Pris entre les pontificats de Nicolas Ier (858–867) et Jean VIII (872–882), celui d’Hadrien II (867–872) a souvent fait pâle figure, au point qu’on a eu tendance à voir en ce pape un pontife falot, élu contre son gré, sans politique ni personnalité. C’est évidemment là une vision un peu trop facile des choses. Car même s’il l’avait voulu, Hadrien II n’aurait pu passer un pontificat tranquille: il eut à gérer, outre les affaires quotidiennes, la question de l’évangélisation d’une Bulgarie hésitant entre christianisme latin et grec; l’affaire du divorce de Lothaire II, puis le décès de ce dernier sans héritier direct, entraînant une déstabilisation du monde carolingien; des affaires italiennes compliquées, impliquant l’empereur Louis II ou le duc de Spolète alors même que se poursuivaient les attaques arabes, notamment au Monte Sant’Angelo; les affaires bretonnes aussi; sans compter les relations avec Constantinople (n’oublions pas que le 4e concile de Constantinople s’est tenu en 869). Jusqu’à ses affaires de famille, puisque Hadrien II avait une fille, qui fut kidnappée (par le fils d’un évêque, d’ailleurs!).
C’est ce que montre bien ce nouveau volume des »Regesta Imperii«, pour la partie consacrée aux regestes des papes de 800 à 911: 188 regestes présentant tout ce qu’on sait de l’activité de ce pape, de son élection fin novembre ou début décembre 867 à sa mort fin novembre ou début décembre 872. Outre les grandes questions énoncées ci-dessus, on le voit instrumenter pour San Salvatore di Monte Amiata, Saint-Maur de Glanfeuil, Essen … Ou correspondre entre autres avec les archevêques de Reims ou de Vienne, les évêques de Laon, du Mans, de Nantes, de Noyon. Il reçoit les décisions du concile de Troyes, et demande à ses participants de prier pour son prédécesseur. C’est à lui que l’évêque de Mayence s’adresse pour la résolution d’une question de droit (deux religieuses avaient renoncé à leurs vœux et vivaient avec un homme); l’évêque de Cologne lui adresse sa profession de foi en appui à sa demande du pallium; le concile de Constantinople envoie ses actes pour approbation (actes qu’Hadrien fait aussitôt traduire en latin par Anastase le Bibliothécaire); l’évêque d’Arezzo demande d’approuver la construction d’un monastère à S. Maria in Bagno (à partir d’une église appartenant à la papauté, il est vrai). On relèvera aussi, comme signe de notoriété, le nombre non négligeable (15!) de faux placés sous le nom d’Hadrien II.
Comme toujours avec un volume des »Regesta Imperii«, on est frappé par l’ampleur, la minutie et la précision de l’érudition, qui offre une base de travail incomparable pour l’étude historique.
Ce volume cependant ne contient pas que les regestes pour la période 867–872. Il offre aussi des index complets (incipit, manuscrits cités, lieux et personnes) pour les regestes de la période 844–872, donc pour les pontificats de Serge II, Léon IV, Benoît III, Nicolas Ier et Hadrien II. Particulièrement instructif est l’index des textes canoniques, qui recense toutes les collections dans lesquelles des lettres des cinq papes concernés ont été reprises.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Benoît-Michel Tock, Rezension von/compte rendu de: Johann Friedrich Böhmer, Regesta Imperii. I. Die Regesten des Kaiserreichs unter den Karolingern 751–918 (987), Bd. 4: Papstregesten 800–911. Teil 2: 844–872, Lfg. 3: 867–872 (Hadrian II.) und Gesamtregister, erarb. von Klaus Herbers, Köln, Weimar, Wien (Böhlau) 2021, 308 S., ISBN 978-3-412-51866-0, EUR 100,00., in: Francia-Recensio 2022/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.2.89137