Cette publication résulte d’une thèse universitaire soutenue en 2012, la documentation ici réunie servant un propos ambitieux concernant la genèse et le développement du réseau des prieurés dépendant de l’abbaye de Fontevraud dans le cadre géographique et historique que constituait l’ancien diocèse de Poitiers. Le sujet permet donc d’ausculter la part fontevriste au sein des mouvements réformateurs du XIIe siècle dans un espace hautement représentatif de sa première expansion.
Suite à une belle préface de Claude Andrault-Schmitt et de Luc Bourgeois, l’introduction présente les fondements de la problématique principale de cet ouvrage relative à l’objet »prieuré«, sa genèse et ses fonctions, ses formes architecturales, cet ordre féminin associant femmes et hommes dans une inusuelle proximité. Une définition du lexique architectural utilisé est posée dans l’introduction ainsi qu’une volonté d’ouvrir la problématique initiale à d’autres études concernant le sujet complexe des prieurés, de leurs organisations et de leurs liens avec l’abbaye fondatrice.
La topographie monastique est, avec l’architecture, l’un des domaines plus particulièrement privilégiés. La définition du prieuré est questionnée en fonction des travaux historiques et des sources, permettant ainsi de mieux définir le sujet de l’étude aboutissant à une classification très clairement présentée. Les conditions des fondations des prieurés par rapport à l’évolution rapide de l’abbaye-mère sont ainsi explicitées. Le contexte historique de la genèse des prieurés est relaté, fournissant donc les données nécessaires à l’appréciation par le lecteur des conditions matérielles de leurs mises en place.
Ensuite, l’auteur aborde par deux gros chapitres les spécificités propres aux prieurés fontevristes étudiés en les scindant en deux catégories: les prieurés doubles et les prieurés simples. Pour les premiers, l’auteur souligne un emplacement topographique caché au sein des paysages. Les plans des églises des prieurés féminins sont présentés et mis à l’échelle grâce à plusieurs planches, les modalités de circulation et les relations avec les bâtiments conventuels étant par ailleurs explicitées.
Une analyse métrologique des édifices comme la détermination des mesures de longueurs est proposée. Les espaces intérieurs des églises ainsi que les circulations primitives sont analysés et restitués en fonction des données historiques et archéologiques. L’auteur propose également une analyse détaillée des matériaux mis en œuvre (modes de construction des fondations et des parements) ainsi qu’une présentation des techniques de taille et d’assemblage des blocs comme des appareils décoratifs. Suivant un descriptif rigoureux, l’auteur analyse ensuite les organes de stabilité, les voûtes, les couvrements. L’étude de la régulation du son, des baies et des rapports à la lumière et à l’air illustrés par une riche documentation permett d’apprécier la qualité des adaptations architecturales aux exigences monastiques.
Les dispositifs liturgiques sont par la suite analysés. Les bâtiments conventuels médiévaux dans la mesure où ils sont encore lisibles bénéficient également d’une attention privilégiée, comme l’organisation des espaces qui constitue l’un des objectifs prioritaires de ce travail. Cette démarche s’attache à une définition la plus précise possible des lieux conventuels comme de leurs affectations. Les problématiques des espaces funéraires sont abordées pour chaque établissement, la localisation des sépultures étant rapportée le plus précisément possible en fonction des données disponibles.
Un chapitre est consacré aux prieurés masculins qui dans le cadre de la spécificité fontevriste accompagnaient les établissements féminins. Les plans, les organisations architecturales ainsi que les espaces et les circulations sont analysés. Par la suite, l’auteur présente les données relatives aux prieurés simples. Les conditions d’implantation ainsi que les contextes sont évoqués comme le statut des occupants. Les dispositions architecturales sont par la suite détaillées comme l’identification et l’organisation des circulations associées aux dispositifs liturgiques perceptibles. Après l’organisation initiale des prieurés doubles l’auteur aborde les questions liées à leur évolution aux cours des XIIe et XIIIe siècles.
Les liens avec l’aristocratie locale donnent lieu à la mise en place de chapelles funéraires soulignant ainsi l’importance des dons comme l’implication des lignages nobles. L’évolution des prieurés fontevristes tout au long du Moyen Âge est par la suite relatée. La réforme de l’Ordre initiée dès 1474 est largement détaillée. L’auteur analyse par la suite les conditions et les configurations des reconstructions menées au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les espaces monastiques étant peu à peu réorganisés en fonction de nouveaux impératifs. Les circonstances des saisies révolutionnaires sont par la suite relatées, les inventaires alors réalisés soulignant la relative opulence des prieurés encore actifs.
La conclusion de ce vaste travail permet à Patrick Bouvart de souligner les grandes lacunes des connaissances disponibles relatives aux prieurés fontevristes. En revanche, le contexte historique comme les relations avec les évêques ont pu être précisés, une relative cohérence d’action dirigée contre Cluny pouvant être détectée dans le cadre du déploiement fontevriste.
Un maître d’œuvre principal a sans doute dirigé l’ensemble de ces chantiers, ce dernier confiant à des artisans aguerris ces réalisations, les changements de formes perçus au cours du XIIe siècle étant l’écho potentiel de mutation fonctionnelle des espaces ou bien la traduction d’un changement de maître d’ouvrage.
Les prieurés doubles disposent d’églises dotées de bas-côtés à l’inverse des prieurés simples, le développement des premiers s’achevant vers 1154. Dans ce contexte les moniales sont cantonnées dans les parties orientales des nefs, les converses ayant seulement accès au segment ouest. Ces différentes évolutions sont communes à d’autres ordres monastiques, les prieurés masculins étant mieux perçus au terme de cette étude.
L’ensemble de ce travail constitue donc une avancée significative quant à la connaissance de l’ordre fontevriste, le prieuré constituant souvent la cellule élémentaire de ces vastes organisations. La lucidité de l’auteur le conduit vers le souhait d’une multiplication des fouilles archéologiques qui permettront, au-delà des sources historiques disponibles, une meilleure définition de ce que furent à leur début, les conditions de mise en place du réseau monastique fondant la puissance de Fontevraud.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Claude de Mecquenem, Rezension von/compte rendu de: Patrick Bouvart, Les prieurés de Fontevraud dans le diocèse de Poitiers. Conditions d’implantation, topographie monastique et évolution. Avec une préface de Claude Andrault-Schmitt et Luc Bourgeois, Rennes (Presses universitaires de Rennes) 2021, 220 p., 152 ill. (Archéologie et Culture), ISBN 978-2-7535-8325-2, EUR 35,00., in: Francia-Recensio 2022/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.3.90442