Bruno Lemesle fait aujourd’hui paraître un ouvrage portant sur les formes et la perception des procès avant l’an mil. Par là, l’auteur reconsidère la justice féodale et surtout son efficacité, trop souvent considérée comme une régression par rapport à la justice carolingienne.

Sept affaires judiciaires, survenues entre les années 830 et l’an mil, sont ici étudiées. Considérées comme les ancêtres des procès politiques et ecclésiastiques des derniers siècles du Moyen Âge, elles sont sans conteste de formidables exemples d’une justice médiévale. L’auteur met en valeur les traits communs remarquables qui en ressortent. Des accusés se virent reproché tout autant d’avoir mis en cause la doctrine de l’Église que leur comportement déréglé ou leur démence. Des griefs comme la sédition, la trahison, la lèse-majesté royale et l’avarice sont récurrents. Comparés aux procès politiques et ecclésiastiques des derniers siècles du Moyen Âge, ceux dont traitent ce livre sont, avec des caractères propres, leurs ancêtres. Ces affaires forment une part des modes de gouvernement de ce temps.

L’auteur manie sérieusement les sources juridiques et met en valeur des personnages historiques fameux tels que Hincmar de Laon, Arnoul de Reims, Abbon de Fleury, Yves de Chartres. Accordant une très large place à la procédure et à la typologie des crimes, l’auteur fait entrer son lecteur dans la justice de la fin des temps carolingiens … L’auteur choisit ici d’approfondir l’étude des sept affaires, à travers toutes leurs facettes. Chaque étude de cas est suivie d’une synthèse bien ficelée et bien documentée. L’auteur, prenant en compte les avancées de l’anthropologie juridique tout en pointant du doigt certaines de ses limites, interroge le conflit sous l’angle de la cohésion sociale. Il faut seulement regretter l’absence de renvois aux travaux récents des historiens du droit qui, bien qu’ils suivent parfois une autre approche, auraient pu nourrir encore davantage la réflexion.

Bruno Lemesle nous propose une plongée dans une histoire de la justice féodale qui devient par là un véritable objet de recherche en sciences humaines et qui mobilise, au-delà de l’histoire du droit, l’histoire des religions, de l’État, de la violence, de philosophie politique, des mentalités. L’ouvrage est de très belle facture; il ravira le chercheur, l’enseignant comme le curieux et ami des études médiévales.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Laura Viaut, Rezension von/compte rendu de: Bruno Lemesle, Procès en récit. Formes et perception de procès avant l’an mil (IXe–Xe siècles), Paris (Classiques Garnier) 2021, 294 p. (POLEN – Pouvoirs, lettres, normes, 21), ISBN 978-2-406-10983-9, EUR 31,00. , in: Francia-Recensio 2022/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.3.90461