Ce volume est le cinquième d’édition des procès politiques sous Charles VII et Louis XI dirigée par J. Blanchard, après ceux contre Louis de Luxembourg comte de Saint-Pol (2008), Jacques d’Armagnac duc de Nemours (2012), Jean V comte d’Armagnac, le Cadet d’Albret et, post mortem, Charles le Téméraire duc de Bourgogne (2016), et Jean II duc d’Alençon (2018).
Né vers 1421, fils du châtelain de la baronnie d’Angles en Poitou, Jean Balue entra dans l’Église, fut étudiant à Angers et sut vite se trouver des protecteurs: l’évêque de Poitiers Jacques Jouvenel des Ursins, celui d’Angers Jean II de Beauvau qu’il accompagna à Rome où il fut nommé protonotaire apostolique, Charles de Melun, qui lui permirent de connaître une belle ascension et d’accéder au roi Louis XI qui le retint comme un de ses secrétaires et aussi comme aumônier, puis conseiller au Parlement et membre du conseil royal. Le roi le fit aussi évêque d’Évreux en 1465, mais Jean Balue se fit nommer à Angers en 1467 à la place de Jean de Beauvau (laissant Évreux à son frère Antoine), tout en accumulant des charges d’abbé commendataire. Sur requête du roi de France, le pape Paul II le fit cardinal (au titre de Sainte-Suzanne) en 1467. C’était aussi un homme d’intrigues de toutes sortes. À Paris, durant la guerre du Bien public il se fit un ennemi de Charles de Melun car les deux hommes avaient des visées sur la même jeune femme.
L’introduction (p. IX–XLIX) retrace la carrière de Jean Balue et son procès avec les questions juridiques qu’il a posées (un membre du haut clergé peut-il commettre un crime de lèse-majesté; si oui, quelle juridiction séculière ou ecclésiastique est compétente; enfin la procédure à suivre). La bibliographie est des plus succinctes (p. XLVIII–XLIX); sur Louis XI seul est mentionné l’ouvrage de Joël Blanchard.
Suit l’édition d’un choix de documents, et cette édition ne manque pas de poser des questions: aucune description des manuscrits n’est donnée, nous ne savons pas s’il existe des copies des documents. C’est la première fois que je vois les documents publiés non pas dans l’ordre chronologique, mais selon les manuscrits sources, ce qui n’a guère d’intérêt historique. En fait seuls les »textes« 1 A, M, N et O, 3, 3 et 4 A et B sont inédits, c’est-à-dire sept sur dix-neuf: tous ces documents ont soit été publiés soit mentionnés par Henri Forgeot dans son étude »Jean Balue, cardinal d’Angers (1421?–1491)«, Paris 1895. Relevons un document inédit très intéressant et qui devrait appeler des commentaires: la réflexion sur le crime de lèse-majesté par Oriole (texte 1 N, p. 35–42).
L’édition elle-même est soignée, mais il aurait fallu rejeter l’apparat critique en fin et mettre les notes historiques en bas de page, ce qui aurait facilité la lecture, car les principaux lecteurs seront des historiens.
Cependant, il faut reconnaître que les notes historiques sont bâclées, au point de se demander si les éditeurs ont une quelconque connaissance précise de l’histoire de la fin du Moyen Âge. Prenons deux exemples: p. 42, on reste éberlué de lire la note i: »ceulx du rosier: nous ignorons de qui il s’agit«, alors que l’auteur parle de Toulouse il est bien entendu question de Bernard de Rosier, archevêque de Toulouse de 1452 à 1475; le personnage, auteur de la »Tripartita consultacionum« et de l’»Ambaxiatorum brevilogum«, a été étudié par Patrick Arabeyre (1990 et 1992). P. 93, l’évêque (plus exactement l’archevêque) d’York exécuté par le roi d’Angleterre est Richard le Scrope en 1405, accusé d’avoir comploté contre Henri IV (une simple consultation d’une liste des archevêques d’York, dans Gams, Eubel ou même Wikipédia, aurait donné le nom).
L’index est souvent la partie que consultent en premier les lecteurs: il n’est ni fait ni à faire, encore rempli de coquilles, incomplet, les renvois font uniquement référence aux textes et non aussi aux notes: ainsi »Montferrat, N., cardinal de« reste anonyme dans l’index bien qu’il soit identifié dans les notes comme Théodore Paléologue (p. 162, n. 103), et le classement des noms est aberrant: pourquoi, par exemple, avoir retenu pour les nobles le nom de la seigneurie (ou d’une seigneurie) et non leur patronyme: qui irait chercher Damas à Clessy ou Neufchâtel à Montagu? Il manque un index des noms de lieu.
Il y a aussi de nombreuses confusions dans les noms des ecclésiastiques. Voyons-en quelques-uns. »Arezzo N. (cardinal d’)«, »Arriete (cardinal d’). Voir Arezzo (cardinal d’)«, »Campranea (Angelo), évêque de Riete« (sic pour les noms propres) sont le même homme, Angelo Capranica (v. 1415–1478), archevêque de Rieti de 1450 à 1468, cardinal en 1460. Les éditeurs identifient »l’evesque axitasien« (p. 120 et 163) à »Nicolas de Ubaldis«, en fait Nicolò degli Ubaldi († 1477?), de Pérouge (Perusinus), mais celui-ci n’était pas évêque. Forgeot, qui connaissait bien son affaire, l’identifie (p. 94) à Alphonse, évêque de Ciudad Rodrigo, donc de »Civitaten[sis]« (une relecture s’impose pour trancher, mais »Axitasien[sis]« ne correspond à aucun évêché, voir Gams ou Eubel). C’est Alfonso de Paradinas (1385–1485, juste nommé évêque le 20 octobre 1469, qui apparaît dans l’index comme »Palladinas, Alphonse« (mais non relié à l’évêque »axitasien«). »L’auditeur de la Roue« (p. 120) n’est donc pas celui-ci mais Nicolò degli Ubaldi: il y a bien deux personnages différents. Ajoutons que (p. 163, n. 117) Forgeot, lu trop vite (p. 94), n’a pas identifié l’évêque »axitasien« (dont le nom n’apparaît pas dans son livre) avec Nicolò degli Ubaldi: ce sont les éditeurs qui font la confusion entre l’évêque et le juriste de la Rote. Troisième cas: »Canneto (cardinal)«, dit p. 159 être »Giovanni Vitelleschi, cardinal et patriarche d’Alessandria«, alors qu’il n’y a pas d’entrée »Vitelleschi« dans l’index. Giovanni Vitelleschi (v. 1395–1440) est né à Corneto (et non Canneto), a été dans sa jeunesse un condottiere, devenu évêque en 1431, patriarche d’Alexandrie (en Égypte, et non en Italie, Alessandria) et créé cardinal en 1437, et est mort de ses blessures en se défendant à Rome. Tout ceci se trouve dans le »Dizionario biografico degli Italiani«, le site The Cardinals of the Holy Roman Church (https://cardinals.fiu.edu/cardinals.htm), ou encore Wikipédia …
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Jacques Paviot, Rezension von/compte rendu de: Joël Blanchard, Pierre-Anne Forcadet (dir.), Procès politiques au temps de Louis XI. Le cardinal Balue. Lèse-majesté en débat, Genève (Librairie Droz) 2022, 264 p. (Travaux d’Humanisme et Renaissance), ISBN 978-2-600-06423-1, EUR 46,45., in: Francia-Recensio 2023/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.3.99784