Ce volume collectif rassemble dix-huit contributions données à un colloque en 2019 sur un phénomène pour ainsi dire consubstantiel de l’histoire des cours: leur itinérance. Même si en France on apprend aux étudiants que la cour a cessé son itinérance quand elle s’est fixée à Versailles en 1682, celle-ci s’est poursuivie jusque dans l’époque contemporaine.

Dans son introduction C. zum Kolk rappelle cet événement central de 1682 et retrace l’historiographie du nomadisme curial et insiste sur les aspects de la recherche: l’étude des itinéraires, des résidences royales et princières, des cérémonies, des villes, de la littérature de voyages. Suit la contribution de deux des responsables du volume, sur »la mobilité royale au prisme des itinéraires du roi (1180–1792)«, fruit de l’élaboration d’une base de données disponible sur le site Cour de France1, et dont ils présentent les principaux enseignements: régions de résidence (Île-de-France, Val de Loire), prépondérance de Paris, voyages hors des régions citées et, plus rares, à l’étranger.

L’ouvrage est ensuite divisé en quatre parties. La première est intitulée »Les enjeux de l’itinérance« et comporte des études diverses: sur l’aspect économique des voyages de l’empereur Hadrien, par Sylvain Destephen (»L’économie des voyages de la cour impériale d’Hadrien à Justinien«), les voyages de l’ex-roi carolingien de Francie occidentale Charles le Simple, jouet d’Herbert II de Vermandois à la fin de sa vie, par Martin Gravel (»Un détournement des codes de l’itinérance carolingienne: les déplacements surveillés de Charles le Simple [927–929]«), de nouveau les aspects économiques pour le royaume mais sous Philippe le Bel par Élisabeth Lalou (»L’impact économique de l’itinérance royale sous Philippe IV le Bel«), les déplacements des souverains germaniques à la fin du Moyen Âge, bien marqués sous Charles IV, par Pierre Monnet (»L’itinérance des rois et empereurs dans l’Empire, XIVe–XVe siècles«), enfin l’écho dans la presse des mouvements de la cour autrichienne au XVIIIe siècle, par Éric Hassler (»Voyager et communiquer: les itinérances curiales viennoises au travers de la gazette de Vienne [1703–1780]«).

Dans la deuxième partie, nous passons à un niveau inférieur de la cour: »L’itinérance des courtisans«, pour différentes raisons: à l’occasion d’une ambassade, avec le cas de l’Aragon, par Stéphane Péquignot (»Diplomatie et itinérance curiale. Cinq ambassades des rois d’Aragon en France [premier tiers du XIVe siècle]«), d’une légation pontificale, en Hongrie, par Gergely Kiss (»Convergence ou divergence? Le problème de l’itinérance de la cour royale et des représentants pontificaux en Hongrie [XIIIe–début du XIVe siècle]«). Puis nous passons à des études de cas de princesse et prince non couronnés: »La cour itinérante de Marguerite de France, comtesse de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (v. 1312–1382)« par Jean-Baptiste Santamaria, et sur l’archevêque de Milan »Ippolito d’Este et l’itinérance curiale (1536–1549)« par Jean Sénié.

La troisième partie, »Les conditions pratiques de l’itinérance« est dédiée aux aspects purement économiques: celui de la résidence dans la France Valois, par Alain Salamagne (»Recevoir la cour au château [1400–1550]«), dans le Hainaut du début du XIVe au début du XVe siècle, par Ludovic Nys (»Les mobilités curiales en Hainaut, de Guillaume Ier d’Avesnes à Guillaume IV de Bavière«), la question de la nourriture en Aragon, par Alexandra Beauchamp (»L’itinérance des rois, reines et infants d’Aragon de la fin du Moyen Âge et la gestion administrative et comptable de leur consommation alimentaire«), la cour de France entre champs de boue et prairies parfumées sous Louis XIII et Louis XIV, par Bénédicte Lecarpentier-Bertrand (»Des campements militaires aux ›plaisirs‹: la gestion des déplacements de la cour de France au XVIIe siècle«), les déplacements de Louis XIV, par Christophe Levantal (»Brefs aperçus sur l’itinérance de Louis XIV: horaires, logements, sustentation et locomotion«).

La quatrième partie porte un titre sous la forme d’un oxymore: »La mobilité d’une cour sédentaire«. Il s’agit des déplacements à la suite de stabilité curiale, aux XVIIIe et XIXe siècles: de Louis XV reconnu majeur, par Pascal Mormiche (»Un outil: la carte-itinéraire de Versailles à Fontainebleau du jeune Louis XV en août 1724«), de Louis XVI, par Benoît Carré (»Les échappées de Louis XVI: itinérance curiale et mobilité royale [1774–1792]«), de Napoléon III, par Xavier Mauduit (»L’empereur voyage: l’itinérance curiale sous le règne de Napoléon III [1852–1870]«).

B. Bove tire les conclusions de ces différentes études, en appelant cependant à être circonspect avec les mots employés pour l’itinérance, en insistant sur une mobilité somme toute limitée dans un rayon de trois cents kilomètres, sur la possibilité de périodisations, sur les raisons de la mobilité et les effets de l’itinérance sur la cour elle-même. Le volume comporte une bibliographie générale, mais malheureusement pas d’index.

Ce livre arrive à point pour nous donner un tableau de l’itinérance de la cour sur un temps long, dans un espace résolument occidental, particulièrement français, avec des contributions de spécialistes de haut niveau, qui en font un ouvrage de référence.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Boris Bove, Alain Salamagne, Caroline zum Kolk (dir.), L’itinérance de la cour en France et en Europe. Moyen Âge – XIXe siècle, Villeneuve-d’Ascq (Presses universitaires du Septentrion) 2021, 412 p., 7 tabl., 26 ill. en n/b, 27 ill. en coul. (Histoire et civilisations), ISBN 978-2-7574-3362-1, EUR 32,00., in: Francia-Recensio 2022/2, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.2.89139