Cet ouvrage dirigé par Olle Ferm et Élisabeth Mornet s’insère dans une collection présentant des études sur l’histoire des étudiants suédois en Europe à la fin du Moyen Âge et vise à approfondir l’apport des universitaires suédois à l’intégration du royaume de Suède au reste de l’Europe. Si la présentation de la structure de l’ouvrage n’apparaît qu’à la fin de la première partie (p. 61–63) son homogénéité et sa pertinence résident dans son objet, les étudiants scandinaves, traités sous de nombreux aspects.

Les études présentées par Olle Ferm portent ainsi sur une période longue, présentant une synthèse des connaissances actuelles sur les mobilités étudiantes scandinaves vers le royaume de France à partir du XIIe siècle jusqu’à la fin du XIVe siècle, où la présence faiblit, malgré quelques incursions au XVe siècle. Elles incluent un constant souci de contextualisation des caractéristiques du séjour et du devenir de ces lettrés au sein des villes et des organisations qui les accueillent.

Les contributions importantes d’Élisabeth Mornet mettent en valeur les conditions et les profils des étudiants suédois dans la capitale française, au travers d’une approche prosopographique et statistique complète et instructive. Son analyse détaillée de l’approche informatique et numérique permise par les projets déjà existants ou en cours de développement s’inscrit particulièrement dans l’actualité de la recherche concernant les universitaires médiévaux et participe à rappeler les risques d’une surinterprétation des manques documentaires propres à ce type d’études.

Une section entière est dédiée aux souvenirs de Paris, apportant une nouvelle approche, intellectuelle et réflexive sur la construction mémorielle des universitaires médiévaux. Cette section renvoie également à la question essentielle de la construction et de l’utilisation de la réputation d’un lieu d’études à l’étranger dans la carrière de ces anciens étudiants.

Car les étudiants scandinaves ne sont pas seulement observés dans leur devenir une fois de retour au pays selon une approche statistique ou quantitative, mais ils le sont, aussi et surtout, dans leurs réalisations intellectuelles, que celles-ci les touchent individuellement ou qu’elles aient eu un retentissement plus important à l’échelle du royaume. Ces anciens étudiants de l’université de Paris occupent en effet, pour une part importante d’entre eux, des sièges épiscopaux et des canonicats, les plaçant en première ligne des importants changements que connaît le royaume de Suède aux XIIIe et XIVe siècles. Ces changements concernent à la fois le plan politique, avec l’établissement ferme d’une monarchie élective et d’une oligarchie, qu’institutionnel, avec une structuration de l’administration du royaume que l’on retrouve dans l’ensemble de l’Occident latin.

Cette diffusion intellectuelle ne se fait pas seulement au travers de traités politiques ou philosophiques mais les études proposées montrent que celle-ci est perceptible dans de nombreux autres domaines: celui de l’histoire de l’art avec une contribution sur le style pictural de l’église de Södra Råda, de la circulation des livres, de l’adaptation du genre du miroir aux princes à une tradition politique élective ou encore de la réception littéraire française d’un récit de miracle concernant deux étudiants suédois à Paris. Ces contributions mettent parfois en valeur certaines personnalités marquantes de leur époque comme Olavus Magni ou Johannes Hildebrandi mais ne tombent pas dans le travers d’une histoire seulement visible au travers du parcours de quelques individus sur près de trois siècles d’étude.

Les sources et références utilisées dans cette synthèse couvrent une historiographie à la fois suédoise mais aussi internationale, donnant au lecteur toutes les clés afin de poursuivre plus en avant l’étude de cette population. La dernière partie, consacrée à des éditions de sources, met à disposition du plus grand lectorat des textes essentiels cités tout au long de l’ouvrage, non seulement touchant aux étudiants suédois mais aussi à l’histoire de l’université de Paris de manière plus large.

Sur la forme, le plan, clairement structuré, est agrémenté régulièrement par une iconographie choisie, renvoyant aux sources citées dans les contributions, à des cartes d’époque bienvenues, à des photographies d’églises scandinaves qui participent à la fois à la facilité de lecture d’un ouvrage de taille conséquente, mais aussi à l’illustration réelle d’évènements, de lieux et de personnages évoqués dans les contributions. Le choix de la langue de rédaction de la majeure partie de l’ouvrage, l’anglais, conformément à celui de la collection entière, rend accessible ces réflexions à un plus grand nombre de lecteurs. Un choix d’autant plus essentiel que le sujet touche à un objet mobile, celui des étudiants en Europe à la fin du Moyen Âge.

Cet ouvrage, qui a l’ambition d’apporter une meilleure connaissance du rôle des étudiants suédois dans les milieux intellectuels du royaume de Suède à la fin du Moyen Âge, remplit parfaitement son objectif et va même au-delà, en proposant une synthèse utile à une vision décloisonnée de la mobilité universitaire en Europe.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Pauline Spychala, Rezension von/compte rendu de: Élisabeth Mornet, Olle Ferm (ed.), Swedish students at the university of Paris in the Middle Ages I. Origin, studies, carriers, achievements, Stockholm (Sällskapet Runica et Mediævalia) 2021, 959 p. (Scripta minora, 28), ISBN 978-91-88568-79-3, EUR 69,83., in: Francia-Recensio 2022/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.3.90468