Lucie Ecorchard publie, après avoir reçu le prix scientifique L’Harmattan, un ouvrage tiré de sa thèse de doctorat d’histoire médiévale intitulé »Les lieux de justice parisiens à la fin du Moyen Âge«. Formée en histoire et histoire de l’art et archéologie à l’Université Paris 1, Lucie Ecorchard a poursuivi ses études en master d’histoire et anthropologie des sociétés médiévales. Actuellement, elle travaille au musée national Eugène Delacroix.

Le Moyen Âge, trop souvent perçu comme violent, cruel, barbare, est ici revisité de manière très rigoureuse. En étudiant les lieux et les structures grâce auxquels les seigneurs parisiens rendaient la justice, cet ouvrage remet en cause l’image traditionnelle de la justice médiévale. Recensant l’ensemble de ces lieux de l’espace public dans la capitale et ses faubourgs, du XIIe à la fin du XVe siècle, l’étude offre une représentation globale des pratiques judiciaires parisiennes. Au croisement d’une histoire matérielle et politique, ce travail inédit manifeste les politiques territoriales des seigneurs de la capitale en cette fin du Moyen Âge et montre que ces structures judiciaires étaient multifonctionnelles. Bien plus que de simples supports des exécutions, ces objets portent en eux des usages politiques, territoriaux et symboliques.

Jusqu’à la fin du Moyen Âge, le paysage judiciaire, d’une grande complexité de coutumes et de ressorts, résiste aux progrès de l’État royal. La hiérarchie des juridictions demeure incertaine, de même que les frontières entre les matières criminelle et civile. Néanmoins, sous l’effet d’une modernité naissante, les juridictions seigneuriales et ecclésiastiques s’alignent lentement sur les procédures et usages de France, préparant ainsi une première modernisation enclenchée par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539.

Alors qu’à l’heure actuelle il est relativement aisé d’identifier dans le tissu urbain les attributs matériels de la justice, les choses étaient tout autre à la fin du Moyen Âge. Le terme »lieux de justice«, volontairement vaste, renvoie à chacun des endroits de la seigneurie qui entretient, de manière concrète ou symbolique, un rapport avec la pratique judiciaire. La première étape était de circonscrire un espace propice à l’accomplissement de la justice. Les registres, pour autant, ne font pas systématiquement mention de l’endroit où la cour seigneuriale se réunit. Majoritairement, les tribunaux siègent dans les limites des ressorts seigneuriaux, mais la justice médiévale est souvent itinérante.

La justice du Moyen Âge a donné lieu à une production documentaire variée, dont l’éventail est bien plus large que celui des lieux de justice. Cependant, le seul examen de cette géographie judiciaire n’est pas privé d’intérêt. Bien au contraire! Il met au service de la communauté scientifique des données croisées d’histoire médiévale et d’archéologie médiévale. C’est là, sans conteste, une pertinente avancée.

L’autrice livre ici des hypothèses nouvelles, notamment sur la manière dont les seigneurs se sont équipés pour procéder à l’exécution des sentences, sur la manière dont l’application des peines a pu se nuancer au fil des décennies, mais plus encore sur les implantations spatiales des lieux de justice.

Enfin, il faut souligner que l’autrice n’est pas tombée dans l’écueil, encore trop présent dans la recherche universitaire, du spectaculaire. La justice médiévale n’est pas un lieu de barbarie, mais un lieu, comme toute justice, où les difficultés des particuliers sont gérées, tant bien que mal … L’autrice a su en restituer avec sérieux, méthode, rigueur et intelligence, l’essence et les contours.

Cette double approche d’histoire et d’archéologie de la justice offre un chemin incontournable à tout chercheur en histoire de la justice. Elle apportera également de précieux éléments à tout historien du droit.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Laura Viaut, Rezension von/compte rendu de: Lucie Ecorchard, Les lieux de justice parisiens à la fin du Moyen Âge, Paris (L’Harmattan) 2022, 302 p. (Prix scientifique L’Harmattan. Série master), ISBN 978-2-343-24636-9, EUR 31,00., in: Francia-Recensio 2023/1, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.1.94516