L’ouvrage s’inscrit dans la longue lignée des publications issues de jubilés universitaires en paraissant pour le 625e anniversaire du décès du fondateur de l’université de Heidelberg, Marsile d’Inghen (v. 1340–1396). Formellement, il se compose de trois parties principales inégales: un premier long chapitre de Heike Hawicks (p. 5–86) sur les relations entretenues par Marsile d’Inghen avec la fondation de l’université de Heidelberg dans le contexte des relations entre le Palatinat et la Basse-Rhénanie (Niederrheinlande). S’ensuit un chapitre plus resserré de Harald Berger (p. 87–111) sur la Basse-Rhénanie dans l’histoire de la philosophie et des universités à la fin du Moyen Âge. Enfin, Heike Hawicks reprend la main pour un dernier chapitre (p. 119–147) uniquement constitué d’éléments iconographiques divers allant de l’affiche de la conférence donnée à l’occasion du jubilé (p. 118) à des photos de manuscrits mentionnant Marsile d’Inghen (p. 124–143), en passant par des photos de bâtiments modernes (p. 147, n° 32). La construction de l’ouvrage ressort assez opaque, mêlant plusieurs thématiques et périodes historiques au service d’une volonté principale: retracer le parcours de vie de Marsile d’Inghen de sa région natale de Basse-Rhénanie à la cour palatine ainsi que le chemin suivi par ses écrits.

L’objectif est diversement atteint. Certes, l’ouvrage retrace chaque étape de la vie de ce maître ès arts et docteur en philosophie, fondateur de l’université de Heidelberg et personnalité intellectuelle importante du XIVe siècle en insistant fortement sur ses liens avec la Basse-Rhénanie, mais il souffre souvent d’un manque de contextualisation qui pourrait profiter à l’argumentation. Un exemple de cette absence se trouve dans l’analyse des relations entre Marsile d’Inghen et les Niederrheinlande durant les longues années passées par celui-ci à l’université de Paris, de 1362 à 1379, objet d’un sous-chapitre (p. 11–13) et dans le reste de la première partie de l’ouvrage. Si l’autrice revient en détails sur les étudiants de cette région ayant acquis leurs grades sous Marsile d’Inghen, justifiant ainsi un lien particulier de celui-ci avec sa région d’origine, il aurait été intéressant pour le propos de se référer aux travaux de Mineo Tanaka sur la nation anglo-allemande de l’université de Paris à la fin du Moyen Âge (Paris 1990) qui souligne déjà cette tendance au regroupement géographique entre maître et étudiants, tout en en soulignant les limites (Tanaka, p. 182–184). De manière générale, l’autrice n’utilise que peu une historiographie récente et française sur l’université de Paris, alors que cette dernière occupe une place importante dans la vie de Marsile d’Inghen.

L’autrice apporte toutefois un regard neuf provenant de l’histoire régionale (Landesgeschichte) dans la démonstration de son hypothèse concernant les activités de Marsile d’Inghen durant les années 1379–1386, jusqu’à présent inconnues (p. 19–29). Son retour dans la région où il possédait ses principaux bénéfices ecclésiastiques, dont certains se trouvaient pris directement dans la lutte intense qui agitait les prélats durant les premiers temps du Grand Schisme ainsi que les soutiens dans les grandes familles nobles de la région mêlent éléments de contexte et sources archivistiques précises qui convainquent.

Harald Berger met, quant à lui, à contribution une historiographie récente et internationale sur le sujet, en utilisant notamment la base de données de référence du »Repertorium Academicum Germanicum«. Son propos, relativement court, se concentre sur des cas particuliers d’auteurs médiévaux importants ayant constitué le paysage intellectuel de la seconde moitié du XIVe siècle. S’ensuit alors une énumération de biographies très détaillées d’auteurs, pour la plupart contemporains de Marsile d’Inghen. Cette liste d’auteurs, tous déjà bien connus par l’historiographie, permet à Berger de présenter un certain nombre d’attributions de manuscrits qu’il rattache à ces auteurs du XIVe siècle (ex. p. 99). On retiendra ainsi le couronnement final de son chapitre (p. 108–111) où il présente une œuvre jusqu’à présent inconnue de Marsile d’Inghen, dont l’attribution au recteur de Heidelberg constitue l’un des apports majeurs de l’ensemble de l’ouvrage. Au sein d’une œuvre de Wilhelm Buser, maître de Marsile d’Inghen, Berger identifie ainsi des quaestiones suppositionum appartenant explicitement au maître ès arts, montrant la diversité de la diffusion des œuvres de l’universitaire.

L’ouvrage, malgré ses défauts, dresse un bilan des connaissances acquises par l’historiographie sur la figure majeure que constitue Marsile d’Inghen au XIVe siècle et propose quelques nouveautés provenant des recherches entreprises en histoire régionale et en histoire de la philosophie. Le parcours de vie du fondateur de la plus ancienne université d’Allemagne est mis en regard à de nombreuses reprises avec les parcours semblables par de nombreux aspects, d’autres figures majeures de l’époque, comme Hugo de Hervorst.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Pauline Spychala, Rezension von/compte rendu de: Heike Hawicks, Harald Berger (Hg.), Marsilius von Inghen und die Niederrheinlande. Zum 625. Todestag des Gründungsrektors der Heidelberger Universität, Heidelberg (Universitätsverlag Winter) 2022, 169 S. (Beiträge zur Geschichte der Kurpfalz und der Universität Heidelberg, 1), ISBN 978-3-8253-4897-7, EUR 32,00., in: Francia-Recensio 2023/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.3.99803