RIHA Journal 0297 | 30 April 2023

Aristide Maillol aux États-Unis

De l’Albright Art Gallery à la National Gallery of Art, le chemin de la reconnaissance

Antoinette Le Normand-Romain

Abstract (French)
Aristide Maillol est le sculpteur français du xxe siècle le mieux représenté dans les collections américaines. En 1925–1926, une exposition organisée par A. Conger Goodyear fait circuler dans onze villes ses œuvres, qui rejoignent dès lors les musées : Albright Art Gallery, Museum of Modern Art, The Metropolitan Museum of Art… Le présent article retrace le fil de la réception de l’artiste outre-Atlantique et, à partir de l’étude des correspondances, met en lumière le rôle de grandes figures des musées, tels Alfred Barr, Andrew Carnduff Ritchie et John Rewald, notamment par le biais d’expositions, mais aussi des marchands, Joseph Brummer en particulier, qui ont contribué à développer la présence américaine du sculpteur. Ces sources révèlent des négociations parfois difficiles. Elles témoignent aussi du rôle actif, après la mort de Maillol, de Dina Vierny, son dernier modèle puis son ayant droit, qui, en s’appuyant sur des marchands, dont Paul Rosenberg, Klaus Perls et Otto Gerson, développe significativement sa présence dans les collections américaines.

Abstract (English)
Aristide Maillol is the 20th-century French sculptor best represented in American collections. In 1925–1926, his works were shown in museums in eleven cities as part of an exhibition organized by A. Conger Goodyear: Albright Art Gallery, Museum of Modern Art, The Metropolitan Museum of Art… This article traces the artist’s reception on the other side of the Atlantic and, based on a study of correspondence, highlights the role of major museum figures such as Alfred Barr, Andrew Carnduff Ritchie, and John Rewald, particularly through exhibitions, but also of dealers, especially Joseph Brummer, who helped to develop the sculptor’s American presence. These sources reveal the sometimes difficult negotiations. They also attest to the active role played by Dina Vierny, his last model and then his successor, after Maillol’s death. With the support of dealers, including Paul Rosenberg, Klaus Perls, and Otto Gerson, she significantly expanded his presence in American collections.

[1] « Je suis sûr qu’en Amérique où l’on aime le grand vous serez reçu à bras ouverts1 », écrivait Aristide Maillol (1861–1944) en mai 1940 au sculpteur autrichien Bernard Reder (1897–1963), qui venait d’exposer avec succès à Paris, à la galerie Wildenstein, et envisageait de partir aux États-Unis. « Vous pouvez vous recommander de moi chez tous les directeurs de Musée de Newyork [sic] et d’autres villes qui sont tous mes amis et tous les amateurs d’art qui m’ont acheté des sculptures dans ce pays2. » Comme en atteste le Répertoire de sculpture française3 dirigé par Laure de Margerie, et comme l’a bien montré Véronique Wiesinger4, Maillol a en effet été apprécié et collectionné relativement tôt aux États-Unis : il est le sculpteur français le mieux représenté dans les collections américaines pour le xxe siècle, immédiatement suivi par Charles Despiau (1874–1946). La préparation de l’exposition « Aristide Maillol (1861–1944). La quête de l’harmonie » au musée d’Orsay, à Paris5, en collaboration avec Ophélie Ferlier-Bouat, nous ayant conduite à explorer des fonds peu exploités jusqu’à présent, il nous a semblé qu’il valait la peine de mesurer plus précisément la réception qui attendait Maillol aux États-Unis à partir des années 1920. Il était alors un artiste reconnu en Europe, en France, bien sûr, depuis l’exposition de Méditerranée au Salon d’automne de 1905, mais aussi en Allemagne, grâce au très fort soutien du comte Harry Kessler à partir de 1904, en Belgique et même en Russie, où il bénéficia de la commande de quatre figures destinées à compléter L’Histoire de Psyché de Maurice Denis (1870–1943) pour le salon de musique de l’hôtel Morozov à Moscou (1909–1913).

[2] L’accueil que reçut Maillol aux États-Unis est dû à l’admiration que lui portèrent de fortes personnalités engagées dans le monde des musées et de l’histoire de l’art, comme A. Conger Goodyear, Alfred Barr, Andrew Carnduff Ritchie ou John Rewald, et des marchands, Joseph Brummer en particulier. Il y était cependant peu sensible. À cette date, il vendait en effet ses œuvres en France sans difficulté et son tempérament de « paysan étroit6 », ainsi que le définit le comte Kessler, avait pour effet une grande prudence vis-à-vis d’un marché éloigné comme le marché américain. Les correspondances conservées, échangées entre les acteurs de l’histoire que retrace cet article, montrent ainsi combien les négociations avec lui étaient difficiles. L’artiste disparu, c’est Dina Vierny (1919–2009), son dernier modèle, devenue son ayant droit après la mort sans descendance de son fils Lucien en1972, qui prit le relais et, avec l’aide de plusieurs galeristes, continua à développer sa présence aux États-Unis.

Premiers contacts, premiers achats

[3] À New York, le Metropolitan Museum of Art (Met) acquit le grand Torse de l’Action enchaînée dès 1929. Au même moment, Goodyear fit don au Museum of Modern Art (MoMA) d’une fonte du Torse de l’Île-de-France7 pour répondre à l’intention d’Alfred Barr, le directeur, de rassembler des œuvres des principaux artistes vivants, afin de faire découvrir au public new-yorkais ce qui se faisait en Europe et, inversement, au public étranger les réalisations américaines8 : l’œuvre est ainsi la première sculpture qui entra dans l’institution au moment de son inauguration9. Il s’agissait dans les deux cas de torses, forme à laquelle, conduit par une volonté de simplification poussée à l’extrême, Maillol donnait alors son autonomie10. Le Torse féminin dit « inachevé » (Fig. 1), exposé par Goodyear en 1925, leur succéda. Plusieurs exemplaires de chacune de ces œuvres entrèrent dans les collections américaines du vivant de l’artiste, ce qui peut laisser penser qu’elles correspondaient, mieux que les figures entières dont elles étaient issues, au goût contemporain.

1 Aristide Maillol, Torse féminin, avant 1925, plâtre peint, 87,63 × 42,54 × 27,94 cm. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, don de A. Conger Goodyear, 1929, 1929.40 (courtesy of the Albright-Knox Art Gallery, Buffalo)

[4] Huit œuvres de Maillol étaient présentes en 1913 à l’exposition dite Armory Show11, porte d’entrée du modernisme aux États-Unis : deux sculptures – un nu féminin et un grand relief en terre cuite, Femme accroupie, estampé sur le bois, qui avait été réalisé pour Gustave Fayet entre 1907 et 1911 – et six dessins, le tout envoyé par la galerie Druet, un important prêteur. Les œuvres semblent avoir été montrées aux trois étapes de l’exposition, New York, Chicago et Boston, mais, contrairementà celles de Joseph Bernard12, de cinq ans plus jeune que Maillol, elles soulevèrent si peu d’intérêt que, dans son article « Sculpture at the Exhibition », W. Murrell Fisher ne consacre qu’une ligne à Maillol. En outre, il se trompe sur la figure qu’il décrit comme un « nu masculin […] impressionnant par la seule interprétation du poids et de la masse de la figure13 », alors qu’au catalogue figure une « Femme debout, terre cuite14 » qui, une vue prise à l’étape de Chicago en apporte la preuve, était la Baigneuse aux bras relevés15 (Fig. 2).

2 Vue de l’Armory Show avec, à droite, la Baigneuse aux bras relevés d’Aristide Maillol et la Porteuse d’eau de Joseph Bernard, photographe inconnu, 1913 (photo : Art Institute of Chicago, Chicago / Wikimedia)

Éditée d’abord en terre cuite, celle-ci eut du succès auprès de collectionneurs allemands et suisses tels que Julius Stern16 et Arthur et Hedy Hahnloser, mais pas aux États-Unis. C’est pourtant une figure particulièrement intéressante par la simplification des volumes, à la limite d’une abstraction géométrique, dont la perfection la rend presque irritante. Un seul dessin trouva acquéreur, en la personne de Robert Hartshorne17 : il s’agit très certainement de la belle étude pour L’Action enchaînée (ou pour L’Île-de-France), au fusain, donnée par les Hartshorne au Met dès 192118.

[5] Sculpteur et grand admirateur d’Auguste Rodin, Lorado Taft (1860–1936) reproduisit quatre œuvres de Maillol dans Modern Tendencies in Sculpture19, la publication des « Scammon Lectures » données à l’Art Institutede Chicago. Mais il semble que les Américains ne découvrirent vraiment l’artiste qu’à partir du début des années 1920. Plutôt que le sculpteur lui-même, ils avaient pour interlocuteurs, en France, les galeries Vollard et Druet, la première étant propriétaire des droits de reproduction d’un certain nombre de statuettes20, la seconde, outre le prêt d’œuvres par exemple à l’Armory Show, mettant surtout des photographies à disposition pour publication. Maillol avait été échaudé par la mauvaise qualité des bronzes édités par Ambroise Vollard, réalisés par des fondeurs dont l’identité n’est pas toujours connue. Il ne semble pas avoir signé de contrat d’édition avec Eugène Druet, mais, dès avant 1914, celui-ci joua de plus en plus souvent le rôle d’intermédiaire vis-à-vis des amateurs. Si la première exposition personnelle de Maillol eut lieu chez Vollard en 1902, c’est chez Druet que furent montrées par exemple en 1910 Flore et Pomone, les deux premières des quatre figures commandées par Morozov, fondues par l’excellent Florentin Godard.

[6] Des photographies furent ainsi publiées, à de nombreuses reprises, dans The Dial21 et dans The Arts22. Dans International Studio parut en octobre 1923 un long article intitulé « Maillol, Giant of the Sculpture » dû à Sheldon Cheney23. L’auteur en reprit les principaux éléments dans A Primer of Modern Art, qui fit l’objet de nombreuses éditions à partir de 192424. Grâce à Marius de Zayas (1880–1961), peintre d’origine mexicaine, caricaturiste, marchand à ses heures et proche des milieux d’avant-garde, des dessins et des sculptures furent présentés en 1924 et en 1925 au Whitney Studio Club. Créé en 1914 à New York par la richissime Gertrude Vanderbilt Whitney (1875–1942), elle-même sculptrice, et dirigé par Juliana R. Force, celui-ci avait principalement pour but de faire connaître la nouvelle génération d’artistes américains25. Lors de la première exposition, Laurie Eglington, l’éditrice de Art News, s’empressa de faire savoir à Maillol :

Monsieur de Zayas […] a tenu une exposition chez les galleries [sic] de Mme Whitney. Ce n’était pas mal du tout. Il y avait là deux grandes choses que Mme Whitney vous avait acheté[es] ; une douzaine de terres cuites et de bronzes et surtout des dessins. Seulement j’aurais voulu y voir une pièce d’une vraie importance, comme la Pomone ou La Nuit. On vous aura envoyé les numéros des revues nombreuses, qui consacrent des articles à vous, le Dial, le International Studio, The Arts, Vanity Fair, etc. Moi, je n’ai pas écrit encore. Je ne veux pas écrire n’importe quoi. Ça viendra. / La petite [sic] torse que vous m’avez donnée a été beaucoup appréciée de tout le monde. Je l’ai fait monter et je l’ai exposée pendant un mois. Tout le monde a voulu l’acheter mais je ne suis pas encore si pauvre que ça26.

[7] The Dial reproduisit en février 1923 deux torses qui correspondent probablement aux « deux grandes choses » acquises par Whitney, le Torse de l’Île-de-France, en bronze27, et le torse féminin dit Jeunesse, en marbre, aujourd’hui au musée d’Orsay28, puis, en avril 1924, trois petits bronzes « récemment importés29 » (Léda, Baigneuse se coiffant [petit modèle] et Nu fémininassis sur ses talons). À l’exception du Torse de l’Île-de-France, les œuvres étaient destinées à la vente et c’est là sans doute que Scofield Thayer, fondateur et éditeur de The Dial, acquit en 1924 une Femme au crabe en bronze. Il la légua au Met en 1982 avec le petit Nu féminin en terre cuite blanche (matériau de prédilection de l’artiste, souvent confondu avec du plâtre) qui avait appartenu à Hugo von Hofmannsthal.

[8] Au même moment, deux petits bronzes, Femme accroupie (Fig. 3) et Femme debout, entraient au Detroit Institute of Art30.Le Whitney Studio Club avait en projet une exposition plus importante mais, en octobre 1924, Juliana R. Force fit savoir à l’Albright Art Gallery à Buffalo (qui prit en 1962 le nom d’Albright-Knox Art Gallery) la décision « de repousser le projet à l’hiver prochain [1925] afin de pouvoir disposer de plus de choses qu’il ne serait possible d’en avoir cette année31 ». Le projet, qui prévoyait un itinéraire de dix villes, ne se réalisa pas, mais c’est là, sans doute, qu’il faut chercher l’origine de l’exposition itinérante organisée par Goodyear en 1925–1926. Pour l’étape new-yorkaise, celui-ci donna toutefois la préférence à Brummer qui tenait à cet « honneur », convaincu que sa galerie, très bien située, dans la 57e Rue, était la meilleure pour exposer la sculpture à New York32.

3 Aristide Maillol, Femme accroupie, vers 1896–1900, bronze, 21 × 8,4 × 10,2 cm. Detroit Institute of Arts, Detroit, acquis en 1924, 24.73 (courtesy Detroit Institute of Arts)

A. Conger Goodyear et l’exposition de 1925

[9] A. Conger Goodyear (1877–1964), qui avait pris la suite de son père à la tête des affaires familiales (qui s’étendaient entre autres à l’industrie du bois, au chemin de fer et au cinéma) à Buffalo, s’intéressait vivement à l’art depuis sa visite de l’Armory Show en 1913. Membre du comité d’acquisition de l’Albright Art Gallery33, il prêta une attention particulière à la collection de sculptures qui, jusque-là, consistait surtout en moulages d’après l’antique et s’enrichit alors d’œuvres importantes (L’Âge d’airain d’Auguste Rodin en 1925 et son Ève en 1926 ; la grande Vierge à l’offrande d’Antoine Bourdelle en 1926 ; Senegalese Woman de Jacob Epstein et Mlle Pogany II de Constantin Brâncuși en 1927). Son idée était de profiter des expositions pour développer la politique d’acquisition : se succédèrent ainsi des manifestations consacrées à Ivan Meštrović (1883–1962) et à Maillol en 1925, à Bourdelle (1861–1929) en 1926, puis l’« International Exhibition of Modern Art », organisée en 1927 par Katherine Dreier et Marcel Duchamp pour la Société anonyme et présentée d’abord à Brooklyn.

[10] Goodyear avait pour complice Anna Glenny Dunbar (1888–1980), elle-même sculptrice, qui était brièvement passée par l’atelier de Bourdelle et fut nommée conservatrice honoraire des sculptures de l’Albright Art Gallery en 1925. Goodyear et Dunbar voulurent consacrer leur première exposition à Bourdelle34. Ils se rendirent donc en France, au début de l’année 1925, pour le rencontrer. Toutefois, pendant leur séjour, Marius de Zayas et le sculpteur Cecil Howard (1888–1956) – qui s’était installé à Paris en 1905 et admirait Maillol, à qui il rendait souvent visite – les entraînèrent chez le sculpteur à Marly-le-Roi. Goodyear a laissé un récit très vivant de cette visite : Maillol était seul dans son atelier, au contraire de Bourdelle, qu’ils avaient trouvé, quelques jours plus tôt, entouré de nombreux élèves et assistants35. Il travaillait à la ciselure d’un exemplaire en bronze du Torse de l’Île-de-France36.

Le torse était magnifique, serein et fier. Maillol n’avait pas aimé la patine du fondeur et la reprenait au ciseau pour obtenir une merveilleuse surface dorée. Je demandais s’il était à vendre. Il l’était. Je l’achetai. Quand le Museum of Modern Art ouvrit quatre ans plus tard, j’en fis don, comme première œuvre de la collection permanente. Il est aujourd’hui au Metropolitan Museum. / Lorsque nous commençâmes à parler d’une exposition de ses œuvres en Amérique, Maillol ne se montra pas intéressé et nous allâmes vers la maison pour regarder ses dessins. J’en achetai peut-être vingt pour la somme ridicule de quinze dollars pièce. J’essayai d’obtenir cinq ou six des délicieuses statuettes façon Tanagra que le Maître cuit lui-même. Il accepta finalement de m’en céder deux, quoique l’idée lui déplût visiblement37.

[11] Mais ce n’était pas suffisant pour l’exposition. Dunbar sauva le projet en proposant de faire remettre en état les moules qui étaient abîmés afin que l’on pût tirer des épreuves en plâtre.

Ce fut aussi simple que cela [poursuit Goodyear], pas de contrat mais notre seule parole. Maillol était ainsi, un homme très simple ne se souciant pas de grand-chose en dehors de son atelier. […] Rudier tira cinq grands plâtres et cinq petits pour lesquels je payai moins de 400 000 dollars. S’y ajoutèrent le grand torse de bronze et les deux terres cuites [Jeune fille allongée ou Étude pour le monument à Cézanne38 et Torse de femme39], quelques-uns des dessins que j’avais achetés et quatre ou cinq bronzes acquis auprès de de Zayas40.

Une fois déballés à Buffalo, les plâtres surprirent par leur blancheur.

La sculpture apparaît sous un jour défavorable quand elle est en plâtre et quand le plâtre est neuf, l’effet est catastrophique. Anna eut encore une idée brillante. Pourquoi ne pas les colorer ? Certains le furent en vert, d’autres en noir ou en jaune, ou encore en bleu. Nous n’avions évidemment pas le droit de faire cela ; Maillol pourrait être furieux. Mais il fallait faire quelque chose et avant qu’il soit mis au courant de notre vandalisme, nous espérions que le circuit des expositions serait achevé41.

[12] Le 2 juin 1925, Goodyear confirma à Maillol les termes de leur accord, en lui envoyant un acompte de 10 000 francs pour le Torse de l’Île-de-France en bronze42. « Permettez-moi de vous dire que je me trouve particulièrement favorisé d’avoir la possibilité de faire figurer dans cette galerie à laquelle je m’intéresse tout particulièrement, une œuvre qui est un véritable chef-d’œuvre43. » Mais Maillol refusait de travailler dans la hâte, comme en témoignent les courriers conservés à Buffalo, échangés entre lui-même, Goodyear et son agent à Paris, Guillaume Lerolle44. « Quoique je le connaisse depuis longtemps et qu’il soit un grand ami de mon père [le peintre Henri Lerolle], Maillol n’est pas facile à manier », note Lerolle le 15 septembre 192545. Dunbar lui fait écho dans le catalogue de 1925 : « Pour lui, une vente n’est jamais un but mais une concession46. » Goodyear dut donc se contenter de figures, presque toutes partielles, et en plâtre, ce qui donnait une impression d’inachevé. Le 8 octobre, la liste fut encore remise en question47, mais les expositions « Sculptures and Drawings by Aristide Maillol » et « The Bourdelle Exhibition of Sculpture » ouvrirent toutes deux en novembre 1925, la première à Buffalo (15 novembre – 14 décembre), la seconde à New York (7–23 novembre), où « Maillol » lui succéda de peu, ce que souligna la critique48. L’exposition consacrée à Bourdelle, la plus importante des deux, avec 53 œuvres, fut ensuite présentée à Pittsburgh, Saint-Louis, Chicago et Buffalo ; celle sur Maillol (38 numéros dont 18 sculptures) fut montrée dans dix autres villes américaines (Fig. 4), ainsi qu’à Toronto, circulant jusqu’en 192749.

4 Exposition « Maillol », Worcester, Worcester Art Museum, 13–27 mars 1927. De gauche à droite : le Torse de l’Île-de-France (bronze), le Torse du Printemps, Le Désir, L’Été sans bras et le Torse « inachevé » (plâtres patinés). Fondation Dina-Vierny – musée Maillol, Paris (courtesy fondation Dina-Vierny – musée Maillol)

Le catalogue comprenait un texte du peintre britannique Augustus John, qui s’y était engagé en ces termes : « Cher Conger, […] je vais écrire une courte préface pour l’exposition Maillol. Vous avez raison, il est probablement la figure la plus importante de la sculpture contemporaine et cela fait longtemps que je l’admire. Vous avez bien travaillé en montant cette exposition avec lui aux États-Unis50. » Venait ensuite un texte de Dunbar qui fut également publié dans Arts Journal (novembre 1925) sous le titre « Aristide Maillol and His Art ». Dans les deux cas, le Torse de l’Île-de-France, dont The Dial souligna qu’il avait été « travaillé par l’artiste de façon à faire vibrer chaque centimètre de la surface51 », figurait en tête des illustrations, au nombre d’une douzaine dans le catalogue.

[13] L’exposition était sans doute un peu différente d’une ville à l’autre. Ainsi, à Denver (où une œuvre fut brisée52), elle avait été complétée par des dessins et neuf petits bronzes fournis par la galerie Weyhe53. Elle remporta un vif succès dont témoigne l’Album Goodyear : s’ouvrant sur deux photographies de Maillol sans doute prises au moment de la visite de Goodyear, celui-ci rassemble des courriers liés àl’organisation et à la circulation de l’exposition ainsi que des articles de presse54 (Fig. 5 et 6).

Album Goodyear. Page de gauche (p. 2) : deux portraits anonymes de Maillol, tenant à gauche deux petites sculptures dont une Étude pour le Monument à Cézanne, en plâtre (cat. 3), et posant à droite devant le modèle de La Douleur destinée au Monument aux Morts de Céret, vers 1925 ? Page de droite (p. 3) : lettre d’Aristide Maillol à A. Conger Goodyear, 2 juin 1925. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (courtesy Albright-Knox Art Gallery, Buffalo)

6 « Some Recent Sculpture by Aristide Maillol », in : Vanity Fair [1925], 64, coupure de presse issue de l’Album Goodyear, p. 23. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (courtesy Albright-Knox Art Gallery, Buffalo)

[14] L’exposition ne coûta rien à Goodyear, car il se remboursait des dépenses engagées grâce aux commissions touchées sur les œuvres vendues, et il n’y eut pas de retour à financer : faisant fi de la volonté de l’artiste55, Goodyear considérait les œuvres comme siennes. À New York, elles furent d’ailleurs présentées en tant que telles : Henry McBride consacra ainsi quelques lignes enthousiastes à la « superbe collection de sculptures de Maillol appartenant à M. A. C. Goodyear, de Buffalo56 » tandis qu’Art News titra « Anson C. Goodyear Shows His Superb Collection of Maillols in New York: Fine Collection Shown at Brummer Gallery is Private Property of Buffalo Collector and Not for Sale57 ». La plupart des œuvres rejoignirent l’Albright Art Gallery ou le MoMA, les trois plâtres du Désir, de L’Été et du Torse du Printemps étant donnés à cette dernière institution au nom de Maillol58, ce qui correspondait à la vérité, même si l’artiste avait été mis devant le fait accompli. Ils provenaient, était-il précisé, des moules réparés par celui-ci en 1925, ce qui a pu donner à croire qu’il s’agissait des plâtres originaux alors qu’il s’agissait en réalité d’épreuves récentes.

[15] Ces plâtres ont conservé les patines colorées appliquées à leur arrivée aux États-Unis, bleu-vert pour Le Printemps et L’Été, ocre pour Le Désir, imitant le bronze pour le Torse « inachevé » et la figure drapée ou encore la Tête de femme donnée par Maurice Wertheim au Fogg Art Museum, à Cambridge, en 195159. Tels quels, ils plurent au public : « Beaucoup jugent très plaisante la forte coloration des sculptures de Maillol60 », confirme George W. Eggers, directeur du Worcester Art Museum, dans l’article « Color in Sculpture », qu’il publia à cette occasion dans le bulletin du musée.

[16] Ayant pour but de faire connaître Maillol, Goodyear proposait de servir d’intermédiaire entre l’artiste et les musées ou collectionneurs qui souhaitaient acquérir ses œuvres. En janvier 1926, il avait commandé à Maillol des petites terres cuites en plusieurs exemplaires61, ce que fit également Brummer, dont la galerie devait accueillir la deuxième étape de l’exposition62. Elles avaient en effet du succès : « le public américain », constata Judith Cladel, « va enrichir Maillol en s’éprenant de ce que M. Augustus John, préfacier du catalogue, nomme justement “la sereine et statique beauté de son œuvre”63. » La difficulté était de renouveler le stock, car Maillol traversait alors une phase pendant laquelle il se sentait incapable de produire. En janvier 1926, Lerolle se rendit donc à Banyuls où l’artiste passait l’hiver pour essayer d’obtenir quelques œuvres, sans grand succès, mais son rapide voyage – une journée entre deux nuits de train – nous vaut la description haute en couleurs d’un Maillol s’y entendant fort bien à donner le change. Il n’avait pas pu, dit-il, refuser de faire le buste d’un ami – George-Daniel de Monfreid64 – qui lui avait autrefois prêté de l’argent. Mais le buste « l’avait fait suer et besogner » [sweat and labour] pendant plus de trois semaines, le laissant épuisé au point qu’il ne pourrait certainement pas se remettre au travail avant au moins un an. « Il ne fait rien d’autre », poursuit Lerolle, « que de se quereller avec la femme qu’il a été assez stupide pour épouser quand il était tout jeune65 » et lorsqu’il lui demanda à quelle date les terres cuites commandées seraient livrées, Maillol répondit que les épreuves ne pourraient être réalisées qu’à Marly où il retournerait en mai, et à la condition qu’il ne soit pas malade ou fatigué et qu’il puisse trouver un mouleur. Il les enverrait au mieux en septembre ou octobre : « Pourquoi de l’argent ? Je ne sais pas à quoi cela sert et je n’en ai pas besoin66. » Il montra à Lerolle un placard où se trouvaient quinze ou vingt chèques : « J’oublie de les envoyer à la banque. Quand je sens que je ne peux pas travailler, j’aurais beau m’y efforcer, cela ne donnerait rien de bon et même si c’était bon, cela ne sert à rien d’essayer car quand je sens que je ne peux pas travailler, je ne peux pas67. » Quelques mois plus tard, Kessler, de retour de Marly-le-Roi, le confirme : « J’ai trouvé Maillol de mauvaise humeur. Il dit qu’il n’a plus fait aucune sculpture depuis six mois, qu’il est comme handicapé. Il ne sait pas ce qu’il a68. » Maillol accusait en effet le buste de Monfreid de l’avoir « tué69 ».

[17] Dès son retour à Paris, Lerolle se tourna vers Druet, le principal marchand de Maillol.

Ils ont en ce moment cinq terres cuites et un torse en bronze, une jeune femme avec tête mais sans bras [Jeunesse ?]. J’ai demandé les prix. Les terres cuites, qui ne sont pas aussi bonnes à mon avis que la “femme drapée70 ”, valent entre 8 000 et 10 000 francs et le torse 80 000. Le directeur de la galerie m’a dit qu’il avait essayé d’obtenir de Maillol qu’il lui vende quelque chose, n’importe quoi mais Maillol ne travaille pas et pourtant tout le monde s’efforce de le convaincre71.

Le lendemain, Lerolle poursuit, toujours à l’intention de Goodyear :

Il est si sûr de vendre tout ce que Maillol lui donne qu’il a refusé de me laisser une option de quinze jours sur les terres cuites dont je lui ai demandé des photographies pour avoir votre avis. Druet fait un profit important sur la vente de ces terres cuites. Il a fait le succès de Maillol et Maillol lui est très reconnaissant et pourtant il ne peut obtenir davantage72.

En novembre 1926, Howard conseilla d’ailleurs à Goodyear de reprendre des chèques qu’il avait donnés à Maillol « il y a longtemps, montant à six mille francs, et de les utiliser à l’achat de terres cuites ou autres petites œuvres car il n’y a rien d’autre à espérer actuellement (ainsi que nous l’avons constaté)73 ».

[18] En ce qui concernait les œuvres de plus grandes dimensions, Goodyear proposait à l’achat le Torse féminin « inachevé » et Le Désir. Mais Le Printemps et L’Été, même incomplets, avaient bien davantage de succès. Ainsi le Denver Art Museum espérait-il convaincre le Denver Club, créé pourdévelopper la collection de peintures, d’acquérir L’Été74. À Rochester, c’est Le Printemps qui retint l’attention de la directrice de la Memorial Art Gallery, quoiqu’il ne figurât pas dans la liste des œuvres disponibles : « Y aurait-il une possibilité ? Seriez-vous disposé à nous aider ? Nous serions prêts à accepter un plâtre s’il n’y a pas moyen de l’avoir dans une autre matière75 », s’enquit-elle le 12 avril 1927. De même, à Worcester, Eggers n’était pas certain d’identifier le torse « inachevé » que lui proposait Goodyear, alors qu’il souhaitait profiter de la présence des œuvres pour y intéresser les trustees76. Par ailleurs, avec Maillol, ce n’était jamais simple. Comme celle de Lerolle quelques mois plus tôt, une longue lettre de Howard, du 18 septembre 1926, est très instructive sur ce plan. Goodyear attendait des fontes du Printemps et de L’Été – celle-ci peut-être pour Denver – mais Maillol prétendait n’avoir pas compris qu’il s’agissait de commandes fermes :

Il dit que si vous voulez L’Été en bronze, il vous le fournira à la date convenue, mais sans bras, car il n’est pas satisfait des bras originaux et ne peut pour l’instant en faire de nouveaux du fait qu’il consacre toute son énergie à la nouvelle figure debout que vous avez vue inachevée [Vénus] et qui, entre nous, devient de plus en plus belle. Pour Le Printemps, il est désolé mais c’est trop tard car il a promis le dernier exemplaire disponible à un autre client. Rien à faire sur ce point77.

Quant au Torse « inachevé », il n’avait pas le temps de le reprendre comme il l’avait espéré, mais si Goodyear s’en contentait tel quel, il le donnerait à fondre. Prudemment, Howard s’abstint de demander combien de temps cela prendrait :

Je sais qu’il n’aime pas ce genre de questions et qu’il les écarte d’un revers de main comme on fait avec des pensées désagréables. C’est difficile à comprendre mais il faut se souvenir que si M. Maillol avait une notion du temps plus précise, il ne pourrait pas travailler à certaines œuvres pendant dix ou quinze ans, en y revenant chaque fois avec la même fraîcheur que si c’était une œuvre nouvelle. C’est à cette forme de folie que le monde doit les chefs-d’œuvre inestimables qu’il produit parfois78.

[19] Un mois plus tard, Howard reconnut que la situation n’avait pas changé. « Pour ce qui est de la Vénus à laquelle il travaille toujours, il n’est pas opposé à l’idée de vous céder le premier exemplairemais il ne veut rien promettre79. » Le Désir demeurait disponible, mais Maillol ne pouvait maintenir le prix qu’il avait fait d’abord à Lerolle. Sans revenir sur les engagements pris (85 000 francs pour le torse et L’Été), il demandait désormais la même somme pour une fonte en plomb du seul relief dont, précisait Howard, deux exemplaires étaient encore disponibles mais pouvaient être vendus à tout moment ; aussi « plus vite ils seront commandés, plus vous aurez de chance de les obtenir80 ». Il ajoutait qu’il était possible aussi d’obtenir un autre exemplaire du torse si la décision était prise rapidement. Maillol y avait retravaillé après la première fonte, de sorte qu’il n’était plus « inachevé81 ». Goodyear se laissa convaincre et l’œuvre peut sans doute être identifiée à celle qui se trouve aujourd’hui à la National Gallery of Art, à Washington.

[20] Goodyear vendit sa collection personnelle en janvier 1964, quelques semaines avant sa mort, pour créer un fonds destiné à soutenir les acquisitions de l’Albright-Knox Art Gallery. Il avait fait don à celle-ci dès 1929 du torse « inachevé », en plâtre, qui avait figuré à l’exposition de 1925 (no VI) et il la fit encore bénéficier du legs de plusieurs sculptures : une petite terre cuite, Rêverie, provenant de la collection Zoubaloff82, un torse en plâtre, Jeunesse, et quatre autres plâtres qui avaient été exposés en 1925, le fragment du Monument à Cézanne (no III), les deux Figures drapées (nos VII et VIII) et le Nu (no IX). Entre-temps, toutes les œuvres qui étaient passées entre les mains de Goodyear, qu’elles lui appartinssent encore ou qu’elles eussent été données à des musées, figurèrent à l’exposition « Aristide Maillol, 1861–1944 » organisée par Andrew C. Ritchie à Buffalo en 1945. Lorsque l’institution rendit hommage à celui-ci en 1996, les Buffalo News n’hésitèrent pas à le qualifier de « supporter de la sculpture moderne » et à souligner son audace83.

New York (1929–1960) : les galeries Weyhe et Brummer, le cercle du MoMA

[21] L’exposition itinérante organisée par Goodyear en 1925–1927, « pas importante en nombre mais haute en qualité, si l’on prend en compte la production limitée du sculpteur et la difficulté qu’il y a à obtenir des exemples de son travail84 », fit connaître Maillol aux États-Unis. Des articles publiés notamment dans The Arts familiarisèrent le public avec son travail, tandis que, dès son ouverture, le MoMA présenta régulièrement ses œuvres et que les galeries Weyhe et Brummer montraient sculptures et dessins.

[22] Erhard Weyhe (1883–1972), surtout connu comme marchand de livres anciens et d’estampes, avait ouvert à New York en 1919 une galerie qui exposait régulièrement des œuvres de Maillol sur papier et de petites sculptures85. Les livres de comptes de la galerie Vollard à Paris86 montrent qu’il acquit auprès d’elle plus de 80 bronzes de Maillol entre 1924 et 1928 : c’était sans doute la seule façon de s’en procurer pour les importer à New York, étant donné les réticences de l’artiste. Le principal représentant de Maillol était cependant Joseph Brummer (1883–1947), qui avait renoncé à une carrière artistique (commencée dans l’atelier de Rodin) pour ouvrir une première galerie à Paris, puis une seconde à New York en 1914. Celle-ci joua un rôle très important dans les milieux de l’art contemporain, mais on y trouvait aussi des œuvres antiques, médiévales et orientales ; la plupart des grands musées américains comptèrent parmi ses clients.

[23] Brummer avait accueilli dans sa galerie new-yorkaise en janvier 1926 l’exposition organisée par Goodyear. Du 3 janvier au 28 février 1933, il présenta de nouveau « Sculptures by Maillol », avec des plâtres dont il était possible de commander des fontes (Fig. 7).

7 L’Exposition « Maillol » à la galerie Brummer à New York, 3 janvier – 28 février 1933, épreuve argentique, 18,3 × 23,9 cm, photographe : Soichi Sunami. Fondation Dina-Vierny – musée Maillol, Paris (courtesy fondation Dina-Vierny – musée Maillol)

Un précieux cahier, dont il existe un exemplaire dans les archives Brummer et un autre à la fondation Dina-Vierny – musée Maillol, contient des photographies de ces plâtres avec des indications de dimensions et de prix (Fig. 8).

8 Fiche de la Baigneuse se coiffant, proposée à la galerie Brummer en 1933, in : Cahier beige, p. 5. Fondation Dina-Vierny – musée Maillol, Paris (courtesy fondation Dina-Vierny – musée Maillol)

Une des dernières pages précise les conditions dans lesquelles était montée l’exposition – « Monsieur Brummer prend à sa charge tous les frais […]. Monsieur Maillol prend à sa charge, au départ seulement, la remise en état des pièces défectueuses87 » –, complétées par la mention manuscrite suivie de la signature des deux hommes : « Monsieur Maillol s’engage à ne vendre en Amérique aucune pièce exposée avant la date six mois après l’exposition – aucun plâtre ne sera vendu à des particuliers88. »

La question des plâtres avait été débattue, Brummer voulant obtenir des « plâtres originaux […] avec le privilège de Maillol de les vendre89 ». La première œuvre mentionnée est Méditerranée, mais elle est indiquée comme « pas à vendre » ; vient ensuite la grande version de la Baigneuse se coiffant, exécutée directement en plâtre par l’artiste en 193090, dont Brummer proposait le bronze numéro 1,alors que, pour L’Île-de-France, par exemple, c’était déjà le numéro 3. Maillol s’inquiétait pour les plâtres, ayant appris « par voie indirecte qu’il [Brummer] aurait vendu celui du bas-relief [des] jeunes filles portant des couronnes et qu’il aurait aussi vendu des petits modèles plâtre pour lesquels, vous le savez, je ne vous ai pas donné de prix et ce sont les seuls qui me restent pour en faire des bronzes chez Rudier – ils ne doivent donc pas être vendus en plâtre mais en bronze91 ». L’exposition avait été « très, très difficile » à organiser, en raison de l’état des plâtres dont tous les témoignages concordent pour dire que Maillol, qui n’avait pas bénéficié de formation de sculpteur, les montait au petit bonheur la chance. Ernest Brummer s’en plaignit à son frère :

La plupart des sculptures que tu as vues dans son atelier étaient tellement fragiles qu’il fut impossible de les transporter ; presque toutes étaient sans rien à l’intérieur et minces comme une feuille de papier. II a fallu les renfoncer [sic] et dans certains cas couler d’autres épreuves ; et en plus Maillol a exigé absolument qu’un moulage de chaque pièce reste à Paris « c’est le travail de toute ma vie et si le bateau coule il ne me restera rien ». – J’ai été obligé de l’accepter, tout ceci a demandé beaucoup de travail et de temps et aussi de dépenses92.

[24] « Exposition grand succès. Plus de vingt mille personnes l’ont vue. Avons vendu quelques pièces mais plus grande vente pas terminée93 », télégraphia Joseph Brummer à Maillol le 18 février 1933. L’exposition montrait un Maillol peu vu jusqu’alors, car y figuraient notamment des fragments plus ou moins accidentels (le fragment de face d’Ève, par exemple, ou le torse de Méditerranée) et des plâtres ayant gardé toutes les traces de moulage (Baigneuse d’après le bois appartenant à Kessler). La préface du catalogue était due à Goodyear, à qui Brummer avait demandé de l’écrire parce qu’il connaissait l’artiste « mieux que qui ce soit d’autre dans ce pays94 ». Celui-ci avait dû démissionner de ses fonctionsà Buffalo en 1928, à la suite du scandale que causa l’acquisition de La Toilette de Pablo Picasso, mais il continuait à défendre Maillol : à cette date, il était installé à New York et s’était engagé dans le projet du Museum of Modern Art, dont il fut le premier président95.

[25] À côté des dons que lui-même consentit et qui furent largement répercutés dans la presse, Goodyear sut convaincre le cercle de collectionneurs proches de l’institution (dont ils étaient d’ailleurs les fondateurs pour la plupart) de s’intéresser à l’artiste : Abby Aldrich Rockefeller, la vice-présidente du Board ; Frank Crowninshield, le secrétaire, éditeur de Vanity Fair (devenu grâce à lui une prestigieuse revue littéraire) et admirateur inconditionnel de Charles Despiau, dont il voulut posséder un exemplaire de chaque œuvre ; les trustees Stephen Carlton Clark et Samuel A. Lewisohn, ou encore John A. Dunbar, Mrs Simon Guggenheim, entre autres. Les œuvres qu’ils avaient collectionnées ne tardèrent pas à rejoindre des collections muséales : dès mars 1940, Mrs Rockefeller donna ainsi au MoMA les sculptures qu’elle avait rassemblées pendant les vingt années précédentes, par Antoine Bourdelle, Honoré Daumier, Charles Despiau, Georg Kolbe, Gaston Lachaise, Wilhelm Lehmbruck, Henri Matisse, Amadeo Modigliani, François Pompon… et Aristide Maillol, représenté par quatre œuvres dont une Baigneuse debout et une Femme se coiffant acquises chez Brummer en 1936 au plus tard96. Lewisohn légua à la même institution, en 1952, le Torse de la Jeunesse qu’il avait acquis vers 193097. D’autres musées profitèrent également de la générosité des collectionneurs : dès 1934, Arthur T. Aldis, sa femme et son fils donnèrent au Art Institute of Chicago deux petits bronzes, un nu assis dit Pudeur et un Nu accroupi ; l’Albright Art Gallery acquit La Nuit (fonte par Alexis Rudier) en 1939 grâce au James G. Forsyth Fund ; la Vénus de John A. Dunbar (1900–1974), la deuxième fonte réalisée par Rudier en 193098 et qui avait figuré à l’exposition « Wilhelm Lehmbruck – Aristide Maillol » au MoMA la même année, rejoignit en 1941 le City Art Museum de Saint-Louis via la galerie Brummer. Les sœurs Claribel et Etta Cone acquirent dès le 5 mars 1930, peut-être sous l’influence de Matisse, grand ami de Maillol (Fig. 9), une fonte de la Baigneuse se coiffant, demi-nature, auprès de PaulVallotton à Lausanne (Baltimore Museum of Art, Baltimore)99. Le legs de Maurice Wertheim au Fogg Art Museum en 1951 comprend un exemplaire de L’Île-de-France (acquis à New York en 1949) et la Tête féminine qui était restée dans la collection de Goodyear après l’exposition de 1925100.

9  Aristide Maillol et Henri Matisse chez Maillol, à Marly-le-Roi, devant la figure du Monument à Claude Debussy (La Musique), [vers 1930], épreuve argentique, 44,3 × 32,5 cm, photographe : Pierre Matisse. Baltimore Museum of Art, Baltimore, The Cone Collection formed by Dr Claribel Cone and Miss Etta Cone of Baltimore, Maryland, 1950.1977.19.8 (photographie de Mitro Hood, courtesy Baltimore Museum of Art)

[26] Cette période se termina avec l’exposition « Aristide Maillol » organisée en 1945 à l’Albright Art Gallery par Andrew Ritchie, qui en était alors directeur : avec 40 sculptures (dont le Torse de l’Action enchaînée en bronze acquis l’année précédente par le lieutenant Wright S. Ludington auprès de la Buchholz Gallery101), 42 dessins, 12 estampes et 6 livres illustrés ainsi que, dans le catalogue, la liste des œuvres de Maillol conservées aux États-Unis, c’était de loin l’exposition la plus importante qui eût été consacrée à l’artiste jusque-là. Tous les musées détenteurs d’œuvres de Maillol avaient consenti à des prêts, ainsi que les galeries Weyhe et Buchholz, largement sollicitées. Une version réduite de l’exposition fut ensuite présentée à New York, à la Buchholz Gallery ouverte en 1937 par Curt Valentin (1902–1954), qui succéda à Brummer comme principal représentant de l’artiste aux États-Unis. Ritchie mettait l’accent sur la volonté de synthèse de Maillol : « Maillol est un architecte de la sculpture. L’intérêt de la surface, qu’il s’agisse de bois ou de terre cuite, n’est pas sa préoccupation première. Il se soucie d’abord de la structure sous-jacente et de l’organisation des masses102. » Mais il faisait aussi remarquer que c’était la référence à la nature, toujours présente, « une référence subtile, que l’on détecte dans un détail minime, à un élément de la réalité du modèle103 », qui donnait toute sa profondeur à son travail.

[27] Au même moment se construisaient deux grandes collections dans lesquelles Maillol était bien représenté. Stephen Carlton Clark (1882–1960)104 faisait partie des fondateurs du MoMA – auquel il donna House on the Railroad d’Edward Hopper en 1929 au moment où Goodyear donnait le Torse de l’Île-de-France. Cet homme d’affaires, qui était l’un des héritiers de la fortune Singer, présida le conseil d’administration du MoMA de 1939 à 1946 et constitua comme son frère Sterling une très importante collection qu’il répartit entre la Yale University Art Gallery, à New Haven (car il avait fait ses études à Yale), la National Gallery of Art, le Met et le MoMA. Il avait acquis des œuvres importantes de Rodin – Le Penseur dédicacé à Loïe Fuller et la fonte unique de L’Homme au serpent réalisée pour Anthony Roux105 –, de Despiau (qu’il collectionna sans doute dès 1927), de Maillol106 et de Brâncuși, dont il posséda un Oiseau dans l’espace.

[28] Le 17 juillet 1932, Clark remercia Pierre Matisse de les avoir emmenés, sa fille et lui, chez Maillol à Marly-le-Roi107. Avant même d’avoir reçu sa lettre (les deux courriers se croisèrent), Matisse lui avait communiqué les dernières informations obtenues de Maillol : celui-ci travaillait au modèle d’une figure en pierre et pensait qu’il l’aurait finie deux ou trois mois plus tard. Il faudrait ensuite la mouler puis faire la mise au point, ce qui prendrait l’hiver. Maillol la terminerait à Marly, au printemps suivant, en revenant de Banyuls où il passait toujours les mois les plus froids.

Vous avez pu voir combien l’œuvre est belle déjà et ce n’est pas difficile d’imaginer ce qu’elle donnera une fois terminée. L’artiste est complètement pris par son sujet et en pleine possession de ses moyens. C’est exactement le genre de statue qui convient à un jardin : souvenez-vous qu’en plein air, ce qui paraît très grand semble absolument naturel108.

S’ensuit une longue justification du prix demandé pour cette figure (150 000 francs) et pour un bronze, Nu accroupi (Crouching Nude, 95 000 francs), que Clark trouvait très élevé. Matisse conclut : « Mon opinion est que vous avez la chance extraordinaire de pouvoir obtenir, avec la figure à laquelle il travaille, une de ses plus belles œuvres et, j’ose le dire, à un prix très bas109. » Clark confirma l’achat du bronze en septembre110, puis il acquit d’autres sculptures de l’artistedont Flore, une des quatre Saisons Morozov (rachetée par Dina Vierny chez Christie’s, à New York, le 13 novembre 1984) et un petit marbre, Nude Woman Kneeling111 (Fig. 10) qui se rattache à la série des études pour la figure du Monument à Claude Debussy. C’est difficilement que Pierre Matisse avait obtenu ce marbre :

Maillol, que j’ai été voir, est en train de finir le fameux marbre qu’il m’avait promis et comme je ne paraissais pas très chaud il ajouta : Eh ! si vous n’en voulez pas, je le vendrai à un autre ! Je n’ai pas refusé mais demain je vais lui poser la question de prix qui ne peut être le même, d’autant plus que la tête ne fait pas partie du même morceau et qu’il y a tant de veines dans le marbre qu’il a décidé de faire comme Bourdelle, de le teindre112 !

10 Aristide Maillol, Nu assis, 1932, marbre, 31,8 × 27,9 × 13 cm. Norton Simon Art Museum, Pasadena, don de Jennifer Jones Simon, M.2009.1.S (courtesy Norton Simon Art Foundation)

[29] Ces deux dernières œuvres sont visibles sur les photographies prises par Anna Wachsmann pour l’album Stephen C. Clark Art Collection and House (16 exemplaires imprimés en 1961). Flore est à l’extérieur, sur la terrasse de l’installation new-yorkaise du collectionneur, dans un espace délimité par des éléments de cloîtres français qui se trouvent aujourd’hui aux Cloisters, et le marbre est dans la galerie, dont une extrémité était occupée par Le Penseur de Rodin (Fig. 11). La collection comportait aussi des exemplaires en bronze de Léda et de la Baigneuse se coiffant (H. 81 cm, fonte de Claude Valsuani no 2), qui furent légués par Susan Vanderpoel Clark au Met en 1967.

11 Anna Wachsmann, La Galerie, photographie issue de l’album Stephen C. Clark Art Collection and House, 1961. Clark Art Library, Williamstown (courtesy Clark Art Library, Williamstown)

[30] L’achat le plus important effectué par Clark est toutefois Méditerranée, en bronze, pour le MoMA. Le projet était né en 1938. Il était soutenu par Mrs Simon Guggenheim qui avait obtenu l’accord de l’État français, nécessaire puisque la version en marbre (1923–1927) appartenait aux collections nationales113. N’ayant pas abouti alors, il fut relancé avec l’aide de Rewald, qui connaissait bien Maillol, à l’occasion de ses 80 ans, événement pour lequel le MoMA réunit toutes ses œuvres de l’artiste114. Il fut encore repris en 1948 et financé par Clark115, mais, malgré l’insistance de Lucien Maillol, qui faisait valoir qu’Eugène Rudier, seul capable d’exécuter une fonte de qualité pour une œuvre de cette dimension mais ne resterait sans doute pas longtemps en vie (il mourut en effet en 1952), le MoMA ne se décida pas. Lucien revint encore une fois vers Barr en 1951 pour lui proposer la « dernière épreuve disponible116 » : elle était destinée à la tombe de Maillol, mais il se proposait de la remplacer par La Nuit au prétexte qu’un autre exemplaire était visible non loin de là, dans le patio de l’hôtel de ville de Perpignan.

[31] Méditerranée arriva en 1953 au MoMA, lequel, rappelons-le, s’était séparé deux ans plus tôt du Torse de l’Île-de-France, une des œuvres pourtant les plus représentatives d’une volonté de simplification qui conduisit Maillol à l’extrême limite de la représentation naturaliste. Le MoMA avait eu en effet pour politique de transférer les meilleures œuvres de ses collections historiques à d’autres musées. Mais désormais, comme Barr l’expliqua à Marcel Aubert, à qui avait été confié le musée Rodin après la guerre, l’institution souhaitait « conserver un petit noyau d’œuvres essentielles des xixe et xxe siècles auxquelles d’autres viendr[aie]nt s’ajouter au fil du temps117 ». Méditerranée rejoignait ainsi le Torse de l’Action enchaînée déposé par le Met en 1948 et la spectaculaire Rivière, acquise en 1949 (en même temps que L’Atelier rouge de Matisse de 1911) à la suite de l’exposition de Ritchie. C’était la dernière œuvre achevée par l’artiste, « une magnifique floraison finale d’invention audacieuse et de puissance créative, chez un homme qui avait été, de son temps, le plus grand sculpteur au monde118 », comme le fit valoir Barr dans le communiqué de presse. Pièce maîtresse du jardin de sculptures dessiné par Philip Johnson au MoMA (1964), c’est cette figure, commente Véronique Wiesinger, « rapprochée de Vir Heroïcus Sublimis [1951] de Barnett Newman, qui ouvr[ait] le panorama des origines de la modernité – accouplement qui étonnera sûrement les Français, mais qui vient en droite ligne d’Alfred Barr119 », lors de l’exposition « ModernStarts » en novembre 1999.

[32] Nelson Aldrich Rockefeller (1908–1979) était lui aussi étroitement lié au MoMA, dont sa mère avait été la première vice-présidente. En mai 1939, il succéda brièvement à Goodyear comme président. Grand collectionneur, intéressé par la sculpture, il eut en sa possession plusieurs œuvres de Maillol dont un petit marbre acquis plus tard par Paul Mellon120 et trois grands bronzes qui se trouvent aujourd’hui encore dans les jardins de Kykuit, le domaine des Rockefeller à Sleepy Hollow, dans la vallée de l’Hudson : le Torse de l’Action enchaînée, présenté en majesté à l’extrémité d’une allée, la Baigneuse se coiffant grandeur nature, installée au centre d’un parterre (Fig. 12a et 12b), et La Nuit en bordure d’une prairie dominant le fleuve. Le 15 décembre 1954, Daniel Wildenstein avait signalé à Barr qu’il disposait de la Baigneuse et de la Pomone acquises auprès de Maillol : « Comme vous le savez, Rudier a fondu quatre exemplaires de chaque du vivant de l’artiste et ce sont l’un de ces exemplaires dans les deux cas121. » Huit jours plus tard, Barr transmit l’information à Rockefeller :

J’ai découvert, littéralement dans un escalier secondaire chez Wildenstein, deux figures grandeur nature de Maillol qui pourraient vous intéresser. […] La Pomone est une figure tôt, célèbre. […] Pour autant que je sache il n’y a aucun autre exemplaire en grande dimension de la Baigneuse dans ce pays. Je connaissais la petite version et je pense que c’est une des plus belles œuvres de Maillol122.

Elles venaient directement de l’artiste, assurait Wildenstein, ce qui était important « car il cour[ai]t le bruit que la veuve de Rudier s’[était] laissé[e] aller à faire des fontes posthumes, au-delà de l’édition légale123 ». Quant au torse, ajoutait-il, il avait hésité à le mettre en vente à la galerie Curt Valentin car son avenir était encore incertain.

12a La Baigneuse se coiffant d’Aristide Maillol devant la façade sud-ouest de Kykuit, le domaine des Rockefeller à Sleepy Hollow, photographie sans date, technique et dimensions inconnues (Library of Congress, Washington, DC, Prints and Photographs Collection, HABS NY, 60-POHI, 1A-9)

12b  Le Torse de l’Action enchaînée d’Aristide Maillol dans les jardins de Kykuit, le domaine des Rockefeller à Sleepy Hollow, photographie sans date, technique et dimensions inconnues (Library of Congress, Washington, DC, Prints and Photographs Collection, HABS NY, 60-POHI, 1-2)

Les efforts de John Rewald et de Dina Vierny pour la renommée posthume de l’artiste

[33] Dans l’immédiat après-guerre, l’intérêt pour Maillol diminua en dépit des efforts de l’historien de l’art John Rewald (1912–1994) et, plus tard, de Dina Vierny. Né à Berlin, Rewald avait quitté l’Allemagne pour la France en 1932 avant d’émigrer aux États-Unis en 1941 : soutenu par Barr, il y poursuivit ses travaux sur Paul Cézanne et l’impressionnisme, organisa d’importantes expositions et enseigna à Princeton (1961), puis à Chicago (1964–1971) et à New York. Ainsi qu’il le raconta lui-même, il avait découvert Maillol vers 1925 à la Tate Gallery de Londres, où le Torse de l’Action enchaînée l’avait fortement impressionné. Grâce, sans doute, au critique d’art et collectionneur George Besson124, il fit la connaissance de l’artiste une dizaine d’années plus tard, à Marly, où celui-ci recevait le dimanche des amis, des admirateurs, des marchands, des opportunistes et des snobs (« favor seekers and celebrity hunters125 »). Maillol remarqua le jeune étranger.

Ils n’échangèrent que peu de mots au milieu de tous ceux qui cherchaient à attirer l’attention du Maître, mais celui-ci dit tout de même à son visiteur intimidé qu’il devrait venir à Banyuls au printemps et qu’il leur serait alors possible de passer quelques heures tranquilles ensemble. Un événement incroyable s’était produit avec cette invitation informelle126.

Maillol insista le 20 janvier 1938 : « J’aime beaucoup que l’on m’aime. […] Je serai prêt à vous recevoir vers le mois de juin, époque où je rentrerai à Marly-le-Roi, à moins que vous ne fassiez un voyage dans le midi127. » Et le 18 avril : « Vous ne me dérangerez pas, car je me repose en faisant des dessins d’arbres dans la campagne pour un volume des Géorgiques – nous ferons une promenade dans le pays128. » Rewald séjourna donc quelques jours à Banyuls, en avril 1938, écoutant l’artiste âgé lui parler de son travail, des artistes qu’il avait admirés, de sa conception de la sculpture, de son rapport à la nature… Leurs entretiens se poursuivirent à Marly pendant l’été et donnèrent naissance à un article paru dans Le Point en 1938, « Les ateliers de Maillol », aussi intéressant par la description précise des lieux, maison et atelier, à Banyuls et à Marly, dans lesquels vivait Maillol quepar la transcription de leurs discussions129. Rewald définit ainsi le travail de l’artiste :

Pour Platon, la forme et l’idée ne faisaient qu’un, et c’est ainsi que moi-aussi je les comprends. Ce sont la forme et l’idée préconçue qui guident l’artiste. Puis la grâce, la force et tous les autres éléments viennent s’ajouter au cours du travail, ce qui fait que l’œuvre est non seulement la réalisation d’une idée, d’une conception intellectuelle, mais encore une œuvre d’art130.

L’année suivante, il publia aux éditions Hyperion une monographie bien illustrée et aussi bien documentée qu’il était alors possible, en français et en anglais131. Appuyée sur le Maillol de Judith Cladel132, l’introduction, qui comporte un certain nombre d’erreurs – que lui fit remarquer l’artiste133  – contient une version plus courte des échanges entre les deux hommes et se termine par une belle description du travail de Maillol pour L’Air.

[34] En mars 1941, juste avant de partir pour les États-Unis, Rewald retourna à Banyuls, conscient que c’était sans doute la dernière fois qu’il voyait Maillol (Fig. 13). Les deux hommes mirent ensemble au point un document préservant le droit d’auteur de Rewald pour son livre sur Maillol134. La jeune Dina Vierny posait alors pour ce qui devait être la dernière œuvre de l’artiste, Harmonie, ainsi baptisée sur une suggestion de Rewald135.

C’était un spectacle étonnant : deux filles nues, côte à côte, unies et pourtant différentes ; un spectacle qui permettait de se rendre compte clairement de latransformation opérée par l’artiste. Cela rendait évident que le modèle n’était qu’un guide pour le sculpteur, et avec quelle obstination il poursuivait son idée de départ136.

13 John Rewald et Aristide Maillol à Banyuls, mars 1941, épreuve argentique, 11,4 × 8,9 cm. National Gallery of Art, Washington, DC, Gallery Archives. RG43B, John Rewald Papers, Other Artists Source Materials – Art and Artists Photographs (courtesy National Gallery of Art, Washington, DC, Gallery Archives)

[35] Ils ne se revirent plus, mais Rewald emportait de précieuses photographies, outre le souvenir de leurs conversations, et il fut associé à la plupart des projets concernant Maillol : il rédigea ainsi la préface du catalogue de l’exposition « Aristide Maillol » organisée par la Buchholz Gallery en 1940. L’année suivante, il se préoccupa de faire célébrer l’anniversaire de Maillol, le 8 décembre.

J’ai fait de mon mieux pour qu’on n’oublie pas ici vos quatre-vingts ans et je pense pouvoir vous envoyer en décembre des coupures de presse qui vous le prouveront. La Gallerie [sic] Buchholz vous consacre actuellement une belle petite salle, l’autre étant consacrée à Lehmbruck qui aurait eu soixante ans cette année. Une revue d’art va publier un article illustré qui m’a été commandé, une autre revue m’a demandé des photos de vous. Le Museum of Modern Art, à défaut d’une exposition, va réunir toutes les œuvres qu’il possède de vous dans une salle spéciale, et le soir même de votre anniversaire, je dois y faire une conférence. […] Je sais bien que dans votre calme retraite de Banyuls toutes ces manifestations vous paraîtront un peu vaines et contraires à votre modestie. Mais je pense qu’en ce moment de luttes infernales où se décide le destin de l’Europe et du monde, nous vous devons une immense gratitude pour votre œuvre si débordante de beauté. Dans ce pays où l’on vous admire beaucoup, tout le monde est heureux lorsque je raconte que vous continuez inlassablement votre travail et que votre dernière statue [Harmonie] est une pure merveille. C’est si réconfortant de savoir que tous ces tristes événements des deux dernières années n’ont pu diminuer votre ardeur137 !

Dans la même lettre, il revient sur Méditerranée, dont Barr souhaitait obtenir un exemplaire. À Buffalo, en 1945, il fut remercié de ses généreux conseils et du prêt tant des dessins pour L’Action enchaînée qui étaient en sa possession138 que des photographies qui rythment le catalogue. L’exposition du Solomon R. Guggenheim Museum, en 1975, lui donna l’occasion de reprendre encore une fois ses souvenirs : il publia dans le catalogue un long texte, « Maillol Remembered », accompagné des photographies qu’il avait prises à Banyuls et à Marly139.

[36] Tout au long de sa vie, Rewald échangea avec Dina Vierny (1919–2009). Activement engagée dans la défense de l’artiste, celle-ci adopta avec enthousiasme le projet d’une exposition itinérante que lui proposa Paul Rosenberg dès 1956–1957. « An Exhibition of Original Pieces of Sculpture by Aristide Maillol » fut présentée à New York dans la galerie Rosenberg, du 3 au 29 mars 1958, avant de l’être dans dix musées américains, à Philadelphie, Cleveland, Toledo, Boston, Buffalo, Minneapolis, Saint-Louis, San Francisco, Los Angeles et Dallas (Fig. 14).

14 Vue de l’exposition « Sculpture by Aristide Maillol », Museum of Fine Arts, Dallas, 17 janvier – 14 février 1960. Fondation Dina-Vierny – musée Maillol, Paris (courtesy fondation Dina-Vierny – musée Maillol)

Avec 39 bronzes envoyés de Paris, dits « exécutés par Maillol de son vivant et sous sa surveillance140 », et un marbre, le Torse de la Jeunesse prêté par le musée national d’Art moderne de Paris, l’exposition fut bien accueillie par le public, mais aucune pièce ne fut vendue. Comme en écho au commentaire de Wildenstein en 1954, Alexandre Rosenberg, le fils de Paul, attribuait cela, déclara-t-il à Dina Vierny le 11 octobre 1958, au trop grand nombre de bronzes de l’artiste présents sur le marché, et il en rendait Rudier responsable.

Les fontes Rudier, apparemment bonnes, des divers sujets de Maillol sont légion ; on en trouve partout ; et une recherche assidue en livrerait facilement une grande quantité en fort peu de temps à des prix souvent très inférieurs à ceux auxquels nous les offrons. Je soupçonne que Vollard n’a pas été le seul responsable de la commercialisation exclusive de l’œuvre de Maillol. […] les bronzes de Maillol n’ont pas trop bonne réputation parmi les amateurs et je discerne souvent une attitude de scepticisme à l’égard de l’originalité des fontes qui se présentent141.

Dina Vierny répondit le 24 octobre en déclarant qu’elle avait proposé d’inclure dans l’exposition des sculptures qui se trouvaient déjà aux États-Unis et que l’œuvre de Maillol était l’une de celles qui avaient été le moins fondues. Elle demandait à Paul Rosenberg de l’aider à obtenir des renseignements sur ces œuvres « qui encombrent le marché et […] incitent, dites-vous, vos amateurs à un certain scepticisme quant à leur originalité. […] Pour moi le problème est bien différent. J’ai beaucoup de demandes et je n’ai pratiquement rien à vendre, et je ne trouve rien à acheter de Maillol à Paris142. » Dix ans plus tard, Rosenberg constatait à son tour : « Je suis désespérément à court de bronzes de Maillol. La galerie sans une bonne représentation d’œuvres de notre sculpteur favori est comme une journée sans soleil et sans vin143. »

[37] Poursuivant son but, Dina Vierny réussit à convaincre le directeur du Solomon R. Guggenheim Museum, Thomas M. Messer, d’organiser à son tour une exposition consacrée à Maillol, en 1975144. Elle prêta la plupart des peintures (dont une seule, la Baigneuse à la vague, se trouvait aux États-Unis),la tapisserie Le Jardin et la quarantaine de dessins qui furent exposés. En revanche, les 92 sculptures venaient en grande majorité des collections américaines : collections publiques qui avaient fait des prêts généreux (15 sculptures dont les grandes pièces telles que La Rivière du MoMA et Les Nymphes de la prairie de Minneapolis), collectionneurs privés et galeries, en particulier les galeries Buchholz-Valentin145, Pierre Matisse, Paul Rosenberg puis Klaus Perls (la plus sollicitée – 11 sculptures) et Marlbourough-Gerson. Dina Vierny collabora étroitement avec les deux dernières, organisant avec elles plusieurs expositions. Comme Cécile Goldscheider au musée Rodin, au même moment, elle avait relancé les fontes, bien consciente qu’il était indispensable que des œuvres circulent pour que les collectionneurs, avec lesquels elle noua rapidement des relations de confiance, continuent à s’intéresser à l’artiste. Jusqu’à la fin de sa vie, elle se rendit plusieurs fois par an à New York et à Los Angeles pour expertiser des bronzes en mains privées.

[38] Les institutions publiques profitèrent de ce nouveau contexte : Maurice Wertheim (1886–1950), qui avait constitué une importante collection de toiles impressionnistes, « de Degas à Matisse146 », fit bénéficier le Met de La Nuit et le Fogg Art Museum de trois sculptures de Maillol, L’Île-de-France et le buste de Renoir en bronze ainsi que la Tête de femme en plâtre, qui provenait de la collection Goodyear. Joseph Hirshhorn (1899–1981) réunit plusieurs œuvres de l’artiste – achetées dans l’ensemble à New York, entre 1955 et 1961 ou 1962, auprès des galeries Buchholz-Valentin, Péridot et Perls ou en vente publique : la plupart firent partie, en 1966, du don constitutif de l’institution qui porte son nom. Ce sont toutefois la National Gallery of Art et le Norton Simon Museum, à Pasadena (Californie), qui se taillèrent la part du lion.

[39] Dina Vierny a raconté qu’elle avait collaboré « avec beaucoup de bonheur » à la réalisation de la collection de sculptures de Norton Simon (1907–1983) :

J’étais vraiment très proche de Norton Simon […] [un] grand amateur de sculpture. Il a acheté une belle collection de sculptures de Degas, du Laurens, du Lipchitz et, bien sûr, du Maillol. L’Air, La Montagne, La Rivière, Pomone, Les Trois Grâces, Vénus, bref, une vingtaine de sculptures dont plusieurs monumentales présentées dans les jardins du musée147.

Simon acquit jusqu’à une cinquantaine d’œuvres de Maillol, parmi lesquelles, outre un assez grand nombre de petits bronzes, il faut signaler une peinture, Élisa (vers 1895), appartenant à la période où Maillol se destinait à une carrière de peintre148, et la version en marbre de la Baigneuse se coiffant149, grandeur nature, réalisée par Maillol après l’agrandissement de la figure, entre 1930 et 1940, ainsi qu’une série de figures monumentales, la seule de cette ampleur aux États-Unis : La Nuit, acquise en 1967, L’Été et La Montagne en 1968, L’Air et La Rivière en 1970, ainsi que Les Nymphes de la prairie en 1980. L’ensemble s’enrichit encore, en 2009, du petit marbre qui avait appartenu à Clark150.

[40] Mellon s’appuya de même sur Dina Vierny, par l’intermédiaire de Rewald. Il avait en effet engagé celui-ci comme conseiller artistique en 1966 et c’est à partir de cette date que Maillol prit une place importante dans sa collection : si Dina Vierny jouait de la rivalité entre Simon et lui, Mellon bénéficiait de la première offre grâce à Rewald. Lui ayant vanté « le “beau jeune homme” [Le Cycliste] qui n’est pas encore à [elle] mais, qui, [elle] ose l’espérer, le sera un jour », Dina déclare : « N. S. est toujours acheteur : je l’attends le mois prochain à Paris151 ». Mellon se laissa immédiatement convaincre et fit l’acquisition d’un exemplaire du Cycliste fondu par Alexis Rudier ainsi que du très beau relief en pierre calcaire, Deux femmes, qui était resté jusque-là à Marly (Fig. 15). Faisant écho à un grand dessin des débuts de sa carrière (Clotilde et Angélique Narcis en costume catalan, vers 1900, fusain, 100 × 81 cm. Clemens Sels Museum, Neuss152), celui-ci témoigne de la continuité de son travail et de la permanence de l’inspiration catalane dans son œuvre : avec le même format carré que ce qui était probablement un projet d’écran de cheminée, il offre toutes les qualités d’équilibre et de clarté de la composition qui caractérisaient les reliefs de Maillol depuis Le Désir de 1907. Mellon se sépara des deux œuvres en 1983 et si Le Cycliste a changé plusieurs fois de mains depuis153, le relief entra alors à la National Gallery of Art à Washington, DC.

15 Aristide Maillol, Deux femmes, vers 1930, pierre calcaire, 121,9 × 127 cm. The National Gallery of Art, Washington, DC, Collection of Mr and Mrs Paul Mellon, 1983.1.61 (courtesy National Gallery of Art, Washington, DC)

[41] Celle-ci possède un bel ensemble d’œuvres de Maillol provenant, pour la plupart, de la galerie Dina Vierny : en particulier une série de terres cuites que Dina avait rachetées au fil du temps – les Lutteuses et la Baigneuse se coiffant dans la version d’origine, vers 1902–1905, qui provenaient de la collection de l’homme d’État Albert Sarraut (vendue en 1965) ; un petit Torse féminin qui avait appartenu à Marcel Guérin, l’auteur du catalogue des estampes de Maillol, une Femme assise, entre autres. Cependant Mellon n’avait pas négligé pour autant le marché américain et il acquit aussi en 1966, par exemple, de la galerie Rosenberg, le petit marbre Méditerranée qui était passé entre différentes mains, dont celles de Mrs Solomon Guggenheim à qui il appartenait en 1945154, puis de Nelson Rockefeller (Fig. 16).

16 Aristide Maillol, Méditerranée, vers 1925, marbre, 21,6 × 17,2 × 12,7 cm. The National Gallery of Art, Washington, DC, Collection of Mr and Mrs Paul Mellon, 1995.47.17 (courtesy National Gallery of Art, Washington, DC)

Il s’était encore procuré chez Wildenstein en 1968 un Torse de jeune femme en bronze qui semble bien correspondre au torse enfin achevé acquis par Goodyear en 1926155 (voir supra). Ces œuvres rejoignaient trois grandes figures acquises grâce au fonds créé parAilsa Mellon Bruce (1901–1969)156, toutes trois des fontes anciennes dues à Rudier : en 1965, Vénus au collier, puis, en 1967, la Baigneuse aux bras levés, grandeur nature, numérotée 1 – sans doute la première fonte dans cette dimension – et enfin L’Été. Ce dernier avait une provenance insigne : il avait en effet appartenu à Auguste Pellerin (1852–1929), dont la collection est célèbre pour ses toiles de Cézanne. Celui-ci l’avait acquis avant 1916 et il était exposé dans le jardin de sa propriété de Neuilly, non loin de l’Ève de Rodin157 (Fig. 17 et 18). Cet ensemble important fut complété par le groupe des Nymphes de la prairie – dans lequel le classicisme de Maillol atteint un point d’équilibre parfait –, offert par Lucile Ellis Simon pour le cinquantième anniversaire de la National Gallery of Art en 1991. Il avait été acquis en 1967 de la succession Maillol par l’intermédiaire de la galerie Marlborough-Gerson.

17 Aristide Maillol, L’Été, 1911, bronze, fonte par Alexis Rudier (avant 1916), 163 × 73,7 × 33,2 cm. The National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Fund, 1967.5.1 (courtesy National Gallery of Art, Washington, DC)

18 L’Été de Maillol et Ève de Rodin dans le jardin de l’hôtel d’Auguste Pellerin, Neuilly, avant 1916, épreuve photographique, dimensions inconnues. Collection héritiers Pellerin (courtesy Collection héritiers Pellerin)

[42] Si Goodyear peut être considéré comme celui qui lança Maillol sur le territoire américain, l’artiste s’y maintint ensuite en bonne place grâce à de grandes figures de l’histoire des musées, telles que Barr et Ritchie, et aux expositions que ceux-ci organisèrent. Dina Vierny, à laquelle Rewald rendit hommage dans le catalogue de 1975, prit ensuite le relais : avec l’énergie qui la caractérisait, elle réussit, en s’appuyant sur des marchands, Paul Rosenberg, Klaus Perls et Otto Gerson en particulier, à développer significativement la présence de Maillol dans les collections américaines. En témoigne la multiplication des « monumentales » dès 1949 : La Rivière au MoMA en 1949, puis à Pasadena et à Richmond en 1970 ; Les Nymphes de la prairie à Minneapolis en 1949, puis à Dallas en 1969, à Pasadena en 1980 et à la National Gallery of Art en 1991 ; L’Air à Yale en 1959, à Fort Worth en 1967, à Pasadena en 1970 et à Los Angeles en 2005 ; La Douleur de Céret à Berkeley en 1968 ; La Montagne à Pasadena en 1968 et à Saint-Louis en 1980 ; L’Action enchaînée au Hirshhorn en 1979. Le nombre d’œuvres recensées dans les collections publiques, un tiers de plus que celles de Bourdelle, pourtant né la même année que lui et ayant bénéficié lui aussi de l’intérêt de Goodyear, vient renforcer ce constat. Goodyear mettait Maillol au premier rang de son panthéon personnel et son rôle dans la reconnaissance de l’artiste aux États-Unis est fondamental.

Annexes

Annexe I
Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 8 octobre 1925.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Album Goodyear.

« Dear Mr. Goodyear,
I received your letter yesterday and went immediately to see Maillol. The new standing life-size figure is not ready yet, and as Maillol is just leaving for the south there is no chance of its being done before next year.
Also, as you have probably heard from Lerolle, only two of your terra cottas are ready, the third being replaced by a plaster cast for the exhibition.
Mr. Maillol asks me to tell you that none of the plaster casts must be sold. I thought this was understood, but he was worried by the prices affixed to the plaster casts in Lerolle’s list. I suppose these were for the insurance.
I picked out ten very fine drawings for you. There were not many interesting ones as he has been selling a great many lately and in fact did not want to show me any at first […].
Maillol can not fix a price for the bronze of the new large figure you wish to have, as it depends on price of casting, but I told him not to sell out all copies of it without letting me know, which he promised to do. This gives you a sort of option on it. […] »

Annexe II
Guillaume Lerolle, lettre à A. Conger Goodyear, 1er février 1926.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Album Goodyear.

« Dear Mr. Goodyear,
Thursday evening I took the train to Banyuls-sur-Mer and I arrived there Friday morning. I took the train back to Paris Friday evening and I arrived in Paris on Saturday morning.
I remained with Maillol all day. He was very pleasant, gave me a good lunch, took me to a tiny little farm beautifully situated in a lovely position, and told me all day long that he had been unable to refuse to make a bust of a friend of his who had lent him money at a time when he (Maillol) was very hard up. That this bust had made him sweat and labour for at least three weeks and that the consequence of this exertion was that he certainly could not work for at least a year.
He lives in Banyuls doing nothing except to quarrel with his wife whom, he told me, he had been stupid enough to marry when he was a kid and did not know that being married would prevent him from doing what he pleased with the army of other women who were more lovely than his wife.
I told him that you wanted to give him a firm order for two copies each in terra-cotta of “Femme couchée” (No. 2 of my list joined to my letter of September 15th), “Femme debout, drapée” (No. 3), “Torse de femme” (No. 4), (Your week end cable of January 24th), also one copy in bronze of small torso unfinished No. 10, for frs. 25,000.00.
I asked him when he could have them made and sent to you.
The answer is not as satisfactory as we could wish. He referred again to that bust he had had to make and said he would remain at Banyuls until May, then if he felt fit he would make the “moules” when back at Marly-le-Roi. These “moules” could be expected to be ready by June, if nothing interfered and he was not sick or tired and he could lay his hands on a “mouleur”. Then it would take at least a month or two to make the terra-cottas.
At the best he could not send them before September or October.
You know his way. He went on talking and talking “What do I want with money? I don’t know the use of money and I don’t need it”. He opened a cupboard and showed me fifteen or twenty cheques, several of which I could see were worth from 6 to 20,000 francs, and he went on, “I have had these cheques in this cupboard for at least a month, or it may be two and I have always forgotten to send them to the bank. When I feel I cannot work there is no use my trying, it wouldn’t be good, and even if it were good it is no use trying because when I feel I cannot work, I cannot”.
The he referred to his desire to go to Spain whith his son, but the rate of exchange made the trip to Barcelona too expensive. Then I told him that with some of those cheques in the cupboard that he did not know the use of, he might have a splendid trip to Spain and would not feel any worse for spending the money, but he simply went on with his anthem : “I don’t know the use of money and I don’t need it”.
He made me visit what he called his studio, both at his house in Banyuls and at his little farm.
In the studio at Banyuls there is absolutely nothing except a plaster of the monument to the dead which you may have seen in his garden at Marly-le-Roi, but it is very much broken, altogether beyond repair. There is also a little statue in alabaster, a reproduction of the one you saw and wanted to buy in the studio at Marly-le-Roi, a sort of crouching Venus. This, he told me, he had been unable to finish in account of the damn bust. There were also bits of clay which he told me had been a statue and had fallen down on the floor. That was all. No soft or damp clay around. No tools, nothing that could make one suppose that this was the studio of an artist.
In the studio at the farm there was absolutely nothing except a portfolio of drawings which he showed me. They were all nudes and for each he told me : “This was posed by my cook” or “this was posed by my wife, but the poor wife is getting old and fat, her breasts are hanging, but she is terribly jealous and besides the cook she does not allow me to take another model”.
I must tell you that upon my return to Paris I went to the Galerie Druet, which I know is the one that buys all the available statues of Maillol. They have five terra-cottas now and one bronze torso of a young woman with head but without arms.
I asked them the prices of each. The terra-cottas which I do not think are as good as the “femme nue, drapée” run from 8 to 10,000 francs. The torso in bronze is frs. 60,000.00.
The director of the Gallery told me that he had tried very hard to get Maillol to sell him something, anything, but Maillol will not work and everybody is up against it.
Maillol had sold Druet the little crouching Venus in alabaster which you saw at the Marly studio for frs. 50,000.00, and Maillol gave it to his son to carry to Druet in his automobile.
The statue in a jerk fell down from the seat on to the floor of the automobile and was broken to pieces. They may try and have it repaired but alabaster is such a transparent stone that the repairs will show badly and even Druet does not believe it is worth while especially as two little pieces of stone were lost in the accident.
Enclosed is a copy of a letter I am writing to Maillol. It is a habit with me to confirm what has been done, but I know Maillol does not read letters, or if he reads them he never answers them and will not consider himself bound by any letter or any agreement.
I gave Maillol the cheque for frs. 4,500.00 which pays for the two terra-cottas that you have in America, but, of course, I kept the cheque for frs. 3,000.00 which you sent me with your letter of December 15th in order to pay for the copy of the “Woman standing, draped” No. 3, with head.
Maillol was altogether friendly […]. »

Annexe III
Guillaume Lerolle, lettre à Aristide Maillol, 1er février 1926.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files.

Cette lettre confirme la commande de Goodyear après sa visite à Banyuls, les prix ayant été donnés par l’artiste : deux Femme couchée, terre cuit, 3 000 francs ; deux Femme debout drapée, terre cuit, 3 000 francs ; deux Torse de femme, terre cuit, 3 000 francs ; un petit torse inachevé, bronze, 25 000 francs.

Ce courrier est accompagné d’une liste rédigée après le 23 janvier 1926 :

« List of Maillol orders.

1925:
Dec. 15th, 1 copy No. 3158 Woman Standing, draped, without head, terra cotta, 3,000 frcs. Draft sent Lerolle.

Dec. 15th, 1 copy No. 10, small Torso, unfinished,  25,000 frcs. Draft not yet sent.

1926:
Jan. 20, 2 copies No. 4, small Woman’s Torso, terra cotta, 3,000 frcs. Draft sent Lerolle.

Jan. 23, Cable sent confirming above orders and adding the following :
2 copies No. 2, Reclining Woman, terra cotta, 6,000 frcs.
1 copy No. 3, Woman Standing, draped, without head, terra cotta, 3,000 [frcs.].
Drafts not sent.

Note:
Above orders are to be applied as follows.

No. 3 and 10 ordered Dec. 15, 1925, for A. C. Goodyear.

2 copies No. 4 ordered Jan. 20, 1926, for:
1 for Mrs. Wolcott,
1 for Mrs. James Sibley Watson, ordered thru Brummer.

Jan. 23rd, additional copy of No. 3 for Mrs. Will Shafroth ordered thru Brummer.

2 copies of No. 2:
1 for Mr. Eglington,
1 for Miss Hilda Barnard ordered thru Brummer.

June 1925, Dupon et Theneaux, Maillol castings $ 450.00 ».

Annexe IV
Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 18 septembre 1926.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Album Goodyear.

« Dear Mr. Goodyear:
Mr. Lerolle’s secretary brought me a letter from him asking me to see what I could do about the Maillol complications. She also gave me copies of most of the correspondence.
I went immediately to Marly-le-Roi and was glad to find Mr. Maillol in much better health than report had led me to believe, though he told me he had been in a very bad way all last winter and, I should think, on the verge of a nervous breakdown. He said he had passed several months without even entering his studio, and couldn’t bear the sight of a tool.
He is now working again, however, and seemed quite willing to fill orders as far as seems possible to him. He was much surprised to hear that there were several sales from the exhibition (as I understood from the Lerolle correspondence) and said that the only definite order he had received was for a small terra cotta of which he has mislaid the mould, and which he would not make at the present moment, as he is not doing any terra cotta work at this time and can not light his furnace for a single copy. He will endeavor to fill this order at a later date, but I think it doubtful that he will ever get around to it.
When I spoke of the bronze of no 6 and no 7 “Printemps” and “Eté”, he said he had not understood from Mr. Lerolle’s letter that these were orders, but that Lerolle had merely asked how long it would take to make them in bronze, with and without arms and heads etc. and that he had not been able to give exact answers, as these questions depended on the founder and also on the state of his health which was at that time very bad. I felt, though he did not say so, that he also considered these to be quite idle questions, and that if an order depended on a time limit he would rather not to have the order.
I found, on rereading the letters, that Mr. Maillol was quite right about these two pieces […].
However, he says that if you want the bronze of “Été” he will supply it for the agreed price, but without arms, as he does not like the original arms, and can not undertake to make fresh ones just now, as he is concentrating all his forces on the new standing figure which you saw unfinished, and which is, entre nous, getting more and more marvellous.
As for the “Printemps”, he says he is very sorry but it is too late now as he has promised the last salable copy to another client. All my persuasion could not shake his decision on this point.
I then spoke of the bronze of the torse no 10 [Torse “unfinished”] and he said he had hoped to be able to work at it some more before having a cast made of it for you, but that he now found he could not possibly take the time for it. However, if you would like a bronze of it as it is he could have it done.
I refrained from asking him how long these bronzes would take to make, as I know that sort of question fills him with grief and generally has the effect of making him brush the whole matter on hand from his mind, as one does with other disagreeable thoughts.
This attitude of mind is no doubt hard to understand, but one must take into consideration that if Mr. Maillol had more precise notions of time, he would not be able to continue working on certain pieces of sculpture for ten or fifteen years and come back to them every time as fresh as if starting on something new. It is to this form of madness that the world owes the quite priceless masterpieces he sometimes produces. »

Annexe V
Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 4 novembre 1926.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Album Goodyear.

« Dear Mr. Goodyear:
Your letters of Oct. 2nd and 4th received some time ago. I waited to answer to be able to tell you that the models of Mr. Maillol’s things are now at the foundry and the work of casting is to be begun immediately. If all goes well you should receive them in about three months. […]
I have seen Mr. Maillol several times since writing you last, but have been unable to obtain further promises. In regard to the large figure “Venus” on which he is still working, he is not unwilling to let you have the first copy, but he will not promise anything. I shall keep in contact and try to be on the job when it is done so as to make sure of the first copy.
The large relief [Désir] is still available, but Mr. Maillol says he can no longer maintain the low prices he made in the list of Mr. Lerolle. For the things already ordered (the torse and “Summer”) it is understood (85,000 francs for the two) but for the relief he now asks 80,000 for a copy in tin-lead alloy. I think another copy of the “unfinished” torse is available if ordered soon, but Mr. Maillol worked over it quite a lot after the fresh plaster cast was made, so it is no longer “unfinished” but quite a complete work. I also understand that at least two copies of the relief are available, but as in the case of the torse, these extra copies may be sold over here at any moment, so the sooner they are ordered the surer you are of getting them. […] »

Annexe VI
Pierre Matisse, lettre à Stephen Carlton Clark, Paris, 19 juillet 1932. Morgan Library, New York, Pierre Matisse Gallery Papers, MA 5020.

« Dear Mr. Clark,
Before I received your letter I had arrived with Maillol to the following understanding about the stone figure he is working on now. Should he be commissioned he promises to have the statue completely finished by next summer. The model on which he is working now will be finished in two or three months. Mouldings will have to be made, then the pointing up in the stone. This will be done during the winter and finished by Maillol when he comes back to Paris from the South next Spring.
You saw already how beautifully the work is going on now and it is not difficult to see what it is going to be when completed. One feels the artist quite taken by the subject and in full possession of his means. It is the right kind of statue to go in a garden and you will remember that, when seen in the open air, the dimensions, which might seem very large, will be quite natural.
As far as prices are concerned the reason for the small difference between the stone and the bronze is that Maillol made a mistake about the price of the stone. If we consider the expense the artist has for moulding, the cutting and pointing up, the price of the stone and his personal work, we must admit that 150,000 francs is a very low price. For the bronze 100,000 francs is what he usually received. Although this figure seems much smaller than the large standing figure you saw also in his garden, the working is the same as far as price is concerned as it is more complicated. And prices on bronze, specially of that size, are calculated on the expense of the casting. However I made him reduce the price of the crouching figure from 5,000 francs.
Upon receiving your letter I went to see him immediately about the other stone figure. As I thought and had told you, he refuses to sell it. The real reason is that he expects to sell it to the State to be placed in Paris [in the Musée du Luxembourg : quelques mots manquants] as finished as it looks and needs, according to Maillol, some six more months of work. But he offers to have a duplicate made in stone ready for next Spring. I hardly think you would be interested in that idea.
My opinion is that you have a rare opportunity to have in the figure he is working on now one of his finest work at, I daresay, a very low price. If you should consider taking the bronze and should figure out the cost of the stone at $ 7,000 instead of $ 6,000 it brings the price of the bronze to $ 2,000. There are only five copies to be made of the crouching figure of which the one you saw is the first. […]
In case of a commission and as usual Maillol asks that a deposit of $ 1,000 should be made. As for the stone he advises to use another kind of stone than the one you saw in the standing figure in the back of his studio, it is too soft and very fragile. […] »

Annexe VII
Ernest Brummer, lettre à Joseph Brummer, Paris, 4 novembre 1932.
The Metropolitan Museum of Art, New York, Thomas J. Watson Library Digital Collections, Cloisters Archives Collections, The Brummer Gallery Records.159

« Cher Joseph,
[…] Je t’ai envoyé un long télégramme hier au sujet de l’affaire MAILLOL. Cette affaire a été très très difficile. La plupart des sculptures que tu as vues dans son atelier étaient tellement fragiles qu’il fut impossible de les transporter ; presque toutes étaient sans rien à l’intérieur et minces comme une feuille de papier. II a fallu les renfoncer [sic] et dans certains cas couler d’autres épreuves ; et en plus MAILLOL a exigé absolument qu’un moulage de chaque pièce reste à PARIS “c’est le travail de toute ma vie et si le bateau coule il ne me restera rien”. – J’ai été obligé de l’accepter, tout ceci a demandé beaucoup de travail et de temps et aussi de dépenses. – C’est RUDIER le fondeur qui est l’ami intime de MAILLOL qui a fait les travaux, il ne m’a pas encore donné ses factures mais il m’a dit que cela chiffrerait dans les 9 à 10 000 frcs160. N’oublions pas qu’il y a 31 objets dont plusieurs grandeur nature. Ce RUDIER est une canaille, mais je n’aurais rien pu faire sans lui. – Dans l’ensemble il y a plusieurs plâtres originaux, MAILLOL ne veut pas vendre aucun plâtre aux particuliers, mais il a consenti toutefois qu’on peut vendre les plâtres à des musées seulement.
Parmi les pièces il figure le grand bronze qui a été entièrement ciselé par lui-même et pour cet objet il demande 200 000 frcs. La même pièce en cire perdue de 1re épreuve : 100 000 frcs.
Presque toutes les sculptures que je t’envoie n’ont jamais été tirées en bronze. Je n’ai pu avoir qu’une seule sculpture en pierre, un buste de femme, très joli du reste.
II a été établi trois petits catalogues de photographies reproduisant chaque objet avec son prix et qui tient lieu de contrat. J’ai obtenu de MAILLOL qu’il s’engage que pendant six mois après la fermeture de l’exposition il ne traitera aucune affaire en AMÉRIQUE avec les objets ayant figurés à l’exposition que par ton intermédiaire.
Je t’ai fait expédier sous pli recommandé le catalogue en question. Les prix indiqués s’entendent en bronze livré par MAILLOL, mais on pourra faire tout autre arrangement en cas échéant. Les prix en rouge sur le catalogue ne sont indiqués que pour l’assurance seulement. En cas de vente d’un plâtre original il faut demander à MAILLOL son prix.
Le No 1 du catalogue ne peut pas être fait en bronze, mais on peut vendre le plâtre a un Musée. Ce plâtre a été entièrement retouché par MAILLOL même, il a également retouché le No 9. Si le No 11 serait [sic] vendu il terminerait le dos. Les Nos 21 et 24 sont des œuvres originaux [sic] en terre non cuite.
MAILLOL va t’envoyer une lettre dans laquelle il t’indiquera le titre de chaque sculpture. […] »

Remerciements
Ce texte doit beaucoup aux recherches faites par Philip Wright, qui a déposé une précieuse documentation sur Aristide Maillol et l’Amérique à la fondation Dina-Vierny – musée Maillol. Qu’Olivier Lorquin, président de la fondation, soit remercié de m’avoir autorisée à la consulter. Ma reconnaissance va également à Nathalie Houzé, responsable des archives et des collections de la fondation, dont l’aide constante et amicale a été inappréciable. Je tiens aussi à dire ma gratitude à Linda Konheim Kramer qui a mis à ma disposition la documentation qu’elle avait rassemblée pour son PhD, « Aristide Maillol (1861–1944): Pioneer of Modern Sculpture » (New York, Institute of Fine Arts, 2000), et à Laure de Margerie, qui m’a généreusement fait bénéficier de sa connaissance des musées et des fonds d’archives américains ainsi que des informations qu’elle a rassemblées pour le Répertoire de sculpture française. Sculptures françaises (1500–1960) dans les collections publiques nord-américaines, URL : https://frenchsculpture.org. Je remercie très vivement des informations qu’ils m’ont données et de l’aide qu’ils m’ont apportée pour obtenir les images d’œuvres ou de documents conservés dans les institutions auxquelles ils appartiennent : à Baltimore (Baltimore Museum of Art), Colleen Hollister ; à Buffalo (Buffalo History Museum et Albright-Knox Art Gallery), Cynthia Van Ness et Gabrielle Carlo ; à Détroit (Detroit Institute of Arts), Alan Darr et Meghan Finch ; à New York (The Metropolitan Museum of Art), Elyse Nelson ; à Pasadena (Norton Simon Museum), Jacqui Chambers ; à Washington (National Gallery of Art), Kelly Burton et Peter Huestis ; à Williamstown (Clark Art Library), Marisa Daley ; ainsi que Claire Boisserolles (musée Bourdelle, Paris), Anne Théry (archives Matisse, Issy-les-Moulineaux) et Paul Matisse, qui m’a autorisée à citer des courriers de Pierre Matisse. La reproduction des œuvres de Maillol ou des documents le concernant, conservés au Museum of Modern Art, à New York, étant soumis à des droits, je renvoie le lecteur au site de ce musée. Je remercie enfin Delphine Wanes qui a été mon interlocutrice à l’INHA.

Évaluateurs / Reviewers
Anonymes / Anonymous

Éditrice / Local Editor
Delphine Wanes, Institut national d’histoire de l’art, Paris

Licence / License
Le texte de cet article est fourni selon les termes de la licence Creative Commons License CC-BY-NC-ND 4.0. / The text of this article is provided under the terms of the Creative Commons License CC-BY-NC-ND 4.0.

1 Aristide Maillol, lettre à Bernard Reder, Banyuls, 15 mai 1940, copie dactylographiée. The National Gallery of Art, Washington, Gallery Archives, John Rewald Papers (désormais Rewald Papers), 43B3-box 67-5.

2 Ibid.

3 Laure de Margerie (dir.), Répertoire de sculpture française. Sculptures françaises (15001960) dans les collections publiques nord-américaines, URL : https://frenchsculpture.org (consulté le 29 novembre 2022). Voir aussi Laure de Margerie avec Antoinette Le Normand-Romain, La Sculpture française, une passion américaine, Paris 2023.

4 Véronique Wiesinger, « Maillol, Bourdelle, Despiau et la conception américaine de la modernité en sculpture », in : Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français [1998], 1999, 325-346.

5 Ophélie Ferlier-Bouat et Antoinette Le Normand-Romain (dir.), Aristide Maillol (18611944). La quête de l’harmonie, cat. exp., Paris 2022.

6 Harry Kessler, Journal. Regards sur l’art et les artistes contemporains (18891937), trad. Jean Torrent, t. II, Paris 2017, entrée du 3 juin 1908, DOI : 10.4000/books.editionsmsh.10902 (consulté le 29 novembre 2022).

7 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 295. La première fonte de cette œuvre fut acquise dès 1920 ou 1921 par Gertrude Vanderbilt Whitney et se trouve depuis 1968 au Museum of Art, San Diego, don de Mr and Mrs Norton S. Waldbridge, 1968. Le torse fut vendu au profit du Whitney Museum of Art par la fille de Gertrude Vanderbilt Whitney, Mrs Maccullough Whitney (Parke-Bernet Galleries, New York, 11 mai 1966, no 45) et acheté par la galerie Paul Rosenberg, auprès de laquelle les Waldbridge l’acquirent en 1968 pour en faire don au musée.

8 « Publicity for Organization of the Museum », août 1929. The Museum of Modern Art, New York, URL : https://assets.moma.org/momaorg/shared/pdfs/docs/press_archives/1/releases/MOMA_1929-31_0001_1929-08.pdf (consulté le 29 novembre 2022).

9 En 1951, le Torse de l’Île-de-France a été racheté par le Met, le MoMA ayant encore à cette période, comme le musée du Luxembourg à Paris, le principe de ne pas garder les œuvres une fois leur auteur décédé.

10 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 24-25.

11 Voir Milton W. Brown, The Story of the Armory Show, New York 1963.

12 Voir Valérie Montalbetti-Kervella, « Joseph Bernard. Sa modernité vue des États-Unis », in : Emmanuel Bréon (dir.), L’Art déco. France–Amérique du Nord, cat. exp., Paris 2022, 138-141.

13 W. Murrell Fisher, « Sculpture at the Exhibition », in : Arts and Decoration (March 1913), 169. Notre traduction.

14 Association of American Painters and Sculptors (dir.), International Exhibition of Modern Art, at the Armory of the Sixty-Ninth Infantry, Feb 15 to March 15, 1913, cat. exp., New York 1913, no 631.

15 L’envoi du Cycliste avait peut-être été d’abord envisagé. Il est en effet reproduit dans plusieurs articles sur l’exposition, voir Smithsonian Institution, Washington DC, Archives of American Art, Walt Kuhn Family Papers and Armory Show Records (désormais Walt Kuhn Family Papers), box 2, Scrapbooks. Je remercie Laure de Margerie de m’avoir signalé ces documents. Cependant les termes employés par Fisher correspondent mieux à la Baigneuse qu’au Cycliste, un mince petit jeune homme au modelé naturaliste.

16 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 220.

17 Brown (1963), 263. Le « dessin no 3200 » (cat. 335) fut acquis par Hartshorne le 2 mars 1913 pour 55 dollars. L’acquisition de cette œuvre pour l’équivalent de 200 francs, ainsi que celle d’œuvres d’Émilie Charmy, de Paul Signac, d’Henri Matisse et de Charles Camoin, fut confirmée à Druet le 2 mai ; Walt Kuhn Family Papers, box 1, folder 68.

18 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 289.

19 Lorado Taft, Modern Tendencies in Sculpture, Chicago 1917, 44 (face).

20 Voir Antoinette Le Normand-Romain, « L’exposition Vollard », in : Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 131-132.

21 Torse de l’Île-de-France et Torse de la Jeunesse en février 1923 ; Méditerranée en février 1924 et des petits bronzes dont Léda en avril ; des esquisses en mars 1926. Voir aussi Walter Agard, « Aristide Maillol », in : The Dial 65 (octobre 1923), 365-368.

22 Novembre 1923 ; février, mars, mai, juin et septembre 1924 ; juillet et octobre 1925 ; janvier, février, mars, mai, juin, août et octobre 1926, entre autres.

23 Sheldon Cheney, « Maillol, Giant of the Sculpture », in : International Studio (octobre 1923), 3-11.

24 Ainsi l’édition de 1947 (New York, Tudor Publishing Company) est-elle présentée comme la onzième « révisée et augmentée ».

25 Voir Lloyd Goodrich, The Whitney Studio Club and American Art, 1900–1932, cat. exp., New York 1975.

26 Laurie Eglington [éditrice de Art News], lettre à Aristide Maillol, New York, 3 avril [1924]. Fondation Dina-Vierny – musée Maillol, Paris (désormais FDV-MM). Le « petit torse » n’est pas identifié.

27 Le 3 janvier 1921, Maillol avait déclaré à Pierre Camo : « Achevé cette jeune-fille sans tête ni bras qui marche dans l’eau [le Torse de l’Île-de-France], parce qu’une Américaine [Gertrude Vanderbilt Whitney] a commandé un bronze ». Cité par Pierre Camo, Maillol mon ami, Lausanne 1950, 61. Le Torse fut présenté à l’« Exhibition of Paintings by Henri Rousseau and Sculpture and Drawings by Aristide Maillol », Whitney Studio Galleries, New York, 1924.

28 L’identification est moins sûre, mais il est reproduit dans The Dial (février 1923), après la p. 164, par l’intermédiaire d’une photographie de Druet qui appartient à la série d’images du « Torse féminin, statue en pierre » (nos 11701 à 11704) entré à la galerie le 30 septembre 1921 pour en sortir le 20 janvier 1922. Gertrude Vanderbilt Whitney pourrait donc l’avoir acquis en même temps que le premier mais revendu assez rapidement, puisqu’il figure dans le catalogue de la vente de Jacques Zoubaloff à Paris, les 16 et 17 juin 1927 (no 243). Il fut retiré de la vente pour être donné au musée du Luxembourg.

29 Henry McBride, « Modern Art », in : The Dial (février 1924), 385.

30 C. H. B., « Sculptures by Maillol », in : Bulletin of the Detroit Institute of Arts 6/4 (janvier 1925), 40-41. Le même musée acquit en 1929 le tout récent buste de Vénus ; W. R. Valentiner, « Bust of Venus by Aristide Maillol », in : Bulletin of the Detroit Institute of Arts 11/1 (octobre 1929), n. p.

31 Auteur non identifié [pour Juliana R. Force], lettre à A. Conger Goodyear, sans date, et A. Conger Goodyear, lettre à Juliana R. Force, 20 octobre 1924, double. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition files. Notre traduction.

32 A. Conger Goodyear, Life, sans date, manuscrit dactylographié. Buffalo History Museum, Buffalo, Research Library, C64-2, box 3, folder 2, « The Fine Arts ». Notre traduction. Ce texte a été repris avec quelques variantes dans Sidelights, ouvrage sans mention de date ni d’éditeur, dont la bibliothèque du MoMA possède un exemplaire.

33 Il contribua à en développer les collections en créant le Fellows for Life Fund qui permit d’importantes acquisitions (La Toilette de Pablo Picasso et Femme cousant de Berthe Morisot en 1926 ; La Mare au Jas de Bouffan de Paul Cézanne en 1927).

34 Sur cette exposition, voir Wiesinger (1999), 329-333.

35 Sur l’atelier de Bourdelle, voir Claire Boisserolles, Stéphane Ferrand et Amélie Simier (dir.), Transmission / Transgression. Maîtres et élèves dans l’atelier : Rodin, Bourdelle, Giacometti, Richier…, cat. exp., Paris 2018. Dunbar n’y est pas mentionnée.

36 Il existe trois états du Torse de l’Île-de-France qui diffèrent par l’épaisseur et par la forme de la terrasse ainsi que par la coupe des bras. Le premier fut sans doute modelé dès 1910, mais Maillol le reprit en 1920 et la première fonte, avec une terrasse relativement épaisse, qui forme un ovale presque régulier, fut réalisée alors pour Whitney. Elle fut rapidement suivie d’un autre exemplaire commandé par le Dr Widmer en 1922 (musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne). Le bronze du Met (1925) correspond à un état légèrement différent, avec une terrasse beaucoup plus mince : c’est sous cette forme que le Torse fut le plus largement diffusé alors. Plutôt qu’à Godard, à qui elles sont généralement attribuées, ces fontes (qui ne portent pas de marque de fondeur), en tout cas celle du Met, pourraient être dues à Claude Valsuani, à qui Maillol fit très vite appel (Dina Vierny, Maillol, la passion du bronze, cat. exp., Paris 1995, 22), et à son fils Marcel, qui lui succéda après sa mort brutale le 9 septembre 1923 en gardant la même marque (voir Élisabeth Lebon, Dictionnaire des fondeurs de bronze d’art, Perth 2003, 258). Les Torses du Kunstmuseum de Winterthur et du musée Fabre de Montpellier, plus hauts d’une douzaine de centimètres (119,5 au lieu de 107,5), diffèrent encore par le traitement de la terrasse, dont la surface imite l’eau, et par la coupe haute des bras au niveau de l’épaule. Ils appartiennent à une édition plus tardive, fondue, au moins pour le premier, par les Valsuani.

37 Goodyear, Life (voir note 32).

38 Exhibition of Sculpture and Drawings by Aristide Maillol, cat. exp., The Buffalo Fine Arts Academy, Albright Art Gallery, Buffalo, 15 novembre – 15 décembre 1925, Buffalo 1925, no XVII. Vente Parke-Bernet Galleries, New York, 11 avril 1944, no 71 (reprod.) : « Nude, terra cotta. Reclining figure of a woman […], length 11/2 inches », avec un renvoi fautif au no XVIII de l’exposition de 1925.

39 Exhibition of Sculpture and Drawings (1925), no XVIII. Voir Anna Glenny Dunbar, « Aristide Maillol and His Art », in : The Buffalo Arts Journal (novembre 1925), 10-14: 13 (reprod.).

40 Goodyear, Life (voir note 32).

41 Ibid.

42 Reçu de Maillol « en acompte sur le prix d’achat total du “Torse de Femme” en bronze pour la Albright Art Gallery », 1925. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Album Goodyear (désormais Album Goodyear).

43 A. Conger Goodyear, lettre à Aristide Maillol, 2 juin 1925, double. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files.

44 Lerolle se présentait, sur papier à en-tête imprimé, comme « European Representative, Homer Saint- Gaudens Director, Carnegie Institute, Department of Fine Arts », avec une adresse au 14, rue Brémontier, à Paris.

45 Guillaume Lerolle, lettre à A. Conger Goodyear, 15 septembre 1925. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files. Notre traduction.

46 Anna Glenny Dunbar, « Introduction », in : Exhibition of Sculpture and Drawings (1925), n. p. Notre traduction.

47 Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 8 octobre 1925. Album Goodyear. Voir annexe I.

48 Lorna Britwell, « Bourdelle and Maillol: The Two Great Sculptors to Be Shown in New York This Season for the First Time », in : Arts and Decoration 24 (novembre 1925), 46-47.

49 En 1926 : Brummer Gallery, New York ; Museum of Fine Arts, Boston ; Arts Club of Chicago, Chicago ; Art Gallery of Ontario, Toronto ; Denver Art Museum, Denver ; Cleveland Museum of Art, Cleveland ; Saint Louis Art Museum, Saint-Louis ; Nelson Atkins Museum of Art, Kansas City. En 1927 : Omaha Society of Fine Arts, Omaha ; Worcester Art Museum, Worcester ; Memorial Art Gallery, Rochester.

50 Augustus John, lettre à A. Conger Goodyear, 19 août 1925. Album Goodyear. Notre traduction.

51 Henry McBride, « Modern Art », in : The Dial (mars 1926), 262. Notre traduction.

52 La Draped Figure (Exhibition of Sculpture and Drawings [1925], no VII) fut renversée le 8 octobre pendant une conférence et cassée en trois morceaux sous les hanches, quoique la précaution eût été prise de mettre les œuvres contre le mur, derrière une corde. « Please give us our advice as to what is best to be done about the statue and any other suggestions that you may have » ; Edgar McMechen [directeur du Denver Art Museum], lettre à A. Conger Goodyear, 4 octobre 1926. Album Goodyear. Il s’agit du Nu féminin debout drapé (sans bras) ou Étude pour La France, vers 1920–1925, patiné façon bronze, 54,61 × 13,02 × 12,7 cm. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, 1966-9-32. Ses proportions le rendent instable et ses jambes semblent en effet présenter des traces d’accident.

53 Edgar McMeche, lettre à A. Conger Goodyear, 4 octobre 1926. Album Goodyear. Notre traduction.

54 Intitulé « Maillol Exhibition », relié, l’Album Goodyear réunit des documents collés sur une quarantaine de feuillets ou insérés entre les pages. Il est conservé à l’Albright-Knox Art Gallery, Buffalo.

55 Voir Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 8 octobre 1925. Album Goodyear. « M. Maillol asks me to tell you that none of the plaster casts must be sold. I thought this was understood, but he was worried by the prices affixed to the plaster casts in Lerolle’s list. I suppose these were for the insurance. » Goodyear n’en tint aucun compte.

56 Henry McBride, « Modern Art », in : The Dial (mars 1926), 262.

57 Anonyme, « Anson G. Goodyear Shows His Superb Collection of Maillols in New York: Fine Collection Shown at Brummer Gallery is Private Property of Buffalo Collector and Not for Sale », in : The Art News (16 janvier 1926), 1. Laurie Eglington, l’éditrice de la revue, commanda alors un exemplaire en terre cuite de l’étude pour l’Hommage à Cézanne (Exhibition of Sculpture and Drawings [1925], no XVII) ; Joseph Brummer, lettre à A. Conger Goodyear, New York, 22 janvier 1926. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files.

58 Communiqué de presse, 17 mars 1930. MoMA, New York, Archives. Voir aussi Anonyme, « Five Sculptures Given to Museum of Modern Art », in : The Art News (29 mars 1930), 6.

59 Le site du musée précise qu’elle provient de Goodyear ; elle correspond en effet à la Woman’s Head reproduite dans Exhibition of Sculpture and Drawings (1925), no 10 ou 11. Elle avait été vendue par Parke-Bernet Galleries, New York, 11 mai 1944, no 75.

60 George W. Eggers, « Color in Sculpture », in : Bulletin of the Worcester Art Museum (avril 1927), 2-7.

61 Guillaume Lerolle, lettre à Aristide Maillol, 1er février 1926. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files. Ce courrier confirme la commande après sa visite à Banyuls, les prix ayant été donnés par l’artiste. Voir annexe III.

62 Voir les lettres de Joseph Brummer à A. Conger Goodyear, datées du 22 janvier et du 16 février 1926, confirmant les achats évoqués ci-dessus. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files. Notre traduction.

63 Judith Cladel, Aristide Maillol, sa vie, son œuvre, ses idées, Paris 1937, 112.

64 Identifié dans Kessler (2017), 273, entrée du 28 mai 1926.

65 Guillaume Lerolle, lettre à A. Conger Goodyear, 1er février 1926. Album Goodyear. Notre traduction ; voir annexe II.

66 Ibid.

67 Ibid.

68 Kessler (2017), 273, entrée du 28 mai 1926.

69 Ibid.

70 Lerolle fait-il allusion à l’une des deux Draped Figure en plâtre reproduites dans Exhibition of Sculpture and Drawings (1925), nos VII et VIII ? Ou encore à la Baigneuse Cladel, dont il existe plusieurs exemplaires en terre cuite ?

71 Guillaume Lerolle, lettre à A. Conger Goodyear, 1er février 1926. Album Goodyear. Notre traduction ; voir annexe II.

72 Guillaume Lerolle, lettre à A. Conger Goodyear, 2 février 1926. Album Goodyear. Notre traduction.

73 Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 23 novembre 1926. Album Goodyear. Notre traduction.

74 Edgar McMechen, lettre à A. Conger Goodyear, 4 octobre 1926. Album Goodyear. Le 13 octobre 1927, le secrétaire du musée informa Goodyear que le bronze, acquis grâce au legs de Henry Bolthoff, était bien arrivé et satisfaisait tout le monde. Il s’agit de L’Été sans bras – identique, donc, au modèle exposé.

75 Gertrude Herdle [directrice de la Memorial Art Gallery], lettre à A. Conger Goodyear, 12 avril 1927. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, Exhibition Files. Notre traduction. Cette demande n’eut pas de suite.

76 George W. Eggers, lettre à A. Conger Goodyear, 21 janvier 1927. Album Goodyear. L’acquisition ne se fit pas.

77 Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 18 septembre 1926. Album Goodyear. Notre traduction ; voir annexe IV. Goodyear reprend ce texte presque à l’identique dans Life (voir note 32). L’exemplaire « promis à un autre client » n’est pas identifié et les fontes du Printemps semblent avoir été encore bien peu nombreuses à cette date.

78 Ibid.

79 Cecil Howard, lettre à A. Conger Goodyear, 4 novembre 1926. Album Goodyear. Notre traduction ; voir annexe V.

80 Ibid.

81 Ibid.

82 Acquise à la vente de la galerie Georges Petit, Paris, 16–17 juin 1927.

83 Richard Huntington, « The Albright-Knox’s “A. Conger Goodyear Collection”, One Patron’s Vision of the Future », in : The Buffalo News (4 août 1996), F-1 et 4.

84 F. W., « Maillol », in : The Arts 9/2 (février 1926), 100. Notre traduction.

85 Il fit don au Wadsworth Atheneum, à Hartford, en 1955, d’un exemplaire en bronze de la tête dite Femme au chignon.

86 Musée d’Orsay, Paris, fonds Vollard. Il s’agissait donc de bronzes édités par Vollard à la suite des contrats signés avec Maillol en 1902, en 1905 (complété en 1909) et en 1911.

87 The Metropolitan Museum of Art, New York, Thomas J. Watson Library Digital Collections, Cloisters Archives Collections, The Brummer Gallery Records (désormais Brummer Gallery Records).

88 Ibid.

89 Joseph Brummer, lettre à Ernest Brummer, 19 octobre 1932. Brummer Gallery Records. Il insiste le 15 novembre : « Persuade Maillol sell original plasters as only museums buying and they want only original plasters. » Maillol refusait cependant de s’engager sur les prix des plâtres à l’avance. Le 26 décembre, Ernest tenta encore de le convaincre, mais Maillol n’accepta de vendre que trois plâtres, ainsi qu’Ernest l’écrit à son frère le 3 janvier 1933.

90 Un courrier de l’expert André Pacitti, qui avait vu les livres de Rudier, adressé à un certain Strobel à Francfort (17 janvier 1962), confirme que les droits sur les deux premières fontes de la grande version (H. 1,57 m), numérotées 1 et 2, furent cédés à Brummer à l’occasion de l’exposition qu’il avait organisée. (Copie envoyée par André Pacitti à Dina Vierny, 1962. FDV-MM.) La première est très probablement celle qui se trouve aujourd’hui à la National Gallery of Art (numérotée 1, don d’Ailsa Mellon Bruce, voir infra).

91 Aristide Maillol, lettre à Ernest Brummer, janvier 1933. Brummer Gallery Records.

92 Ernest Brummer, lettre à Joseph Brummer, 4 novembre 1932. Brummer Gallery Records. Voir annexe VII.

93 Joseph Brummer, télégramme à Aristide Maillol, 18 février 1933. Brummer Gallery Records.

94 [Joseph Brummer, lettre à A. Conger Goodyear, 1er décembre 1932. FDV-MM. Notre traduction.] La fondation Dina-Vierny – musée Maillol possède une copie de la précieuse documentation réunie par Philip Wright pour préparer le texte de Bertrand Lorquin, « Maillol and America », première étude des relations de Maillol avec les États-Unis (Maillol and America, cat. exp., New York 2004, 5-9), sur laquelle s’est appuyée la présente recherche. Lorsque je n’ai pas pu vérifier les originaux des documents transmis par lui à la fondation et que la copie est la seule source, les références sont mentionnées entre crochets.

95 Krzysztof Pomian, Le Musée, une histoire mondiale, t. III : À la conquête du monde (1850–2020), Paris 2022, 494-498.

96 Les deux œuvres de Maillol, Baigneuse debout ou Baigneuse 1900 (H. 62,5 cm, inv. 55.1.15) et Femme se coiffant (H. 35 cm, inv. 55.21.14), ont été rachetées par le Met en 1951 (Edith Chapman Fund). Selon le catalogue de l’exposition « Master Bronzes », qui se tint à Buffalo en février 1937 (no 161), la Femme se coiffant, qui porte la marque « Alexis Rudier no 1 », venait d’être fondue et ciselée par Maillol pour Mrs Rockefeller à partir d’un plâtre qu’elle avait acquis chez Brummer et que le sculpteur, très réticent à l’idée de se séparer de ses plâtres, lui avait demandé de lui renvoyer.

97 Torse de la Jeunesse, vers 1905, bronze, H. 101 cm, fonte par Alexis Rudier. Vendu chez Christie’s, New York, 2 mai 2012, no 329.

98 La première, fondue en 1928 par Claude Valsuani, avait été immédiatement acquise par les Hahnloser.

99 Agrandissement (H. 81 cm) d’une statuette (vers 1902–1905) réalisé par Maillol vers 1925, à la demande du collectionneur danois Johannes Rump, qui fit don d’un bronze au Statens Museum for Kunst de Copenhague en 1929. L’exemplaire de Baltimore est numéroté 5/5, ce qui témoigne du succès de la figure.

100 Elle avait figuré dans la vente « Property of the Museum of Modern Art with Additions from the Members of the Museum’s Board of Trustees and Advisory Committee », Parke-Bernet Galleries, New York, 11 mai 1944, no 75.

101 Ce torse (Santa Barbara Museum of Art, Santa Barbara, legs du lieutenant Wright S. Ludington, 1993.1.40) porte la marque d’Alexis Rudier et le numéro 1, ce qui donne à penser qu’il fut fondu avant ou en même temps que celui du Met (bronze, acquis en 1929 auprès de la Weyhe Gallery), numéroté 2/4, mais on ne sait rien de son parcours antérieur à 1944.

102 Aristide Maillol, 1861–1944, cat. exp., Buffalo 1945, 15. Notre traduction.

103 Ibid., 18.

104 Voir Michael Conforti (dir.), The Clark Brothers Collect Impressionist and Early Modern Paintings, cat. exp., Williamstown 2006.

105 Aujourd’hui au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Le plâtre, acquis par son frère, se trouve au Sterling and Francine Clark Art Institute à Williamstown. Voir Rodin in the United States: Confronting the Modern, cat. exp., Williamstown 2022, nos 21 et 63.

106 Conforti (2006), nos 258 à 265.

107 Conforti (2006), 159 (note 108).

108 Pierre Matisse, lettre à Stephen Carlton Clark, 9 juillet 1932. Morgan Library, New York, Pierre Matisse Gallery Papers, MA 5020. Notre traduction ; voir annexe VI.

109 Ibid.

110 Il s’agit probablement de la Muse du Monument à Claude Debussy qui aurait été acquise par Clark, si l’on en croit Conforti (Conforti [2006], no 262), en septembre 1932 par l’intermédiaire de la Pierre Matisse Gallery. Elle fut rachetée dès 1934 à New York (William Macbeth, Inc.) par le Toledo Museum of Art (grâce à un don d’Edward Drummond Libbey). Goodyear avait lui aussi acquis une fonte avant même l’inauguration du monument à Saint-Germain-en-Laye (9 juillet 1933) : celle-ci fut exposée au MoMA pendant l’été 1933 (« Summer Exhibition: Painting and Sculpture »), puis à Buffalo en 1945 (Aristide Maillol [1945], 94-95, no 36), avant d’être donnée par Goodyear au Lincoln Center, pour le Metropolitan Opera, en 1965. L’exemplaire de la Muse devant lequel Pierre Matisse photographia Maillol et son père (Fig. 11) n’a pu être identifié.

111 Aujourd’hui à la Norton Simon Art Foundation, il se trouvait déjà à New York en 1933 : il est reproduit dans Parnassus 5/4 (mai 1933), 22, avec la légende : « One of the most important pieces exhibited during the season by the Pierre Matisse Gallery. » Aristide Maillol (1945), 96-97 (reprod.), no 38. Il s’agit sans doute de la statuette dite en albâtre qui transita par la galerie Druet entre le 1er juin et le 25 juillet 1927 (no 11843).

112 Pierre Matisse, lettre à Henri Matisse, 30 mai 1931. Morgan Library, New York, Pierre Matisse Gallery Papers, MA 5020. Ma reconnaissance va à Emily Talbot, conservatrice en chef, et à John Griswold, restaurateur, à la Norton Simon Art Foundation, ainsi qu’à Daphne Barbour, restauratrice en chef à la National Gallery of Art : grâce à un examen attentif de l’œuvre, Griswold a pu confirmer que la tête avait été rapportée dès l’origine. Une photographie de Marc Vaux conservée à la FDV-MM (fonds Marc Vaux) porte d’ailleurs l’annotation « à New York (au fils de Matisse) ».

113 Aristide Maillol, Méditerranée, 1923–1927, marbre, 110,5 × 117,5 × 68,5 cm. Paris, musée d’Orsay, RF 3248.

114 John Rewald, lettre à Aristide Maillol, 20 novembre 1941. FDV-MM.

115 Conforti (2006), note 109.

116 [Lucien Maillol, lettre à Alfred Barr, 10 juin 1951. FDV-MM.] C’est une fonte plus tardive de Méditerranée, due à Georges Rudier, qui fut placée sur la tombe de Maillol à Banyuls.

117 Alfred Barr, lettre à Marcel Aubert, 8 mars 1954. Musée Rodin, Paris, Curt Valentin.D 61 1-2.

118 « Museum of Modern Art Shows Two Major Acquisitions », 5 avril 1949, communiqué de presse. MoMA, New York, Archives. Notre traduction.

119 Wiesinger (1999), 340. Voir aussi Thierry Dufrêne, « Aristide Maillol et l’art contemporain », in : Valérie Da Costa et Thierry Dufrêne, Maillol. La forme libre, cat. exp., Paris 2021, 47.

120 Grâce à l’Album Druet, nous savons que ce marbre entra à la galerie le 3 avril 1926 pour en ressortir le 9 afin d’être expédié à la galerie Dudensing à New York. Pierre Matisse et Valentine Dudensing ouvraient alors ensemble une galerie à New York. Ils se séparèrent en 1930 et le marbre resta à Matisse. Album Druet, t. III. Bibliothèque nationale de France, Paris, département des Estampes et de la Photographie, FA-99 (A,3)-Boite FOL.

121 [Daniel Wildenstein, lettre à Alfred Barr, 15 décembre 1954. FDV-MM. Notre traduction.] Le Torse de l’Action enchaînée, acquis chez Curt Valentin le 21 septembre 1954, et la Baigneuse se coiffant, acquise chez Fine Arts Associates le 23 mai 1956, venaient tous deux de la succession Rudier. Ce sont des fontes d’Alexis Rudier. La Nuit est une fonte de Georges Rudier, acquise en 1962.

122 [Alfred Barr, lettre à Nelson A. Rockefeller, 22 décembre 1954. FDV-MM. Notre traduction.] Pour le torse, il ne s’agit certainement pas de L’Action enchaînée de Kykuit, Rockefeller ayant acquis celui-ci quelques semaines plus tôt (21 septembre 1954) auprès de la galerie Curt Valentin, mais probablement du Torse de jeune femme de la National Gallery of Art (1983.1.60).

123 Ibid.

124 À qui il dédia la première version de son texte sur Maillol, « Les ateliers de Maillol », in : Le Point 17 (novembre 1938), 200-240, illustré de nombreuses photographies pour la plupart prises par lui.

125 John Rewald, « Maillol Remembered », in : Aristide Maillol (1861–1944), cat. exp., New York 1975, 8. Notre traduction.

126 Ibid.

127 Copies dactylographiées. Rewald Papers, 43B2 box 67-5.

128 Ibid.

129 Rewald (1938). Ce texte donna lieu ensuite à une version française, légèrement différente, John Rewald, « Souvenirs de Maillol », in : Maillol au palais des rois de Majorque, cat. exp., Perpignan 1979, 3-23.

130 Rewald (1938), 211.

131 John Rewald, Maillol, Londres / Paris / New York 1939.

132 Judith Cladel, Rodin, sa vie glorieuse, sa vie inconnue, Paris 1937.

133 « Il est regrettable que nous n’ayons pu le relire ensemble parce que, certainement, vous auriez apporté quelques modifications. Je me bornerai à vous indiquer quelques inexactitudes d’ailleurs sans importance très grande. Je viens de le relire et je trouve que c’est un travail très ingénieux et de grande valeur, très sérieux et convaincu. J’y trouve de très belles qualités d’écrivain. J’aurais cependant aimé moins de détails quelquefois désagréables sur mes misères du début. » Suit une liste d’« inexactitudes », ainsi « Gauguin ne m’a pas dit : vous avez une âme d’or » ou « Je n’ai pas eu d’accidents de cuisson de matière » ; Aristide Maillol, lettre à John Rewald, [6 juin 1939]. Rewald Papers, 43B2 box 67-5.

134 « Je ne puis autoriser les éditions Hyperion Paris-Limoges à publier une nouvelle édition de leur ouvrage sur mon œuvre ou à publier un nouvel ouvrage tiré de ce dernier qu’à la condition que Monsieur John Rewald, auteur de la première publication parue en 1939, préside au choix des illustrations et donne le bon à tirer pour le texte. Aristide Maillol, sculpteur, Banyuls, 9 février 1941. » Rewald Papers, 43B2 box 67-5.

135 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 283.

136 Rewald (1979), 19.

137 John Rewald, lettre à Aristide Maillol, 20 novembre 1941. FDV-MM.

138 Aristide Maillol (1945), 79 (reprod.).

139 Rewald (1975).

140 Dina Vierny, « Exposition des œuvres originales d’Aristide Maillol à la galerie Paul Rosenberg à New York et projet d’exposition dans 12 musées des U.S.A. », Paris, 17 janvier 1958, double. FDV-MM. Vierny donna les dates de fonte pour tous les bronzes, selon elle toutes antérieures à la mort de l’artiste, avec la précision que ces dates provenaient « des notes et mémoires personnels d’Aristide Maillol transmises par la collaboratrice », ibid.

141 Alexandre Rosenberg, lettre à Dina Vierny, 11 octobre 1958. FDV-MM.

142 Ibid.

143 Alexandre Rosenberg, lettre à Dina Vierny, 20 janvier 1968. FDV-MM.

144 « Aristide Maillol, 1861–1944 », The Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 19 décembre 1975 – 21 mars 1976.

145 Qui vendit ainsi, par exemple, plusieurs exemplaires de L’Île-de-France : à Sturgis et Marion Ingersoll, (Philadelphia Museum of Art, Philadelphie), à Maurice Wertheim (no 3, Fogg Art Museum) et à Henry Radford Hope en 1948 (no 4, Eskenazi Museum of Art, Bloomington).

146 John O’Brian, Degas to Matisse: The Maurice Wertheim Collection, New York 1988.

147 Dina Vierny, Histoire de ma vie racontée à Alain Jaubert, Paris 2009, 192.

148 Revendue chez Sotheby’s Parke-Bernet, New York, 14 mai 1980, no 224.

149 Cédée par Dina Vierny en 1967.

150 Don de Jennifer Jones Simon. C’est l’un des deux marbres signalés par Andrew Ritchie dans le catalogue de son exposition (Aristide Maillol [1945], 96-97 (reprod.), 108, H. 12,5 inches [31,75 cm]), l’autre (H. 9 inches [22,85 cm]) étant aujourd’hui à la National Gallery of Art.

151 Dina Vierny, lettre à John Rewald, 21 novembre 1968. FDV-MM.

152 Ferlier-Bouat et Le Normand-Romain (2022), 73.

153 Vente Christie’s, New York, 15 novembre 1983, no 34.

154 Lorsqu’il fut exposé à Buffalo par Ritchie ; Aristide Maillol (1945), 108.

155 Donné à la National Gallery of Art en 1983. Ce bronze, qui porte la marque de Claude Valsuani, pourrait être l’un de ceux mentionnés dans une lettre de Howard du 4 novembre 1926 (voir annexe V) : un exemplaire avait été fait, un autre était possible mais Maillol avait repris le plâtre entre-temps et c’était donc désormais une œuvre achevée. D’après le site de la National Gallery of Art, ce bronze appartint à Maurice L. Stone : il correspond donc à l’un des trois exemplaires mentionnés en 1945 (Aristide Maillol [1945], 107), les deux autres étant en possession de Goodyear (no 40, repr. p. 98, sans doute celui qui fut donné en 1959 à la Yale Art Gallery et qui porte également la marque de Valsuani) et de Lewisohn (non localisé). Toujours d’après le site de la National Gallery of Art, le Torse Stone passa ensuite entre les mains de deux marchands, Eugene Thaw – l’un des marchands avec qui Paul Mellon était en contact – puis Wildenstein. Il est donc bien possible que ce soit ce « Torso » qu’Alfred Barr vit chez Wildenstein et signala à Nelson A. Rockefeller [Alfred Barr, lettre à Nelson A. Rockefeller, 22 décembre 1954. FDV-MM].

156 Pour le repos de l’âme de laquelle, « bonne et indulgente, femme supérieure, femme de goût, de cœur et d’esprit, protectrice des Arts, mécène, connaissant et appréciant l’art Français » (texte remis au père Berrar pour être lu pendant la cérémonie), Dina Vierny fit célébrer une messe en la cathédrale Notre-Dame de Paris le 7 novembre 1969. Paul Mellon, le frère de la défunte, l’en remercia très chaleureusement. FDV-MM.

157 Le Met reçut au même moment un exemplaire de L’Été provenant d’Adelaïde Milton de Groot (1876–1967), peintre, qui vécut en France jusqu’en 1933 et légua au musée un important ensemble de toiles appartenant surtout à la première moitié du xxe siècle ainsi que quelques rares sculptures (Lachaise, Rodin). Cet Été (inv. 67.87.46) porte le no 1 ; cependant il ne s’agit certainement pas de la première fonte, qui est celle de la collection Morozov (musée Pouchkine, Moscou), mais probablementd’une fonte des années 1920 réalisée à un moment où Maillol eut le projet de numéroter les bronzes. L’absence de marque de fondeur donne à penser qu’il ne s’agit pas d’une fonte d’Alexis Rudier mais plutôt de Godard ou de Claude Valsuani qui ne marquaient pas toujours leurs réalisations (voir note 36).

158 Les numéros ne correspondent pas au catalogue imprimé mais sans doute à une liste de travail. N.D.E.

160 Elle s’éleva à 18 500 francs. Eugène Rudier, lettre à Ernest Brummer, 23 novembre 1932. The Metropolitan Museum of Art, New York, Thomas J. Watson Library Digital Collections, Cloisters Archives Collections, The Brummer Gallery Records. N.D.E.