Une frontière durable? L’établissement de la frontière romaine dans le delta du Rhin

Résumé

Cette contribution est le premier d’une série de trois articles qui synthétisent l’étude interdisciplinaire sur la chaîne de fortins établis vers 40 ap. J.-C sur la rive sud du Rhin, entre Vechten (prov. Utrecht / NL ) et la côte de la mer du Nord. Ce projet vise les motifs qui ont déterminé l’implantation de ce dispositif militaire et les efforts nécessaires à sa construction et à sa maintenance. Ces questions ont été élaborées par une équipe de chercheurs venant de différentes disciplines: archéologie, géomorphologie, paléobotanique et zooarchéologie.
Bien que le projet soit limité formellement aux années 40-140 ap. J.-C. environ, ce premier article aborde la période précédente: la transition de l’Âge du Fer tardif au début du Principat. On ne peut évaluer correctement les événements à partir de 40 ap. J.-C. sans disposer des connaissances essentielles sur ce qui a précédé: le paysage pré-romain et l’occupation du delta du Rhin, la conquête de la Gaule par Rome et ses luttes avec les peuples germaniques de la rive sud du Rhin.
Le récit est intégré aux sources historiques et donc essentiellement chronologique, mais il présente quelques digressions sur le paysage et son exploitation, avec le Rhin et son delta comme éléments principaux, et sur le ravitaillement militaire, d’une importance vitale en période de conquête. Les conflits politiques de la fin de la République furent apparemment un facteur clé de l’expansion vers le nord-ouest, mais une fois déclenchée, plus moyen de l’arrêter. Chaque conquête entraînait de nouvelles menaces qui, à leur tour, réclamaient de nouvelles actions dans la mesure où le permettaient le terrain et le réseau de ravitaillement militaire.
Les troupes romaines avancèrent finalement jusqu’à l’Elbe et il n’y a guère de doute qu’Auguste avait l’intention de créer une province avec les territoires conquis entre le Rhin et l’Elbe. Ce but fut presque atteint avec la soumission en 8 av. J.-C. de toutes les tribus vivant entre le Rhin et l’Elbe, mais sa réalisation échoua chaque fois. On admet généralement que l’arrêt des campagnes militaires après l’an 16 ap. J.-C. marque l’abandon du rêve impérial d’une province germanique à l’est du Rhin. Mais le fait que les Frisons d’outre- Rhin continuaient de payer un tribut et que la région offrait un potentiel intéressant pour le ravitaillement militaire – céréales, viande, cuir, minerais de métaux, roches et recrues – fait douter de cette conclusion.
La Germanie, après la mort de Tibère en 37 ap. J.-C., ne fut pas nécessairement considérée comme perdue et le fait que son successeur Caligula ait franchi le Rhin pour obtenir un succès militaire rapide, en vue de s’assurer le trône impérial, n’est peut-être pas une coïncidence.