Cette monographie institutionnelle s’appuie sur les recherches effectuées en 2015, à l’occasion du quarantième anniversaire du Georg-Eckert-Institut für internationale Schulbuchforschung. L’ouvrage offre à un large public une introduction à la genèse et à l’histoire d’un institut unique dans le paysage international, tant du point de vue académique qu’institutionnel. Rédigé par trois de ses membres et abondamment illustré, ce beau livre rend compte des activités passées et présentes du GEI, et des liens complexes qui l’unissent à de nombreux partenaires au cœur du fonctionnement des systèmes éducatifs.

Précédés d’une introduction, six chapitres de longueur inégale rythment le parcours de lecture. Trois chapitres posent d’emblée les jalons chronologiques de l’évolution des rapports des membres de l’institut à leur principal objet de travail: le manuel scolaire d’histoire. Le chapitre suivant, subdivisé en onze sous-parties, présente leurs travaux sous un angle thématique: nation, démocratie et dictature, dès le début de l’aventure du GEI, jusqu’aux enjeux contemporains liés à l’intégration européenne, à la diversité culturelle ou encore à l’environnement. Les deux derniers chapitres, les plus brefs du volume, rendent compte des dimensions matérielles du travail intellectuel au quotidien: infrastructures de soutien à la recherche et à l’enseignement (bibliothèque, bases de données, portails électroniques), publications (entre autres la revue savante »Journal of Educational Media, Memory and Society«, auparavant »Internationale Schulbuchforschung«) et implantations géographiques successives dans la ville de Brunswick.

Trois grands moments se dégagent dans l’histoire du GEI et des institutions qui l’ont précédé, qui se caractérisent par des formes spécifiques de circulation des idées et des pratiques des acteurs scolaires, politiques, universitaires et du monde de l’édition. Dès la fin du XIXe siècle, les manuels scolaires d’histoire sont perçus comme des moyens d’enseignement, mais aussi comme des instruments de création et de renforcement du sentiment national, et donc également comme vecteurs possibles de promotion de la paix et de la tolérance entre les peuples. De ses balbutiements dans la zone d’occupation britannique après la Seconde Guerre mondiale jusqu’au milieu des années 1970, l’activité menée par et autour de Georg Eckert (1912–1974; une biographie succincte est présentée p. 29) s’inscrit dans la continuité de ces préoccupations. Elle repose avant tout sur des pratiques d’expertise soutenues par l’Unesco et le Conseil de l’Europe, des méthodologies d’analyse de contenus de manuels dans le cadre de commissions bilatérales, et de production de recommandations sur les enjeux et contenus des manuels d’histoire, puis de géographie et plus généralement de sciences sociales. Après la mort de G. Eckert en 1974, l’académisation progressive de l’institut marque une deuxième phase de son existence: les manuels scolaires deviennent un objet d’étude interdisciplinaire pour des historiens de l’éducation, des didacticiens ou des Kulturwissenschaftler. Intégré dans le réseau de recherche extra-universitaire de la Leibniz-Gemeinschaft depuis 2011, et sans pour autant faire table rase de ses orientations passées, l’institut accompagne les mutations contemporaines de l’éducation: il a étendu ses activités de recherche et de médiation à la co-conception de ressources pédagogiques numériques, à l’étude de leurs usages et à l’évaluation de leurs effets. Signe des temps, l’institut a changé de nom en 2021, et c’est l’histoire du Leibniz-Institut für Bildungsmedien/Georg-Eckert-Institut (Leibniz Institute for Educational Media/Georg Eckert Institute) qui s’écrit désormais.

Des exemples variés de coopération bilatérale illustrent de façon récurrente le propos des auteurs, et entrainent le lecteur dans un tour du monde autant que dans un retour vers le passé: enseignants et experts éducatifs de Pologne et d’Italie, des États-Unis et d’Israël suite à la période 1933–1945, puis d’Asie orientale et d’Afrique du Nord suite aux décolonisations, ou encore des États européens issus de l’éclatement du bloc communiste sont accueillis année après année en Basse-Saxe. Les initiatives de rapprochement franco-allemand reviennent d’ailleurs régulièrement pour incarner les missions successives du GEI, des premières commissions binationales portant sur la révision des manuels scolaires dans les années 1920 et 1930 (p. 22) à la parution d’un manuel d’histoire franco-allemand au début des années 2000, qui initie d’autres expérimentations portées par le GEI (p. 74–77).

Le lecteur intéressé par cette institution et son histoire pourra prolonger son exploration grâce à la sélection de ressources bibliographiques proposée en fin d’ouvrage et au riche site Internet de l’institut gei.de. Voire planifier un séjour au GEI, grâce à une bourse de recherche ou à l’occasion d’un colloque, et faire son miel d’une collection inégalée de manuels scolaires patrimoniaux et contemporains, allemands et internationaux, accessibles dans un bâtiment rénové et agrandi en 2021.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Claire Ravez, Rezension von/compte rendu de: Eckhardt Fuchs, Kathrin Henne, Steffen Sammler, Mission Textbook. The History of the Georg Eckert Institute, Wien, Köln (Böhlau Verlag Köln) 2022, 168 p., ISBN 978-3-412-52469-2, EUR 40,00., in: Francia-Recensio 2022/4, 19.–21. Jahrhundert – Histoire contemporaine, DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2022.4.92297