Le cinquième centenaire de la mort de Maximilien Ier, souverain du Saint-Empire romain germanique et bâtisseur de la maison d’Autriche, est à l’origine de ce dense et magnifique ouvrage. La richesse des illustrations, l’abondance des notes et la présence d’un index détaillé en font un instrument de travail précieux. Il reprend les ambitions de l’étude en cinq volumes, échelonnés de 1971 à 1986, d’Hermann Paul Wiesflecker, constamment citée: faire du règne de Maximilien un observatoire privilégié du »changement d’époques« (Zeitenwende), du XVe au XVIe siècle. Il s’agit de prendre en compte la »révolution médiatique«, l’humanisme et la Renaissance, l’élargissement des horizons et les premières formes du capitalisme, la lutte pour l’hégémonie qui se joue alors en Italie, la construction de l’État moderne, mais aussi les tensions sociales et les révoltes paysannes, ainsi que les tensions religieuses et les Réformes. Le volume rassemble trente-six contributions, regroupées selon huit thèmes.

»Gouverner en période de transition«. Deux traits caractérisent la période: la place prépondérante que joue la culture de la Renaissance en Europe et la constitution d’un système politique regroupant les puissances du moment (W. Schmale). Cette évolution ne remet pas en cause les relations de confiance sur lesquelles l’exercice du pouvoir continue de se fonder (J. Hirschbiegel). C’est dans ce contexte que se détache la personnalité d’un souverain attentif aux nouveaux moyens de communication et habile dans leur utilisation, ambitieux mais impécunieux (M. Holleger). Sa »modernité« est encore plus nette si on la compare à celle de son père Frédéric: celui-ci paraît par trop figé, celui-là par trop mobile (P.-J. Heinig). L’»humanisme politique«, qui pourrait caractériser ce règne, est d’ailleurs loin d’être aisément mis en œuvre (V. Huth).

»Environnement et réseaux«. »Tu felix Austria, nube«: le célèbre dicton sous-tend la contribution de C. Antenhofer sur Maximilien et les femmes: sa mère Éléonore de Portugal et ses deux épouses successives, Marie de Bourgogne et Bianca Maria Sforza. Elles peuvent lui servir de modèle, élargir ses alliances, apporter des dots substantielles. Les ordres de chevalerie – celui de la Toison d’or, fondé en 1430 par le duc Philippe le Bon (S. Dünnebeil) et celui de Saint-Georges, fondé en 1469 par Frédéric III (I. Wiesflecker-Friedhuber) – contribuent à définir, tant bien que mal pour le premier et de manière inachevée pour le second, les liens du souverain avec la noblesse. H. Notflascher et B. Péterfi concluent également de manière nuancée leur étude des relations de Maximilien et de la cour impériale (où Josel de Rosheim ne cesse de plaider en faveur de ses coreligionnaires) avec la minorité juive, alors confrontée avec les expulsions et la destruction des écrits judaïques. Focalisée sur deux médecins juifs, Jacob ben Jechiel Loans et Paolo Ricci, U. Schattner-Rieser souligne l’accueil favorable dont ils bénéficient de la part de Frédéric III et de Maximilien, et le rôle bénéfique qu’ils jouent en faveur de l’apprentissage de l’hébreu.

»Beaux-Arts et construction mémorielle«. Bien illustrées et solidement documentées, quatre contributions réexaminent les relations de Maximilien avec les artistes, notamment Albrecht Dürer et Hans Burgkmair (T. Schauerte), le portrait de famille du souverain et le rôle de celui-ci dans la représentation dynastique (L. Madersbacher), l’utilisation des gravures produites par Albrecht Altdorfer et son atelier pour célébrer le triomphe de l’empereur (E. Michel), et l’architecture funéraire, fondamentale dans la construction mémorielle (R. Prochno-Schinkel).

»Littérature et propagande«. S. Füssel livre une riche contribution sur les rapports de Maximilien avec l’imprimé: pas seulement ses propres écrits – notamment »Weiβkunig« (sur lequel J.-D. Müller revient pour étudier la réception d’Enea Silvio Piccolomini et les débuts de l’humanisme en Allemagne) et »Theuerdank« (dont D. Wegener analyse par ailleurs plus particulièrement l’édition de 1517 et l’ajout, demeuré manuscrit, du chapitre 117 consacré à la croisade) – mais aussi les gravures aux dimensions extraordinaires consacrées respectivement à l’arc et au Grand Char triomphal. Il prend également en compte les tracts (Flugblätter) et les journaux. Déjà utilisés par Frédéric III, ces modes de communication n’avaient connu qu’une diffusion restreinte (litterae clausae). Avec un tirage, qui atteint 300 à 500 exemplaires, ils touchent désormais un public plus large (litterae patentes). Maximilien a impressionné ses contemporains et occupe effectivement une place originale dans l’histoire du pouvoir et des médias. Deux articles sont consacrés à »la cour et ses plaisirs«: celui de N. Schwindt qui traite de la musique, celui de M. Fink et J. Nowaczek qui porte sur la danse.

La montée en puissance de l’État est abordée à travers les études très précises et neuves des finances et des financiers (C. Lackner), du droit et de l’exercice de la justice (M. P. Schennach), et de diverses innovations bureaucratiques (C. Haidacher ainsi que N Krajicek). L’Europe de Maximilien est abordée à travers l’analyse des liens entre Maximilien et les dynasties ibériques et notamment de la stratégie matrimoniale de la maison d’Autriche, bien servie par le sort (F. Edelmayer); l’étude de la place centrale de l’Italie dans la politique de l’empereur (C. Lutter et son approche culturelle de l’histoire politique); le réexamen de la politique novatrice de Maximilien dans l’Europe du Nord et de l’Est, marquée notamment par la figure du diplomate Herberstein (M. Wakounig); et la présentation (accompagnée par un florilège de documents archivistiques) des relations mouvementées avec la Confédération helvétique (P. Niederhäuser).

Avec huit contributions, le dernier chapitre – »Le Saint Empire romain et les territoires héréditaires« – est le plus important. Outre ses efforts, largement infructueux, de réformer en sa faveur les institutions impériales, les deux sujets de préoccupation étaient pour Maximilien le maintien de la paix et le financement de sa politique (D. Heil). Ce qui explique le nombre élevé – 18 – des diètes (Reichstage), plutôt efficaces sur le premier objectif, plutôt réservées, au grand dam de Maximilien, sur le second (R. Seyboth). Son »mariage« avec les Pays-Bas, que Marie de Bourgogne lui apporta en dot, fut également tourmenté: à la mort de son fils Philippe, il dut en confier la régence à sa fille Marguerite (J. Haemers). Les relations étaient en revanche plus intenses et apparemment plus apaisées avec les différents territoires autrichiens: la Haute-Autriche (A. Niedstätter) et l’Autriche intérieure (R. Schäffer). L’Autriche était en effet militairement et financièrement, mais aussi humainement, indispensable à la politique mise en œuvre par Maximilien (A. Zajic). Les liens y étaient aussi plus personnels, comme en témoignent l’acquisition du comté de Goritz (Görz) en 1500 (M. J. Wenninger) et le château de Wels où l’empereur s’éteint le 12 janvier 1519 (W. Aspernig).

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Gérald Chaix, Rezension von/compte rendu de: Markus Debertol, Markus Gneiß, Julia Hörmann-Thurn und Taxis, Manfred Hollegger, Heinz Noflatscher, Andreas Zajic, Sonja Dünnebeil (Hg.), »Per tot discrimina rerum« – Maximilian I. (1459‑1519), Köln, Weimar, Wien (Böhlau) 2022, 528 S., 128 Abb., ISBN 978-3-205-21602-5, EUR 130,00., in: Francia-Recensio 2023/2, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.2.96882