Ludwigstein« est un centre basé en Hesse qui collabore avec les archives de Marburg et dispose d’un espace et de locaux très vastes. C’est l’opportunité de les mettre à la disposition de jeunes pour leur accueil et leur hébergement lors de l’organisation de festivités ou de rencontres en rapport avec la jeunesse. Sous un même toit, c’est aussi le siège des archives qui existent depuis 1922.
Ainsi, une publication annuelle reprend, pour le présent volume, la thématique des rencontres de 2019 (année anniversaire de la chute du mur de Berlin). Les participants au colloque furent invités à effectuer un retour en arrière sur la Guerre froide de la seconde moitié du XXe siècle et les conséquences qu’elle produisit pour la vie et l’engagement des jeunes et de leurs organisations à cette époque des deux côtés du Mur. Il est bien évident que l’accent est mis sur les évolutions à l’Est où le contrôle et la répression furent particulièrement virulents.
On constate que les interventions sont fort diversifiées, tout comme l’origine des participants eux-mêmes et leur place dans la hiérarchie universitaire. C’est une chance pour des étudiants et des doctorants de trouver une tribune où s’exprimer, en particulier lors des échanges en ateliers.
Plusieurs articles ont, d’ailleurs, une thématique différente de celle qui est annoncée dans le titre et qui devrait être consacrée aux réactions des jeunes dans le cadre de la Guerre froide. La Lebensreform du début du XXe siècle en est un exemple avec ses projets de changement fondamental de la société loin de l’agitation des villes et sa remise en cause radicale de la modernité et des destructions causées par l’industrialisation. Une exposition (»Gelebte Utopien – Siedlungsprojekte der Lebensrefom«) présente l’installation à la campagne de familles qui fondent un nouvel ordre social avec l’implantation de communautés rurales au tournant du XXe siècle et jusque dans les années 1920. A contrario, une doctorante s’intéresse à l’évolution de la psychologie des jeunes femmes vivant dans la région de la Ruhr au cours des années 1950 et présente son projet de thèse en quelques pages. On voit que le champ des recherches est très large et n’exclut a priori aucun sujet du moment, qu’il se rapproche plus ou moins des centres d’intérêt de la jeunesse. C’est ce qui ressort bien du rapport d’activité pour les années 2019 et 2020.
Si l’on revient à la thématique principale annoncée, Christoph Kleßmann, l’auteur bien connu de l’ouvrage de référence »Zwei Staaten, eine Nation«, fait une synthèse introductive de la situation en République fédérale de la fin des années 1940 à 1989 à partir de caricatures de presse. Dans l’article suivant, Alfons Kenkmann, spécialiste de didactique de l’histoire, évoque la »courte vie de Philipp Müller« décédé à 21 ans le 11 mai 1952, au cours d’affrontements entre des communistes et la police, à la suite de l’appel de Darmstadt qui refusait la remilitarisation de l’Allemagne fédérale et prônait la collaboration avec la FDJ (Freie Deutsche Jugend), l’organisation des jeunes de RDA interdite à l’Ouest depuis le 26 juin 1951. Annoncée trois jours avant de se dérouler, puis interdite, la manifestation allait rassembler à Essen des opposants à la politique gouvernementale, pris de court par l’interdiction à brève échéance de leur rassemblement et déjà en route. La police réagit très brutalement, pas seulement à coups de matraques, mais après quelques coups de feu de sommation, tira sur les manifestants, en blessant deux grièvement et touchant mortellement le troisième, Philipp Müller. Il existait au Landtag un consensus de la CDU, du FDP, du centre et du SPD sur les responsabilités des organisateurs de la manifestation et en RDA, au contraire, la présentation de Müller comme »résistant héroïque dans l’Allemagne de l’Ouest capitaliste«. Il fallut attendre 2012 pour voir réhabilité Müller avec un panneau commémoratif le présentant comme une victime de la remilitarisation allemande. Des événements utiles à rappeler alors que l’Allemagne réunifiée vient de décider une augmentation massive de son budget militaire suite à l’agression russe en Ukraine.
Plusieurs articles rappellent la virulence de la propagande dirigée vers les jeunes. Janin Klein évoque les idéaux d’amitié entre les peuples brandis par le SED à la »Hochschule Wilhelm Pieck« qui formait des jeunes originaires d’Afrique et d’Amérique latine. Anne-Christine Hamel étudie les relations entre une organisation très anti-communiste d’anciens réfugiés de l’après-guerre, la »Deutsche Jugend des Ostens«, la RDA et ses États voisins.
Enfin, quelques articles montrent les moyens utilisés par la propagande pour séduire les jeunes. Knut Andresen s’attache à préciser le noyautage du Mouvement de la paix par des membres du DKP et de la FDJ. Frauke Schneemann veut mettre en lumière la politisation des scouts.
Ce sont les images de la jeunesse dans les actualités au cinéma à l’Est et à l’Ouest qui retiennent l’attention de Sigrun Lehnert, tout comme celle de Meike Sophia Baader, Sandra Koch et Friederike Kroschel pour les media de la RDA. Markus Köster présente le contenu d’une vidéo de 1983 dont il apprécie la présentation très détaillée du Mouvement de la paix. L’opposition religieuse des jeunes est au centre de l’article de Arndt Macheledt avec ses considérations sur la Jugendweihe.
Un ouvrage très diversifié dont nous avons eu à cœur de souligner les contributions les plus marquantes.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Anne-Marie Corbin, Rezension von/compte rendu de: Meike Sophia Baader, Alfons Kenkmann (Hg.), Jugend im Kalten Krieg. Zwischen Vereinnahmung, Interessenvertretung und Eigensinn, Göttingen (V&R unipress) 2021, 428 S., 48 Abb. (Jugendbewegung und Jugendkulturen, 16), ISBN 978-3-8471-1380-5, EUR 40,00., in: Francia-Recensio 2022/1, 19.–21. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.1.87521