Le livre de Stephen H. Rigby ne constitue pas à proprement parler une étude approfondie sur l’histoire du port anglais de Boston: il s’agit plutôt d’une présentation analytique de l’évolution quantitative de son commerce à la fin du Moyen Âge, élaborée à partir de la série des comptes »enrôlés« de l’Échiquier (presque ininterrompue de 1279 à 1548), et qui a vocation à être commentée plus en détail dans une monographie à venir sur l’histoire de cette ville. Aussi l’ouvrage se compose-t-il pour l’essentiel de tables des importations et des exportations de Boston de la fin du XIIIe siècle au milieu du XVIe siècle, illustrées par des graphiques réalisés par Robert C. Nash. Les flux de marchandises y sont classés en fonction des trois principaux critères qui importaient à l’administration fiscale de l’Échiquier, à savoir le sens (importation ou exportation), la nature des produits (laine, peaux, draps, cire, vin et marchandises diverses pour lesquelles les marchands payaient une taxe ad valorem) et enfin la nationalité (anglaise ou étrangère) du propriétaire. Chacune de ces tables est introduite par un court texte de présentation qui livre des éléments d’interprétation et résume les fluctuations des tarifs douaniers en vigueur.
L’introduction, assez courte, apporte les informations essentielles à la compréhension de ces données. Elle rappelle, carte à l’appui (p. 12), le rôle et la situation du head port de Boston dans le réseau portuaire de la côte Est anglaise. Elle présente ensuite sa source principale et son rôle dans l’administration fiscale de l’Échiquier, en s’interrogeant notamment sur sa fiabilité. L’auteur observe, en accord avec l’historiographie, que si les comptes douaniers ne permettent pas, par définition, d’apprécier la quantité de biens qui échappent chaque année à la coutume – avec ou sans la complicité des officiers royaux –, le niveau d’imposition, assez faible jusqu’au milieu du XVIe siècle, a dû rendre dans l’ensemble la fraude peu profitable.
En tout état de cause, »dans le cas de Boston, les fluctuations […] indiquées par les comptes des coutumes sont si marquées qu’elles ne peuvent s’expliquer par des altérations marginales et de court terme de la fiabilité des officiers de la coutume, mais semblent exprimer de réels changements d’échelle et de composition dans le commerce de ce port sur le long terme« (p. 20). On aurait souhaité une description un peu plus détaillée de la structure et du fonctionnement de ces sources, bien que ce manque soit compensé par un appendice consacré à l’édition des comptes des collecteurs du tunnage et du poundage à Boston du 28 novembre 1387 au 28 novembre 1388, choisis pour l’image détaillée et représentative qu’ils donnent de l’activité de ce port à la fin du XIVe siècle (p. 106–125).
La tendance générale qui se dégage de ces tables est une baisse continue du commerce maritime de Boston tout au long de la période: deuxième port du royaume après Londres au début du XIVe siècle, il semble n’avoir plus qu’une importance régionale deux siècles plus tard. À titre d’exemple, les exportations de laine excèdent souvent 9 000 sacs par an à la fin du XIIIe siècle – ce qui équivaut selon les estimations de l’auteur à la production de 2 millions de moutons et à un tiers des exportations du royaume – mais ne s’élèvent plus au XVIe siècle qu’à quelques centaines de sacs par an, voire parfois aucun, comme en 1532–1533, 1542–1543, 1544–1545 ou encore 1547–1548. L’un des symptômes de ce déclin est la désaffection progressive du port par les marchands étrangers, et notamment par les hanséates qui semblent en avoir constitué le plus gros contingent, dans le courant du XVe siècle: cette tendance, rendue visible par la table des exportations de draps (p. 76), n’aurait pas été compensée par les activités commerciales des marchands anglais.
Pour ce qui est des causes du déclin, elles sont probablement multiples. La perte de vitesse des foires de Saint-Botwulf (qui s’ouvraient traditionnellement le 17 juin) à partir du XIVe siècle a pu y être pour quelque chose, car elles attiraient jusqu’alors de nombreux marchands étrangers qui venaient s’y fournir en laine auprès des producteurs anglais; mais l’auteur souligne aussi le rôle déterminant des choix politiques des rois d’Angleterre, qui profitèrent à d’autres ports comme Calais, où étaient établis les Merchants of the Staple, ou encore Southampton, d’où partaient les exportations de laine des marchands italiens (p. 26). D’autres éléments ont également pu jouer de manière ponctuelle ou structurelle: des épizooties aux difficultés liées à la guerre ou à la concurrence étrangère (p. 42).
Il reste cependant à définir la part respective de chacun de ces facteurs, dont la présentation très analytique qui est livrée ici ne fournit pas de compte rendu synthétique. On peut espérer que cette question trouvera sa réponse dans le livre annoncé dans l’avant-propos – que l’on attend donc avec impatience.
Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:
Tobias Boestad, Rezension von/compte rendu de: Stephen H. Rigby, Robert C. Nash, The Overseas Trade of Boston, 1279–1548, Köln (Böhlau) 2022, 135 p. (Quellen und Darstellungen zur Hansischen Geschichte, 79), ISBN 978-3-412-52659-7, EUR 32,00., in: Francia-Recensio 2023/3, Mittelalter – Moyen Âge (500–1500), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.3.99816