Alors que, pendant quelques années, la recherche dix-huitièmiste, en Allemagne, semblait avoir délaissé quelque peu la fin de l’Aufklärung au profit de son aube, les travaux de Jonathan Irvine Israel sur les Lumières radicales1 ont tout à la fois déplacé le début des Lumières, qu’il n’hésite pas à faire commencer avec Spinoza et invité à s’interroger sur le concept chatoyant et mouvant, et à ce titre, controversé, de »Lumières radicales«2. À l’horizon de ces débats, une attention nouvelle a été portée aux représentants radicaux de l’Aufklärung. C’est de ce dernier mouvement que relève le recueil publié par Dieter Hüning, Arne Klawitter et Gideon Stiening et consacré à Jakob Mauvillon (1743–1796)3, un personnage qui n’est inconnu ni pour ceux qui s’intéressent aux débats menés en Allemagne au lendemain de la Révolution, ni pour ceux qui se sont penchés sur les théories physiocratiques en Allemagne. Et la thèse que lui a consacrée Jochen Hoffmann sous le titre »Jakob Mauvillon. Ein Offizier und Schriftsteller im Zeitalter der bürgerlichen Emanzipationsbewegung« reste incontournable4.

Dans cet ouvrage de référence, J. Hoffmann avait évoqué les années que Mauvillon passa à Illfeld en tant qu’enseignant, années caractérisées par les tensions avec ses collègues et les autorités ainsi que par la frustration que suscitait une situation sociale quelque peu précaire5. En se fondant sur des documents récemment découverts, Kevin Hilliard (»Jakob Mauvillon in Illfeld (1766–1771)«, p. 13–53) donne une image beaucoup plus précise tant des conflits auxquels Mauvillon, en dépit de débuts prometteurs, a été confronté à la fin des années 1766 que de ceux qu’il a suscités, lors de cette période, par le choix de lectures jugées trop osées et son attitude irrévérencieuse envers la hiérarchie et la religion. Et K. Hilliard suppose que l’expérience de ces conflits a renforcé la propension à la libre pensée d’un Mauvillon qui, à cause d’un contexte familial particulier, avait déjà développé un rapport ambivalent au religieux6, et qui, conformément à un mécanisme bien connu depuis les travaux de R. Darnton7, se serait radicalisé à cause d’un sentiment de non-reconnaissance et l’impression de ne pouvoir disposer d’un rayon d’action correspondant à ses ambitions.

C’est précisément un tel rayon d’action que les échanges épistolaires permettaient au XVIIIe siècle. La correspondance de Mauvillon, éditée de manière posthume par son fils, fait l’objet d’une étude rédigée par Arne Klawitter (»Aufgegebene Projekte und verschollene Schriften. Mauvillons Briefwechsel als Dokument einer heuristischen Quellenphilologie«, p. 55–84). La dimension apologétique de cette édition a abouti à ce que l’éditeur, jadis, a procédé à maintes modifications et suppressions qui rendent difficile, parfois, d’en tirer pleinement parti. Si les échanges épistolaires rendent possible, en effet, de cerner mieux tant les relations qu’entretenait Mauvillon avec Ludwig August Unzer (1727–1799) ou Heinrich Friedrich Diez (1751–1817) que les projets qu’ils envisageaient de mettre sur pied, le caractère lacunaire de cette édition interdit souvent, cependant, d’aller au-delà de l’hypothèse à propos des projets évoqués par Mauvillon, ce qui explique la multiplication, dans l’étude d’A. Klawitter, de formes conjecturales (»möglicherweise«, p. 46; »vermutlich«, p. 77; »letzlich muss offen bleiben«, p. 79; »wahrscheinlich«, p. 81). Il est dommage, également, que l’auteur ait délibérément renoncé (p. 84) à se pencher sur les contributions publiées par Mauvillon dans certains des organes de presse les plus importants de l’Aufklärung, ce qui aurait sans doute permis de comprendre mieux le »rayon d’action« que Mauvillon aurait aimé avoir.

C’est sur un tel rayon d’action que se penche également Martin Mulsow (»Wie schreibt man die Geschichte der radikalen Aufklärung. Mauvillon im Kontext«, p. 85–103), lorsqu’il recourt à l’anglicisme »agency« en usage dans l’histoire sociale depuis les années 1990, auquel il adjoint celui de »résonnance«, emprunté à la sociologie afin de »cartographier« le monde des représentants des lumières radicales (»kartieren«, p. 90; »moralische Landkarte«, p. 98). M. Mulsow renonce largement à parler de Mauvillon lui-même, ne lui accordant que »quelques remarques« et ne l’abordant que »très brièvement« (»[n]ur wenige Bemerkungen«, p. 98; »ganz kurz behandeln«, p. 99) pour montrer comment, en se fondant sur les deux concepts évoqués ci-dessus, les représentants des Lumières radicales cherchent, par leur correspondance, d’une part, et les voyages, de l’autre, à créer, justement, une forme de résonnance – un constat qui n’est guère très innovant après les nombreux travaux sur la sociabilité des Lumières, et qui conduit à s’interroger sur l’écart entre le discours théorique élaboré ici (discours recourant à une langue parfois un peu précieuse) et les résultats présentés finalement. Le second article rédigé dans l’ouvrage par M. Mulsow convainc, lui, bien davantage en retraçant minutieusement, à travers le parcours de Mauvillon, les difficultés que rencontraient les partisans des Lumières dans leurs efforts pour propager ces dernières grâce aux différentes sociétés secrètes (loges franc-maçonnes, Rose-Croix, Illuminés de Bavière) fleurissant au XVIIIe siècle et entretenant des relations d’une concurrence aux pratiques douteuses dans le recrutement de nouveaux membres, la tentative de discréditer ou de dénoncer certains membres, etc. (»Mauvillon als Freimaurer in Kassel und als Gründer der Braunschweiger Illuminatenfiliale«, p. 325–362).

Également innovantes et convaincantes sont les contributions d’Udo Thiel et de Jutta Heinz. Le premier s’est penché sur les conceptions psychologiques de Mauvillon telles qu’elles apparaissent dans l’essai qu’il a consacré au »moi« (»Psychologische Analyse statt Metaphysik. Mauvillons Aufsatz ›Ueber das Ich‹ (1778)«, p. 108–127). U. Thiel contextualise très bien les théories de Mauvillon qu’il met en rapport avec les autres auteurs ayant travaillé, à l’époque, sur ce sujet – par exemple Johann Georg Heinrich Feder (1740–1821) ou Heinrich Friedrich Diez sur la question de la réflexion – ou encore, en plus de l’incontournable Locke, avec Johann Nikolas Tetens (1738–1807) et Dietrich Tiedemann (1748–1803) sur celle de l’identité. Il montre ainsi l’originalité d’un Mauvillon qui dépasse le lien établi entre le sentiment de l’identité et l’existence de l’âme sans toutefois adopter des positions entièrement matérialistes. Il eût été intéressant, dans cette perspective, d’étudier le rapport qu’entretenait Mauvillon aux sensualistes, voire aux matérialistes français, de même qu’on aurait pu souhaiter que soit approfondi le renvoi aux philosophes de l’Inde que Mauvillon connaissait de seconde main à travers les travaux de l’Abbé Raynal (p. 114).

Quant à Jutta Heinz, elle s’est consacrée à la question du rapport entre les sexes à partir de l’essai de Mauvillon »Mann und Weib nach ihren gegenseitigen Verhältnissen« de 1791 (»So mag mich ein tiefforschendes und zugleich aufrichtiges Weib zurecht weisen«, p. 130–148). À l’encontre d’une pratique, en usage trop souvent actuellement, consistant à rechercher dans le passé les sources du féminisme tel qu’on le connaît aujourd’hui8, J. Heinz contextualise les positions de Mauvillon en les mettant en relation avec celles de Rousseau, bien sûr, mais aussi d’Ernst Brandes (1758–1810). En effet, Mauvillon partage avec l’un et l’autre le postulat d’une différence fondamentale entre les sexes, mais aussi celui de leur complémentarité. Et s’il critique les préjugés dont les femmes sont les victimes et formule certaines positions radicales comme celle de l’égalité dans le mariage (p. 146), il reprend souvent un discours largement en vigueur au XVIIIe siècle. Bien plus en continuant à faire du mariage une institution, il fait montre d’une approche très traditionnelle. Finalement, il s’avère dans le domaine traité par J. Heinz être quasiment le contre-exemple de la radicalité des Lumières telle que la définit J. Israel (p. 147).

Michael Schwingenschlögl, dans une très longue contribution (»In meine eigen Form gegossen [p. 151–200]«), étudie le rôle de Mauvillon dans la propagation et le retravail des théories physiocratiques, revenant, en se fondant sur des études classiques9, sur les thèses formulées en France par les physiocrates avant d’examiner, à la suite de Hans Blumenberg10, la métaphysique d’obédience aristotélicienne sur laquelle elles reposent, pour constater, enfin, que cette dimension métaphysique est largement absente chez un Mauvillon pour la pensée duquel le sensualisme est déterminant. M. Schwingenschlögl met bien en lumière la façon dont Mauvillon, fût-ce au prix de certaines imprécisions, adapte la physiocratie aux réalités allemandes et formule un certain nombre de positions nouvelles, dont les conséquences, encore implicites, pourraient être importantes d’un point de vue politique, à propos, par exemple de la »luxuriance« (»Üppigkeit«), un concept fondamental chez lui et auquel est consacré, dans l’article, un très méticuleux commentaire. Ce dernier rappelle, comme d’autres points développés par M. Schwingenschlögl, les profondes analyses proposées déjà par Jochen Hoffmann11, et l’on ne peut que s’étonner qu’aucun renvoi ne soit fait à lui ici. Prendre en compte les résultats des recherches de J. Hoffmann aurait permis peut-être à l’auteur d’affiner, voire de relativiser certaines de ces conclusions (p. 198).

L’indéniable libéralisme de Mauvillon apparaît évidemment en économie – même si la question du système politique permettant de réaliser les réformes qu’il appelle de ses vœux n’est pas simple à résoudre, ainsi que le montre Till Künzel quand il discute, justement, les thèses de J. Hoffmann (»Aufklärung und politische Analyse« p. 201–218, ici p. 208). Cela tient aussi aux efforts déployés par Mauvillon pour transposer le système physiocratique tel qu’il avait été conçu en France dans les réalités allemandes, ce qui l’amène non seulement à formuler des positions originales – que l’on chercherait en vain dans la physiocratie française – comme celles concernant la nécessaire réforme des structures pédagogiques (p. 213), mais à s’interroger sur les possibilités d’utiliser le système politique existant pour engager des réformes économiques qui, à long terme, remettraient en question celui-ci, une démarche qui autorise à ranger Mauvillon parmi les représentants des Lumières radicales.

La section suivante de l’ouvrage porte sur les questions religieuses dans leur rapport avec la politique. Hans-Peter Nowitzki (»›Ich halte es für sehr gut, gegen die Religion zu schreiben‹ Mauvillons Briefwechsel mit Unzer, Diez, von Schmettau und von Knoblauch im Kontext der Radikalaufklärung der 1770er und 1780er Jahre«, p. 221–249) présente d’abord la biographie des correspondants de Mauvillon dans l’édition des lettres publiées en 1801 par son fils, s’intéressant particulièrement à Ludwig August Unzer (1748–1774) et Karl von Knoblauch zu Hatzbach (1756–1794), deux auteurs bien connus12 pour leur scepticisme. Et il revient sur la croisade que le premier et Mauvillon, en collaboration avec Woldemar Hermann v. Schmettau (1719–1785), avaient prévue pour lutter contre la religion et la théologie chrétiennes, dont le rôle, à l’époque des Lumières est notoire, ainsi que contre toute forme de superstition, lutte d’autant plus nécessaire qu’à partir des années 1770 et 1780, les mouvements hostiles aux Lumières regagnent en vigueur (voir p. 246). Il aurait été intéressant, à ce titre, d’étudier le rôle qu’ont pu exercer l’édit de Wöllner et la suprématie de l’orthodoxie luthérienne dans la radicalisation de ces auteurs, car l’on sait quelle importance ont eue l’une et l’autre dans l’évolution vers le protolibéralisme de certains organes de presse à l’époque.

La critique de l’orthodoxie luthérienne et du pouvoir du clergé est ainsi l’un des axes majeurs de l’interprétation du christianisme que livre Mauvillon dans la présentation »systématique« de la religion chrétienne dans »Das einzig wahre System der christlichen Religion«, texte dont Stefan Klingner met bien en lumière les tenants et les aboutissants (»Das Christentum als vernünftige Religion bei Jakob Mauvillon«, p. 251–268). S. Klingner, après avoir analysé soigneusement la structure de l’ouvrage, montre que Mauvillon double sa critique de l’orthodoxie d’une attaque contre la »Neologie«, cette tendance capitale de la théologie éclairée. À cette dernière il reproche de vouloir rationaliser et rendre compréhensibles les mystères de la religion, prétention inouïe pour le calviniste fidéiste qu’il est, d’une part, parce qu’une telle démarche finit par instrumentaliser le christianisme, et, de l’autre, parce qu’elle va de pair avec l’affirmation d’une universalité de ce dernier. Or, Mauvillon rejette une telle universalité, et fait découler de ce refus et du supranaturalisme la nécessité de la tolérance (cette dernière impliquant finalement une séparation des églises et de l’État. Par là, de même qu’au détour de l’analyse de la Révélation dans »Das einzig wahre System der christlichen Religion« que propose Sebastian Abel (»Das Problem der Offenbarung in Mauvillons ›System der christlichen Religion‹«, p. 269–283), il appert que, dans une perspective théologique, il est difficile de classer Mauvillon parmi les représentants des Lumières radicales.

Gideon Stiening va plus loin encore dans son examen des rapports entre la politique et le droit naturel, sur lequel Mauvillon – qui s’inscrit encore dans la tradition opérant une distinction entre thèses jusnaturalistes et doctrine de l’Etat (»Staatsklugheitslehre«) – fonde ses théories économiques (»Naturrecht und Politik bei Mauvillon«, pp. 286-310). G. Stiening, au terme d’une analyse précise des notions, fondamentales chez Mauvillon, de propriété et de liberté, du droit à la conservation, de bonheur et du droit à la résistance, met bien en lumière les failles que laisse apparaître la pensée d’un Mauvillon qui, finalement, serait loin de s’avérer être le représentant de Lumières radicales. Bien plus, dans la mesure où, d’une part, ses thèses aboutissent finalement à »rabaisser le droit au simple instrument d’un despotisme eudémonique et d’une société militarisée« (p. 309)13 et au regard de l’anticatholicisme ardent de l’auteur14, de l’autre, on est en droit de se demander s’il est un représentant même d’une pensée éclairée.

Et dans les écrits que Mauvillon a rédigés sur la science militaire, il ne semble pas davantage être radical, ce qui ne surprend guère au regard de leur dimension très technique (Ere Nokkala »Jakob Mauvillons kriegsgeschichtliche Schriften«, p. 311–323).

La dernière section du recueil se concentre sur les travaux littéraires de Mauvillon. En éclairant la réponse critique de Mauvillon à la »République des Lettres« de Friedrich Gottlieb Klopstock (1724–1803) – un aspect négligé jusque-là – ainsi que la position qu’il développe à l’horizon des vifs débats menés en Allemagne à l’époque à propos du patriotisme, Kevin Hilliard met bien en lumière l’appel à une liberté inconditionnelle de la presse et la mise en avant du rôle de l’opinion publique légitime de voir en Mauvillon un partisan des Lumières radicales (Kevin Hilliard »Jakob Mauvillons radikalaufklärerische Kritik an Klopstocks Deutscher Gelehrtenrepublik«, p. 423–454).

Arne Klawitter revient sur la condamnation qu’à l’horizon de son aspiration à une liberté d’expression sans entraves, Mauvillon formule à l’encontre tant des thèses de Klopstock dans lesquelles il voit »la boîte de Pandore de l’érudition« et du »cromwellisme littéraire« qu’elles impliquent (»Gegen jede ›Art von litterärschen Cromwellismus‹. Jakob Mauvillon als Literaturkritiker«; p. 385–422). La prise de parti de Mauvillon pour une forme radicale des Lumières permet, par ailleurs, de comprendre nombre des jugements littéraires qu’il porte sur les auteurs de son temps (comme la critique de l’éducation des princes par les romans, p. 399) dans le compte-rendu qu’il fait de leurs œuvres, en particulier dans la »Auserlesene Bibliothek der neuesten deutschen Literatur« (dont il est l’un des fondateurs en 1772). L’analyse minutieuse et fructueuse qu’en fait A. Klawitter permet de cerner précisément les rapports de Mauvillon au Sturm und Drang dont il aurait été l’un des précurseurs.

Hans-Jürgen Lüsebrink, enfin, se penche sur l’activité prolifique de traduction et d’édition d’œuvres littéraires et encyclopédiques à laquelle s’est adonné Mauvillon (»Mauvillon als Übersetzer literarischer und enzyklopädischer Werke. Selbstverständnis und kulturelle Dynamik«, p. 365–384). L’édition de ces dernières est caractérisée par la créativité dans le domaine lexical et l’ajout de concepts témoignant du savoir encyclopédique de Mauvillon. Pour ce qui est de la traduction de textes littéraires, l’édition en allemand de l’»Histoire des deux Indes« de l’Abbé Raynal montre bien que, pour Mauvillon, la tâche du traducteur ne se limite pas à la transposition d’une source dans une autre langue, mais qu’elle implique des commentaires et des notes critiques et scientifiques destinés à l’éclaire (et certainement aussi à rendre financièrement plus rentable le travail du traducteur, p. 373). De ces notes, H.-J. Lüsebrink propose une éclairante typologie avant de montrer, dans une analyse érudite – comme à l’accoutumée chez cet auteur – que la traduction, selon Mauvillon, participe d’un mouvement d’interdépendance et de concurrences de traditions scientifiques et culturelles spécifiques aux différentes nations (»Die Dynamik einer transnationalen Verflechtung und zugleich Konkurrenz zwischen national geprägten, differenten Literatur- und Wissenschaftskulturen«, p. 383).

Dans le même temps, la contribution de H.-J. Lüsebrink qui ne se réfère pas vraiment à la problématique générale du recueil, participe peut-être d’un problème récurrent de ce dernier. En effet, les résultats auxquels parviennent les différentes contributions peuvent, d’un côté, être perçus, en effet, comme l’indice qu’il n’existe pas un Idealmodell du représentant des Lumières radicales15, et que selon les domaines d’activités, un auteur peut tendre à une conception plus ou moins radicale. D’un autre côté, et dans la mesure où les éditeurs ne proposent pas une définition précise de ce qu’ils entendent par »Lumières radicales« – ce qu’on aurait attendu, dans la mesure où, dans l’introduction, ils regrettent l’absence d’une discussion systématique du concept de Lumières radicales portant sur un auteur précis16–, on a le sentiment, parfois, que les auteurs argumentent à l’horizon d’une compréhension différente de ce qu’elles signifient. Pour éminemment louable que soit leur ambition de jeter un regard nouveau sur le rapport qu’entretient Mauvillon aux Lumières radicales, ambition qui, sur un certain nombre de points, aboutit de fait à jeter une nouvelle lumière sur ce rapport, »Jakob Mauvillon (1743–1794) und die deutschsprachige Radikalaufklärung« laisse bien sentir que les débats revivifiés par les travaux de J. I. Israel sur les »Lumières radicales« sont, finalement, loin d’être clos.

1 Voir, entre autres, Lumières radicales: La philosophie, Spinoza et naissance de la modernité, 1650–1750, Paris 2001; Une révolution de l’esprit: les Lumières radicales et les origines intellectuelles de la démocratie moderne, Paris 2009.
2 Voir, par exemple, Frank Grunert (dir.), Concepts of (radical) Enlightenment. Jonathan Israel in Discussion, Halle 2014 (Kleine Schriften des IZEA, 5).
3 L’une des qualités du recueil est de proposer une bibliographie exhaustive des textes de Mauvillon (p. 465–490) et de la littérature critique qui lui a été consacrée (p. 490–494).
4 Jakob Mauvillon. Ein Offizier und Schriftsteller im Zeitalter der bürgerlichen Emanzipationsbewegung, Berlin 1981 (Historische Forschungen, 20).
5 Ibid., p. 34 et sqq.
6 Ibid., p. 29–32.
7 Voir: Bohème littéraire et Révolution: le monde des livres au XVIIIe siècle. Paris 1983.
8 La remarque des éditeurs selon laquelle la contribution de J. Heinz permettrait de clarifier si les Lumières étaient féministes ou le féminisme émancipateur (»ob die Aufklärung feministisch bzw. der Feminismus aufklärerisch«, p. 7), déroute un peu si l’on songe que l’autrice se défend de vouloir juger si les positions de Mauvillon sont »féministes (au sens étroit du terme) ou émancipatrices (au sens large du mot)« (elle refuse, en effet, »eine feministische [im engeren] Sinne oder emanzipatorische [im weiteren Sinne] Bewertung«, p. 130).
9 Voir, par exemple, Reiner Gömmel, Rainer Klump, Merkantilisten und Physiokraten in Frankreich, Darmstadt 1994; Birger P Priddat, Le concert universel. Die Physiokratie. Eine Transformationsphilosophie des 18. Jahrhunderts, Marburg 2001.
10 Nachahmung der Natur. Zur Vorgeschichte der Idee des schöpferischen Menschen: (Was bedeutet das alles?), Frankfurt a. M. 2001 (Ästhetische und metaphorologische Schriften).
11 Voir Jakob Mauvillon. Ein Offizier und Schriftsteller im Zeitalter der bürgerlichen Emanzipationsbewegung, op. cit., p. 171–193.
12 Voir, pour Knoblauch, les travaux, par exemple, d’Otto Finger (Otto Finger, Karl von Knoblauch – ein deutscher Atheist des 18. Jahrhunderts , dans: Deutsche Zeitschrift für Philosophie 4, (1958), p. 924–948); Jean Mondot (Jean Mondot, Carl von Knoblauch zu Hatzbach ou les audaces religieuses et politiques d’un esprit fort, dans: Roland Krebs [dir.], Recherches nouvelles sur l’Aufklärung, Reims 1987 [Actes du 18e congrès de l’association des germanistes de l’enseignement supérieur], p. 43–59).
13 »sie [Mauvillons Vorstellungen] [würdigen] das Recht zum Instrument einer eudämonischen Despotie und einer militärischen Gesellschaft herab […]«.
14 De nombreux partisans de l’Aufklärung percevant la Révolution française comme une étape nouvelle de la Réforme – on en trouve assez d’exemples dans le »Schleswigsches Journal« auquel a collaboré Mauvillon – ils combinent pensée progressiste et anticatholicisme virulent. Cela rend, à nos yeux, un peu problématique la position de G. Stiening.
15 Et ce, même si G. Stiening, par exemple, semble postuler un tel modèle.
16 Voir p. 1: »eine konzentrierte Auseinandersetzung mit dem von Jonathan Israel inaugurierten Konzept einer Radikalaufklärung am Beispiel eines ebenso produktiven wie zeitgenössisch bekannten Autoren ist bislang als Desiderat zu verzeichnen«.

Zitationsempfehlung/Pour citer cet article:

Christophe Losfeld, Rezension von/compte rendu de: Dieter Hüning, Arne Klawitter, Gideon Stiening (Hg.), Jakob Mauvillon (1743–1794) und die deutschsprachige Radikalaufklärung, Berlin, Boston (De Gruyter Oldenbourg) 2022, 508 S., 5 Abb. (Werkprofile, 20), ISBN 978-3-11-079361-1, EUR 129,95., in: Francia-Recensio 2023/3, Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815), DOI: https://doi.org/10.11588/frrec.2023.3.99903