Comme l’indiquent les directeurs de l’ouvrage dans leur avant-propos, les dix articles qui le composent sont en partie issus de contributions à des journées d’études qui ont été organisées par l’équipe IT&M (»Images, Textes et Monuments«) de l’UMR 7264 CEPAM à l’université Côte d’Azur. Précisions utiles à une meilleure compréhension du contenu du volume réuni sous un titre très large, les premières journées, intitulées »Images et signes dans l’église médiévale«, se sont tenues en mars 2018 et les secondes, consacrées aux »Peintures murales: approches opérationnelles et historiques«, un mois plus tard. Les dix articles sont de format variable et organisés selon une articulation qui n’apparaît pas toujours clairement. Certains répondent à la dialectique texte/images au sein de l’église, c’est-à-dire dans le lieu même où images, signes et textes s’inscrivent; d’autres, sans perdre pour autant de vue la problématique, portent plus spécifiquement sur des cycles de peintures murales exécutés durant les derniers siècles du Moyen Âge (XIIIe–XVe siècles), tant dans des édifices religieux que civils. Quelques-uns enfin, mais peu nombreux, trouvent à notre avis plus difficilement leur place dans le volume.

La première étude concerne les lipsanothèques catalanes, des contenants à reliques peu connus car destinés à être enfouis dans les autels lors de la dédicace de l’église. Ils constituent pourtant dans la région un corpus important, dont l’étude matérielle, combinée à celle des sources écrites, éclaire d’un jour nouveau le rituel de dédicace (Marc Sureda i Jubany, »Lipsanothèques, reliques et autels en Catalogne romane«, p. 13–40). La deuxième contribution est consacrée aux inscriptions des tissus d’autels, à partir de deux études de cas: la nappe d’autel offerte dans le troisième quart du IXe siècle par la comtesse Berthe à la cathédrale de Lyon, et connue par une description, et la broderie de Gérone réalisée vers 1075, aujourd’hui conservée au musée de la cathédrale de la ville espagnole. Alors que ces objets étaient régulièrement déployés sur l’autel, puis retirés pour être pliés et rangés, ces deux exemples illustrent une relation différente, car intermittente et dynamique, de la relation entre l’image, son support – l’autel dans l’espace architectural – et les inscriptions qui l’accompagnent (Vincent Debiais, »L’écriture sur le tissu de l’autel. Une liturgie dans les plis«, p. 41–61).

À la suite, et toujours en relation étroite avec le bâtiment et les rites qui s’y accomplissaient, vient un texte sur le marquage au sol de l’église des lettres de l’alphabet ou autres signes à l’aide de cendres à l’occasion de la dédicace de l’église, de baptêmes ou de rites funéraires (Lucy Donkin, »Making the Ground in Liturgy. Scripture, and Learning«, p. 63–80). À la suite de Jérôme Baschet, qui lui consacra en 1991 une étude monographique, Vinni Lucherini revient sur le cycle de peintures murales de San Pellegrino, un bâtiment de l’ancienne abbaye de Bominaco (Abruzzes). L’autrice ne reprend pas l’étude stylistique et iconographique des peintures, mais mène l’enquête dans les archives modernes et contemporaines (visites, photographies anciennes, etc.) afin de retrouver, en retraçant l’évolution chronologique de l’aménagement de l’espace, la fonction du bâtiment. Elle en conclut que ce bâtiment, resté jusque-là énigmatique, correspond à l’ancienne salle capitulaire de l’abbaye encore ornée d’un exceptionnel calendrier liturgique peint qui fournissait martyrologe et nécrologe lors de l’office du chapitre. Le cycle de peintures murales a probablement été exécuté par deux peintres romains sous l’abbé Bérard, avant que celui-ci ne quitte l’abbaye de Bominaco en 1232 (»San Pellegrino à Bominaco: un programme iconographique pour une salle capitulaire«, p. 81–107).

Suit la présentation d’un devant d’autel catalan du XIIIe siècle – le frontal de Santa Eugènia de Saga conservé au musée des Arts décoratifs de Paris – représentant une iconographie spécifique, celle de sainte Eugénie de Rome, sainte transgenre. Ainsi l’auteur montre-t-il à partir de cette étude de cas que la question de genre et de transidentité peut aussi être considérée pour le Moyen Âge (Clovis Chloé Maillet, »Le genre d’une image: étude comparative du frontal de Santa Eugènia de Saga [XIIIe siècle]«, p. 109–128). Le retable dans le retable est le sujet de la courte étude qui suit, consacrée au procédé de mise en abyme dans le panneau de la Manne de saint André de Carlo Braccesco (Avignon, musée du Petit Palais), fragment d’un polyptyque démantelé ressemblant sans doute à celui représenté sur le petit panneau (Giulia Puma, »Mise en abyme dans la peinture italienne du XVe siècle: La Manne de saint André de Carlo Braccesco [vers 1490]«, p. 129–142).

L’observation de nombreuses peintures du XVe siècle a conduit Thomas Golsenne à remarquer une parenté formelle entre attributs des saintes et saints représentés et ex-voto, l’amenant à penser que la reconnaissance de tels objets matériels dans les œuvres devaient augmenter encore la puissance et l’efficacité des images produites sur la mémoire des observateurs (»Anthropologie des attributs hagiographiques«, p. 143–162). Puis, les peintures murales sont à nouveau à l’honneur avec un gros dossier historique consacré à celles de la tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse). S’il s’agit d’un ensemble déjà bien étudié, notamment en dernier lieu par Térence Le Deschault de Monredon, les recherches généalogiques et héraldiques entreprises par l’auteur le conduisent à proposer un autre commanditaire pour cet exceptionnel ensemble de scènes historiques: Barral III de Baux et, partant, à revoir la datation admise jusque-là en le vieillissant un peu: entre 1305 et 1314 (Germain Butaud, »Recherches sur les peintures de la tour Ferrande de Pernes-les-Fontaines [c. 1309?]«, p. 163–241).

Les peintures murales font encore l’objet de l’avant-dernier article qui traite d’un corpus méconnu de peintures du Quattrocento représentant l’Enfer en Ligurie et en Piémont. L’auteur tâche là de mettre en lumière les liens toujours difficiles à établir entre prédication et images, en s’attachant notamment à l’analyse des inscriptions peintes qui accompagnent lesdites peintures (Océane Acquier, »Les capitaines de l’Enfer: de la prédication aux peintures murales. Images, textes et paroles dans les lieux de culte de Ligurie et du Piémont à la fin du XVe siècle«, p. 243–280). Pour clore ce volume, est enfin proposée une grosse étude sur la »Flagellation du Christ« de Piero della Francesca pour le renouvellement de laquelle l’autrice s’adonne à une lecture de l’exégèse typologique du verset Convenerunt in unum, inscription aujourd’hui disparue, et convoque d’autres images de l’iconographie inédite de la triade (Rosa Maria Dessì, »Convenerunt in unum dans l’exégèse et les images: la ›Flagellation du Christ‹ avec triade de Piero della Francesca«, p. 281–348).

Pour finir, notons que chaque article est très utilement augmenté d’une liste des sources manuscrites et/ou éditées et d’une bibliographie, offrant ainsi au lecteur la possibilité d’approfondir le dossier ou l’un de ses aspects.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Denise Borlée, Rezension von/compte rendu de: Rosa Maria Dessì, Didier Méhu (dir.), Images, signes et paroles dans l’Occident médiéval, Turnhout (Brepols) 2022, 349 p., 162 fig. (Collection d’études médiévales de Nice, 21), ISBN 978-2-503-60398-8, EUR 90,00., in: Francia-Recensio 2023/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.3.99797