Isabelle Poutrin et Élisabeth Lusset ont dirigé, chez les Presses universitaires de France, un dictionnaire historique consacré au droit de correction et de punition infligée dans la maisonnée (et en conséquence distincte et complémentaire de la violence de l’État) intitulé »Dictionnaire du fouet et de la fessée«. L’objectif est ici de dépeindre les différents aspects de la violence exercée sur autrui dans le but de dresser, d’éduquer, de corriger ou de punir. Tout cela englobe des pratiques très anciennes (coups, fouet, privations, enfermement) comme des pratiques caractéristiques d’une période donnée (ex: bonnet d’âne dans l’école de la Troisième République) ou des invariants (gifle, fessée) qui sont devenus si banales qu’on ne les perçoit pas d’emblée comme des objets d’histoire.

D’un point de vue historique, le »droit de correction« était considéré comme un pilier de l’ordre social, exprimant l’autorité des parents sur leur enfant, du mari sur sa femme, du maître sur son élève ou son apprenti. »Les punitions auront un caractère moral et réparateur; le piquet, les lignes, les privations de récréations, la retenue de promenade sont formellement interdits«, pouvait-on lire dans l’arrêté du 5 juillet 1890, encadrant l’école de la III^e République. Cette violence n’était contestée que lorsqu’elle était manifestement excessive.

Ce dictionnaire propose une plongée dans l’histoire du droit de correction de l’Antiquité à nos jours en analysant des thèmes aussi divers que la parentalité, le couple, l’éducation, le corps, le monde du travail ou la condition animale, éclairant notamment les récents débats sur la prévention des violences conjugales ou sur la loi »anti-fessée« de 2019.

Les auteurs ont eu pour objectif de retracer le lent processus historique du droit de correction en montrant la manière par laquelle les pratiques coercitives, considérées comme justes et légitimes, ont été progressivement perçues comme des actes de violence à encadrer, mais également proscrire et, enfin, à punir. Dans le cadre familial, le fouet et les verges ont été remplacés par le martinet et la fessée, puis par la privation de dessert ou de télévision … dans le cadre scolaire, la férule se voit détrônée par le bonnet d’âne et les coups de règles, puis par les lignes à copier et les retenues. Les lieux de correction (domicile familial, prisons, écoles, hospices …).

164 auteurs se sont relayés pour rédiger les 248 entrées qui constituent le dictionnaire (dont, par exemples, Armée – Droits des animaux – Bible – Bonnet d’âne – Clercs débauchés – Clubs de fessée – Déchéance de la puissance paternelle – Discipline et instruments de pénitence – Dolto Françoise – Enfant martyr – Érotisation de la correction – Féminicide – Gifles dans les séries télévisées – Grand frère des cités – Harry Potter – Lustucru – Maison de discipline – Marâtre – Martinet – Orientation sexuelle et »thérapies de conversion« – Parentalité positive – Père Fouettard – Prostitution et flagellation – Scoutisme – Théologiens et esclavage – Usines – Utérus – Violences Éducatives Ordinaires). Les objets (camisole, fouet …), les personnages populaires (croquemitaine, Guignol …), les pratiques sociales (bizutage …) y sont décrits et décryptés au prisme de l’histoire et parfois du droit. Le tout est agrémenté d’illustrations par des œuvres littéraires ou cinématographiques (»Harry Potter«, »Orange mécanique«, »Poil de carotte« …) sont également abordés.

Isabelle Poutrin et Élisabeth Lusset proposent une plongée dans une histoire de la correction domestique encore peu étudiée, celle de l’histoire des violences éducatives et punitives qui devient par là un véritable objet de recherche en sciences humaines, qui mobilise, au-delà de l’histoire de l’éducation, l’histoire de l’art, du droit, des religions, de l’État, de la violence, de la philosophie politique, des mentalités.